ENVIRONNEMENT
Prairies, couverts végétaux : des puits de carbone intéressants

Amandine Priolet
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EXPÉRIMENTATIONS / Alors que le monde agricole, et plus particulièrement celui de l’élevage, est souvent critiqué pour ses émissions de gaz à effet de serre, de plus en plus d’expérimentations sont menées afin, non seulement de les réduire, mais aussi de stocker le carbone au sol. Explications.

Prairies, couverts végétaux : des puits de carbone intéressants
L’élevage a la capacité de compenser ses émissions de gaz à effet de serre, ce qui n’est pas le cas de toutes les activités. ©SD

Les problématiques du stockage du carbone font l’objet de nombreuses études depuis une trentaine d’années. L’enjeu est double : « Stocker plus de carbone dans les sols présente un intérêt majeur, d’une part, pour compenser les émissions anthropiques de CO2, d’autre part, pour renforcer la sécurité alimentaire », soulignait Roland Courteau, sénateur et vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques en 2018.

En ce sens, le monde agricole réalise des travaux concrets. La ferme expérimentale de Jalogny, en Saône-et-Loire, s’est par exemple penchée sur le sujet à travers une expérimentation menée avec l’institut de l’élevage (Idele) entre 2012 et 2017, visant à comparer deux systèmes bovins charolais naisseurs herbagers différenciés sur leur période de vêlage (printemps/automne). « Les travaux de piégeage de carbone s’inscrivent dans une évaluation globale de la multi-performance des exploitations », explique Julien Renon, responsable de la station expérimentale. Une première synthèse des travaux, publiée en 2015, avait permis de montrer le rôle de compensation, au regard des émissions de gaz à effet de serre, du carbone stocké dans les prairies et les haies du bocage, à hauteur d’au moins 60 %.

L’élevage réussit à compenser ses émissions

« Ces chiffres sont calqués sur les spécificités des analyses de sol que nous avons appliquées sur la ferme entre 2011 et 2013 », relève Julien Renon. « À l’issue du programme en 2017 et des six campagnes de production, la mécanique de calcul du bilan environnemental s’est basée sur la valeur qui fait consensus au niveau national, à savoir 570 kg de carbone par hectare de prairie par an. On parle alors plutôt de 40 % de compensation des émissions brutes de GES. Il s’agit d’un seuil que nous pouvons améliorer », poursuit-il. A cet égard, les travaux de recherche vont se poursuivre pour observer finement la valeur de stockage dans les prairies, à travers différentes fermes expérimentales en France. « L’intérêt de l’élevage allaitant herbager est de prouver que les valeurs qui font consensus au niveau national cachent une diversité et une réalité qui peuvent être plus favorables pour les éleveurs de notre zone. Notre mission est donc d’amener des éléments tangibles à l’argumentaire de la réalité du stockage du carbone, au-delà du consensus national et ce, pour défendre les spécificités de notre zone », alerte Julien Renon. Avant de conclure : « L’élevage est l’une des rares activités humaines à pouvoir se targuer de compenser ses émissions, alors que la plupart des activités en sont émettrices ».

Couvrir les sols à 100 % pour capter du carbone

Dans l’Ain, le sujet est également suivi de près. Gilles Brenon, vice-président de la Chambre d’agriculture départementale, également référent sur la thématique « agronomie et biodiversité », a expliqué en avril dernier l’importance d’accompagner les agriculteurs dans la transition énergétique et la mise en place de nouvelles pratiques. « Si on arrivait à avoir 100 % des sols couverts, on capterait encore plus de carbone. Il faut continuer dans ce sens. C’est la première chose à faire », a-t-il déclaré dans les colonnes de l’Ain Agricole. Les couverts végétaux apparaissent donc comme un levier non négligeable dans le stockage du carbone.

Autre approche : la plateforme Tab (techniques alternatives et biologiques), basée à Étoile-sur-Rhône dans la Drôme, va travailler prochainement sur l’augmentation des taux de matière organique dans le sol, à travers plusieurs essais systèmes en cours d’implantation. « Ce sont des projets dans lesquels nous allons piéger du carbone sous forme d’apport de matière organique et de couverts végétaux. Mais ici, le stockage du carbone sera un levier, plus qu’une finalité. Notre objectif est avant tout d’améliorer la rétention en eau et la fertilité de nos sols », souligne Florian Boulisset, chargé de projet à la plateforme TAB.

Amandine Priolet

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