AGRONOMIE
Les conseils pour une bonne conduite du sorgho

Yves Pousset
-

Le sorgho connaît un regain d’intérêt ces dernières années. Cette culture offre en effet aux agriculteurs une alternative tout à fait intéressante pour consolider les assolements régionaux face à l’évolution du climat et aux éventuelles restrictions d’accès à l’eau et ainsi diversifier les cultures. Arvalis-Institut du végétal revient sur les points clés pour réussir la culture du sorgho.

Les conseils pour une bonne conduite du sorgho
© Arvalis

À partir de cette année, le classement des précocités du sorgho évolue, passant de trois groupes à deux : le septentrional et le méridional (voir figure 1). Les variétés se situant en limite des anciens groupes sont ventilées dans les nouveaux groupes en fonction de leurs besoins en température. Auvergne-Rhône-Alpes étant marquée par un fort gradient Nord/Sud en matière d’offre climatique, elle sera concernée par les deux types variétaux.

Les dates de semis

Le sorgho est une culture exigeante à l’implantation. La taille de sa graine et ses besoins en température nécessitent donc une préparation soignée (lit de semence fin) et un sol réchauffé (la température du sol doit être supérieure à 12 °C). De fait, la période optimale de semis (voir tableau 1) se situe autour de fin avril pour les zones du Sud de la Drôme jusqu’à mi-mai pour les situations où les sols se réchauffent plus lentement.

Densité de semis

La densité de semis est un élément primordial pour la réussite de la culture. Les semoirs monograines sont à privilégier mais les distributions électriques des semoirs à céréales récents offrent des performances équivalentes. Des essais ont montré qu’il n’y a pas plus de perte à la levée avec les semoirs à céréales à paille. Mais il faut avoir des roulettes de rappui pour être certain que le contact sol-grain soit assuré. Semer à 12 cm d’écartement n’impacte pas le rendement mais limite l’utilisation des outils de désherbage mécanique. L’utilisation d’un semoir monograine ou à céréales à paille se décide donc en fonction de l’organisation du matériel sur l’exploitation et de la pression des adventices. La densité de semis dépend de la précocité à l’épiaison de la variété et de la réserve hydrique. La précocité à l’épiaison de la variété conditionne fortement le nombre de grains à semer. Plus une variété est précoce, plus faible est l’indice foliaire et le nombre de grains sur sa panicule. En conséquence, pour maximiser les composantes du rendement, les variétés plus précoces nécessitent des densités de culture plus élevées que les plus tardives. Le fort développement d’une variété tardive et son fort potentiel de grains par panicule permettent de viser de faibles peuplements (200 000 plantes/ha). La réserve hydrique dépend à la fois du type de sol et de la capacité d’enracinement de la culture. En conditions séchantes, les peuplements élevés favorisent une forte production de biomasse précoce (tiges et feuilles) et exacerbent la concurrence entre plantes. Des évapotranspirations et compétitions excessives accélèrent l’épuisement de la réserve en eau pénalisant souvent la formation des grains dès l’épiaison. En situation irriguée ou dans les milieux à forte réserve en eau, la densité de peuplement est valorisée. Des peuplements plus élevés permettent de maximiser les composantes de rendement. Dans tous les cas, il faut aussi tenir compte d’un taux de perte à la levée de 15 à 20 %. Le tableau 2 résume les objectifs de densité de semis à respecter selon les conditions hydriques, les types de sol rencontrés et le choix de la variété semée. La capacité d’adaptation du sorgho au stress hydrique est bien connue. Cependant, elle a des limites qui ont été mises en évidence ces dernières années. Des différences de l’ordre de 40 q/ha ont été obtenues entre des cultures irriguées et des conduites en sec.

D’autres éléments vont contribuer à la réussite de l’implantation comme la localisation d’un engrais starter à base de phosphore au semis, efficace pour améliorer la vigueur au départ. Une protection au semis avec un insecticide micro-granulé peut également s’avérer nécessaire dans les parcelles à risque de taupins. Pour assurer une répartition optimale de l’insecticide dans la ligne de semis, il est nécessaire d’utiliser des diffuseurs.

