EGALIM 2
Coûts industriels : la sanctuarisation en débat

Tout en demandant au gouvernement de freiner toute velléité de réforme de la loi Egalim, les industriels plaident pour une meilleure prise en compte de leurs coûts dans les tarifs, sans être tout à fait d'accord sur la méthode.

Coûts industriels : la sanctuarisation en débat
La Coopération agricole et l’Ania demandent à étendre les dispositifs permettant la non-négociabilité et l'indexation automatique du coût des matières premières agricoles aux autres coûts industriels concernés par l'inflation.

Le constat est unanime chez les industriels : Egalim 2 a permis de préserver la part de matière première agricole dans les tarifs en la sanctuarisant. Cependant la loi a eu des effets pervers sur les hausses demandées au titre des matières premières industrielles et de l'énergie. La grande distribution a traîné des pieds pour prendre en compte l'inflation de ces charges, voire a tout simplement refusé de répercuter les hausses. « Egalim 2 est un progrès, mais sur l'énergie il n'y a aucune écoute », constate le directeur général de l'Ania, Mickaël Nogal. Las de ces fins de non-recevoir, La Coopération agricole et l’Ania demandent à étendre les dispositifs permettant la non-négociabilité et l'indexation automatique du coût des matières premières agricoles, créés par Egalim 2, aux autres coûts industriels concernés par l'inflation. « Il n'est pas normal qu'une situation qu'on subit puisse donner lieu à une négociation », estime Mickaël Nogal qui demande que l'énergie soit comprise dans la part du tarif sanctuarisé. Quant à Dominique Chargé, il se dit favorable à « l’automaticité dans la prise en compte des coûts industriels », comme l'énergie. Seules les PME-ETI représentées au sein de la Feef s'y opposent. Pour leur président Léonard Prunier, pas question de sanctuariser ou d'indexer : « Ce qu'on demande, c'est qu'on respecte nos tarifs. »

Ajuster à la marge Egalim 2

Le président de l'Adepale, Jérôme Foucault, déclare qu'il n'est pas favorable à une nouvelle législation, mais à une « stabilisation avec des ajustements à la marge ». Il faut dire que l'adoption de la loi Egalim 2 juste avant le début des négociations commerciales annuelles 2022 a quelque peu échaudé les entreprises qui redoutent des changements de dernière minute. À l'approche des négociations commerciales annuelles, plus personne n'ose parler d'un nouveau texte. « Nous demandons qu'il n'y ait pas de loi pendant quelque temps pour prendre le temps de nous adapter », insiste Mickaël Nogal. Au regard du droit de la concurrence, la non-négociabilité des coûts industriels (transports, énergie, emballages) et leur indexation automatique seraient possibles, estime Olivier Henri Delattre, avocat spécialisé en droit agricole et agroalimentaire. Dans la mesure où la négociation existe « sur d'autres coûts, comme la main-d'oeuvre ». Cependant, la sanctuarisation pourrait poser des difficultés car elle induit de définir ce qui relève de chaque poste de coût dans le tarif final. En effet, les opérateurs rencontrent déjà des difficultés à établir celle de la matière première agricole.

Attention au retour de bâton

Sanctuariser une grande partie du tarif des industriels serait-il pertinent au regard du marché ? Non, répond la chercheuse Claire Chambolle, économiste à l'Inrae et spécialiste des relations commerciales. Elle explique que le fait que l'inflation soit moins forte en France qu'ailleurs en Europe et dans le monde prouve que les industriels et les distributeurs ont pu jouer un rôle tampon. Selon elle, « il y a une partie de négociation qui doit avoir lieu. Tout ne peut pas être automatique ». Dans le contexte actuel de forte inflation, la tentation est grande pour les industriels de voir leurs coûts de fabrication répercutés automatiquement, mais certains alertent sur le retour de bâton lorsque les prix vont baisser et automatiquement se répercuter sur les tarifs.

J.G