APICULTURE
Le plan pollinisateurs inquiète l'interprofession apicole

Les détails du plan pollinisateurs dévoilés par les ministères la semaine du 22 février inquiètent les apiculteurs pour ses mesures sur les abeilles noires, les visites sanitaires ou encore le bien-être animal. L'interprofession, qui espère encore obtenir quelques modifications, pourrait être plus souple sur le volet réglementaire.

Le plan pollinisateurs inquiète l'interprofession apicole
(Crédit : SD)

« Beaucoup de choses nous inquiètent », résume Éric Lelong, président de l'Interprofession apicole Interapi. Cependant, quelques mesures du plan pollinisateurs, reconnaît-il, ont de quoi réjouir les professionnels. C'est le cas pour l'augmentation de l'aide prévue dans le plan stratégique national, la création de nouveaux labels de qualité, ou encore la structuration d'un plan de lutte contre le varroa, demandé de longue date. Mais le plan pollinisateurs, annoncé comme une réponse aux inquiétudes des apiculteurs concernant la dérogation sur les néonicotinoïdes, comporte aussi des pistes qui, loin de soutenir un secteur en cours d'organisation, pourraient plutôt rendre son quotidien plus difficile. Dans l'axe 4 du plan, concernant « le bon état de santé de l'abeille » et piloté par la DGAL (ministère de l'Agriculture), le document prévoit notamment de « garantir des conditions d'élevage et de transport compatibles avec les besoins physiologiques fondamentaux de l'espèce, ainsi que des conditions de « fin de vie » acceptables » pour les colonies. « On croit rêver : on parle d'abeilles ! Elles sont en liberté toute la journée, et nous les transportons de nuit lorsqu'elles sont calmes pour leur offrir plus de ressources mellifères », rappelle Éric Lelong, soulignant que le débat dans sa filière doit être différent de celui des élevages de porcs ou de volailles. En matière sanitaire, le plan souhaiterait également étudier la mise en place d'une visite sanitaire, « à l'instar de ce qui est actuellement déployé dans plusieurs filières animales ». L'interprofession s'opposera à tout dispositif obligatoire de cet ordre, répète Éric Lelong. Pour être utile aux enjeux actuels des apiculteurs, cette visite devrait plutôt, selon lui, être intégrée dans le plan de lutte contre le varroa, avec l'accompagnement économique du FMSE (fonds de mutualisation). « Voir un vétérinaire une fois par an pour boire un café, ça n'a pas de sens pour nous », grince Éric Lelong.

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Éric Lelong, président de l'Interprofession apicole Interapi. ©ca paca

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Toujours dans le quatrième axe, le plan évoque la nécessité d'une « réflexion sur l'évaluation des capacités d'accueil des territoires », qui irait de pair avec des projets de recherche sur « les interactions interspécifiques chez les pollinisateurs sur les ressources ». « Plusieurs questions se posent touchant notamment au bon état de santé des colonies d'abeilles mellifères et des autres pollinisateurs qui partagent le territoire, et aux ressources alimentaires disponibles », indique le document, reprenant des arguments développés par le Muséum d'histoire naturelle sur la compétition entre espèces. Un débat qui, pour l'interprofession, oublie que le déclin des insectes est avant tout « un problème de milieu ». Autre motif de colère du côté d’Interapi : l'accent mis par le plan sur l'abeille noire. Le document envoyé évoque l'idée de créer des programmes de sélection afin « de valoriser le patrimoine zoogénétique national » et favoriser cette espèce endogène. « Seuls les animaux issus de programmes de sélection approuvés pourraient être autorisés à une mise sur le marché et ainsi le recours à l'importation sera fortement encadré », suggère le document. « Une idée complètement absurde », pour Éric Lelong. D'origine italienne, l'abeille linguistica, illustre-t-il, est ainsi devenue particulièrement bien adaptée aux régions du Sud de la France avec le réchauffement.

Incertitudes financières

De nombreuses incertitudes demeurent également sur les aspects financiers du plan pollinisateurs. Il annonce une augmentation « sensible » du budget européen sur le soutien à l'apiculture, avec un doublement de la dotation Feaga qui permettrait « de disposer d'un budget théorique dédié aux actions apicoles de 12 838 124 € par an ». « Nous ne savons pas à quelles conditions nous pourrons bénéficier de ces fonds. Le taux de cofinancement peut varier, et nous ne serons peut-être pas à même de verser le complément », redoute Éric Lelong. L'axe réglementaire, avec un arrêté « abeille » révisé qui devrait être envoyé aux acteurs consultés fin février, inquiète en revanche assez peu les apiculteurs. « Une position dans laquelle tout serait interdit nous irait très bien », souligne Éric Lelong. Mais pour que les agriculteurs « puissent faire leur travail », il confirme que l'interprofession ne s'opposera pas à l'autorisation de traitement deux heures avant le coucher du soleil. « Il faut regarder deux choses : l'attractivité des cultures et le mode d'action des produits. Pour cela, nous demandons un travail sur les évaluations des toxicités larvaires et chroniques au niveau européen », rappelle Éric Lelong.

I.L.