INTERVIEW
« La méthanisation, c’est un projet entrepreneurial »

Pauline De Deus
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L’installation d’une unité de méthanisation intrigue de plus en plus d’exploitants agricoles. Selon Laurent Rivollet, chargé du développement des gaz vert chez GRDF, ce secteur d’activité peut être une opportunité pour les agriculteurs, à condition de remplir certains critères.

« La méthanisation, c’est un projet entrepreneurial »
Selon Laurent Rivollet, l’installation d’une unité de méthanisation coûte entre 4 et 8 millions d’euros, selon la surface et le traitement des biodéchets souhaités. ©LR

Quels sont les facteurs à prendre en compte lors de l’installation d’une unité de méthanisation ?

Laurent Rivollet : « La première question à se poser est celle du gisement : est-ce que le territoire sur lequel je souhaite installer l’unité en possède assez ? Il faut aussi prendre en compte le lieu d’implantation, puisqu’il est impossible de construire des unités de méthanisation à 100 m des habitations (1). Les zones périurbaines sont souvent des zones où le lien entre la population et l’agriculture est plus distendu, c’est pourquoi nous incitons les agriculteurs à communiquer auprès des conseillers municipaux et de la population. Ensuite, le site d’implantation doit être proche des parcelles et du raccordement, afin de limiter le coût des transports. Maîtriser les équipements et la biologie sont également deux facteurs essentiels. »

Est-ce difficile d’implanter une unité de méthanisation en Auvergne-Rhône-Alpes ?

L.R. : « Faire de la méthanisation nécessite des projets collectifs, ou alors d’avoir une grosse exploitation agricole. Par rapport à d’autres régions de France, ces projets vont être plus compliqués à mener en Auvergne-Rhône-Alpes. Sur 600 unités présentes en France, moins de 10 % sont installés dans la région. Nous sommes donc un peu en retrait par rapport à d’autres territoires. À titre d’exemple, le Rhône compte peu d’unités. Ce département possède surtout de petites exploitations agricoles qui nécessiteraient d’être regroupées afin d’obtenir assez de gisements. Mais cela n’est pas impossible pour autant. Le syndicat mixte intercommunal de collecte et de traitement des ordures ménagères (SITOM) Sud Rhône a installé des points d’apports volontaires, dont les biodéchets sont ensuite envoyés sur le site de méthanisation de Méthamoly, situé dans les monts du Lyonnais. Grenoble Alpes Métropole, qui a également mis en place des points d’apports volontaires et des collectes séparées afin de faire du compostage, réfléchit actuellement à créer une unité de méthanisation, puisqu’elle pense avoir assez de gisements. »

Quelles quantités de gisements et investissements sont nécessaires ?

L.R. : « L’estimation est de 10 000 tonnes de ressources par an pour une unité de 1,5 ha à 2 ha. Si le méthaniseur est accolé à la ferme pour du traitement d’effluent sur un petit site, l’investissement est d’environ 4 millions d’euros. Pour les très gros méthaniseurs, il faut plutôt prévoir 7 à 8 millions d’euros. Installer une unité de méthanisation, c’est un projet entrepreneurial, qui demande une capacité à mener le projet et à avoir la confiance des banques pour aller chercher des fonds. GRDF peut donner les premiers éléments d’aide à la réflexion, comme la proximité du réseau. La Région et l’Ademe peuvent ensuite contribuer à soutenir le projet, via des dispositifs financiers. Trouver 15 % de subventions est tout à fait faisable. »

L’arrivée d’industriels dans le secteur de la méthanisation risque-t-elle de faire concurrence aux agriculteurs ?

L.R. : « Selon moi, les agriculteurs ont le plus de leviers pour faire aboutir des projets de méthanisation : ce sont eux qui maîtrisent le gisement et qui valorisent le digestat sur leur terre. Les grands groupes iront plus facilement chercher des investissements et des démarches structurées avec des bureaux d’études, mais ces choses-là ne sont pas insolvables pour les agriculteurs. Pour les industriels, revendre du digestat les oblige à rentrer dans des volets de certification et de normalisation qui sont bien plus contraignantes qu’un plan d’épandage à respecter pour les agriculteurs. »

Propos recueillis par Léa Rochon

(1) Depuis le 30 juin 2021, la distance minimale entre une installation et l’habitation d’un tiers est passée de 100 m pour les installations intégrant moins de 30 tonnes journalières de matière et de 200 m pour celles qui dépassent ce seuil.