Les variétés de sorgho grain

Le choix des variétés doit se faire en fonction de la précocité et de la zone de production. Les calculs d’offre climatique permettent de positionner les précocités des variétés sur le territoire (voir carte). Dans notre région, dans les zones traditionnelles de production céréalière, le groupe septentrional concernera le nord de la région, le groupe méridional étant réservé au Sud (Drôme).

Fertilisation azotée

Grâce à son aptitude à puiser l’eau dans le sol, le sorgho a une grande capacité à y prélever l’azote minéral. De ce fait, les apports d’azote par les engrais peuvent être modérés. L’azote contribue essentiellement à la détermination du nombre de grains par panicule, il faudra donc l’apporter impérativement avant le stade gonflement (formation des gamètes - 12 feuilles). En sol filtrant ou superficiel, pour limiter les pertes, éviter des apports précoces avant 6 feuilles. Dans les autres situations, en sec, un seul apport au semis est suffisant et en irrigué, un premier apport au semis sera suivi d’un second avant la première irrigation (au plus tard 10-12 feuilles).

Calculer la dose d’azote à apporter

Le calcul de la dose optimale d’engrais azoté à apporter sur un sorgho nécessite d’adopter une démarche qui passe par plusieurs étapes dont la première vise à déterminer le besoin en azote de la culture. Il est fonction du niveau de production visé (tableau 3). Une fois les besoins en azote de la culture calculés, il faut estimer les fournitures totales d’azote. Elles sont constituées a minima de l’azote présent dans le sol au moment du semis et de la minéralisation de l’humus.

Pour connaître la quantité d’azote présent au moment du semis dans le sol, il existe plusieurs moyens : la mesure du reliquat d’azote minéral sur la profondeur d’enracinement, les synthèses des campagnes de mesure du reliquat diffusées annuellement dans certaines régions, ou alors la modélisation.

La minéralisation de l’humus

Le sorgho étant une culture d’été, la minéralisation de l’humus du sol est intense à cette période, surtout si la culture est irriguée. Il convient donc d’intégrer au plan de fumure la quantité d’azote issue de la minéralisation de l’humus entre le semis et le stade maturité physiologique. Cette quantité dépend du type de sol, de l’irrigation ou non de la parcelle et de la longueur du cycle. Il existe un référentiel de ces valeurs par région.

Les apports organiques récents

Dans le cas d’apports organiques avant sorgho, il est impératif de calculer leur contribution à la fourniture d’azote. La valeur fertilisante d’un apport organique dépend de la quantité de matière épandue, de sa teneur en azote et du coefficient d’équivalence d’un engrais minéral (Keq).

Désherbage : objectif propreté en un passage

Le sorgho est extrêmement sensible à la concurrence des adventices. Les solutions de désherbage chimiques peuvent se révéler insuffisantes, c’est pourquoi il faut bien veiller à semer sur une parcelle propre (ne pas hésiter à faire des faux semis), s’assurer de la bonne homogénéité de la levée et du recouvrement rapide de l’inter-rang ne pas hésiter à mettre en oeuvre des techniques de désherbage mécanique. Les évolutions récentes du catalogue des usages phytopharmaceutiques ouvrent désormais l’emploi d’un certain nombre de produits qui n’étaient jusqu’alors limités qu’au maïs. Toutefois, il faut bien veiller à ce que les doses et le(s) stade(s) d’application soient bien sélectifs de la culture.

Herbicides et positionnement

Trois possibilités d’intervention pour le désherbage du sorgho existent :
• En post-semis prélevée : intervention destinée à lutter essentiellement contre les graminées.
• En post-levée à 3 feuilles du sorgho pour lutter à la fois contre les graminées et les dicotylédones.
• En post-levée entre 4 et 8 feuilles du sorgho pour lutter contre les dicotylédones (voir figure 4).

Désherbage mécanique

Les solutions de désherbage mécanique permettent de compléter et de sécuriser la maîtrise des mauvaises herbes dans la culture. Il est possible de positionner un passage de herse étrille ou de houe rotative quelques jours après le semis (technique du passage « à l’aveugle ») en ayant pris soin de semer un peu plus profondément. Un ou plusieurs binage(s) avec buttage peuvent être réalisés vers le stade 5-6 feuilles du sorgho.

L’irrigation

Le sorgho est une des plantes cultivées les moins exigeantes en eau. Ses besoins totaux (réserve du sol + pluie + irrigation) sont de l’ordre de 400 à 500 mm. De plus, grâce à son système racinaire performant, il est capable d’extraire et d’utiliser avec plus d’efficience l’eau du sol.

La capacité d’adaptation du sorgho au stress hydrique est bien connue. Cependant, elle a des limites qui ontété mises en évidence ces dernières années. Des différences de l’ordre de 40 q/ha ont été obtenues entre des cultures irriguées et des conduites en sec. L’irrigation est donc nécessaire si l’on veut régulariser les rendements et atteindre le potentiel des variétés.

La période la plus sensible au manque d’eau se situe à partir du gonflement jusqu’à la floraison. En cas de stress pendant cette période, la fertilité des panicules est systématiquement affectée. Avant cette période, c’est-à-dire du stade 8 feuilles jusqu’au gonflement, un besoin en eau non satisfait risque de perturber l’épiaison de certaines variétés et affectera la fertilité des panicules. La période de remplissage des grains est peu sensible.

La stratégie d’irrigation sera fonction de la disponibilité de l’eau et du matériel d’irrigation. Il faudra donc distinguer le sorgho non prioritaire du sorgho prioritaire par rapport aux cultures irriguées. Pour le sorgho non prioritaire, le principe est de satisfaire les besoins en eau des autres cultures irriguées (maïs, soja, cultures spéciales) avant ceux du sorgho. Les apports d’eau seront limités entre 1 et 4 apports de 30-40 mm. L’objectif recherché est une efficacité maximale de l’eau d’irrigation par un bon positionnement.

Pour le sorgho prioritaire, l’objectif est d’atteindre le potentiel des variétés de sorgho. Au stade 10 feuilles du sorgho, s’il n’y a pas eu de pluie significative (> 20 mm), il faut effectuer la première irrigation. En sol très profond, on pourra attendre le stade gonflement. Puis, un apport de 35 mm sera nécessaire tous les 10 à 12 jours ou 40 mm tous les 10 jours en climat séchant (Sud-Est, Drôme). Pour une pluie supérieure à 10 mm, il faut interrompre le tour d’eau pendant une durée de 1 jour par tranche de 5 mm. Le dernier tour d’eau débutera 15 à 20 jours après l’épiaison.

Yves Pousset - Arvalis-Institut du végétal

Résultats 2021 des essais des variétés de sorgho grain

Rendement et précocité - Groupe septentrional

La relation entre le rendement et la précocité ne ressort pas clairement en 2021 pour ce groupe de précocité. Pour faire un choix variétal raisonné, il faut toujours observer les résultats sur plusieurs années d’essais, les conditions particulières de l’été 2021 (pluie et froid) ayant influencé les résultats. En vert les variétés de référence, en noir les variétés nouvellement inscrites.

Rendement et précocité – Groupe méridional

Les variétés du groupe méridional ont un niveau de productivité supérieur. Elles expriment d’autant plus ce potentiel lorsque l’accès à l’eau et à l’azote est non limitant. Pour faire un choix variétal raisonné, il faut toujours observer les résultats sur plusieurs années d’essai, les conditions particulières de l’été 2021 ayant influencé les résultats. Les références techniques sont les suivantes : RGT Gabby, ES Boreas, RGT GGustav, Arsenal, Anggy qui se situent régulièrement au-dessus de la moyenne. Dans cette série, la variété Armella semble confirmer en deuxième année de post-inscription son bon niveau de productivité mais au prix d’un point d’humidité supplémentaire.