VITI-VINICULTURE
Les Vignerons indépendants entre « force et fragilité »
La fédération départementale des Vignerons indépendants de l’Ardèche a organisé son assemblée générale, jeudi 21 mars à Bourg-Saint-Andéol. Au cœur des échanges : les spécificités du modèle indépendant et les moyens déployés face à la crise viticole.
Cette année, l’assemblée générale de la fédération des Vignerons indépendants de l’Ardèche s’est déroulée à La Cascade à Bourg-Saint-Andéol, pour « marquer notre soutien et nos raisons d’espérer », a confié son président Ludovic Walbaum, en rappelant que cette partie du vignoble d’Ardèche, en vallée du Rhône, était la plus touchée par la crise viticole.
Parmi une quarantaine de vignerons adhérents et en présence d’une vingtaine d’élus d’organisations professionnelles agricoles et du territoire, les échanges ont porté notamment sur l’hétérogénéité des productions et du climat sur les différents secteurs viticoles ardéchois, les difficultés rencontrées par la filière, notamment en Côtes-du-Rhône, et les spécificités des vignerons indépendants.
Sur ce dernier point, le président de la fédération départementale a rappelé les caractéristiques spécifiques de très petites entreprises (TPE) et d’artisans du vin des vignerons indépendants : « Être au contact de nos clients nous donne à la fois une force pour pouvoir traverser cette crise et s’adapter, et à la fois une forme de fragilité dans certains domaines », a-t-il prévenu. Des spécificités que Ludovic Walbaum invite à ne pas opposer : « C’est tous ensemble, toute la filière et toute la production, que l’on doit porter un front commun, que l’on s’en sortira, et pas en opposant les modèles et les familles. C’est toujours ce qui a fait la force de l’Ardèche et ce qui doit continuer ».
Arrachage temporaire : « Trouver des solutions pour le secteur de la vallée du Rhône »
Le sujet du fonds d’urgence viticole, dont l’enveloppe se met en place dans le département, a été abordé, notamment concernant la partie Côtes-du-Rhône, ainsi que le plan d’aide gouvernemental à la filière vin concernant l’arrachage potentiel. Sur le plan départemental et local, le président de la fédération des Vignerons indépendants d’Ardèche a évoqué « une spécificité sur l’arrachage temporaire en gardant les droits de plantation pour l’existant » dans l’ambition de « trouver des solutions pour le secteur de la vallée du Rhône et Côtes-du-Rhône rouge », a-t-il souligné. « Chaque cas est différent, mais il est nécessaire d’avoir une boîte à outils complète sur cette demande-là, puisque de toute façon il y a une surproduction de Côtes-du-Rhône rouge et que le marché s’écroule aujourd’hui, avec un effondrement sur le bio également. »
Le vice-président en charge des affaires européennes et internationales de la Cevi (confédération européenne des Vignerons indépendants), Samuel Masse, était présent lors de cette assemblée, présentant quant à lui un point de situation sur les mesures de simplification et la réglementation relative à l’étiquetage des vins.
À la conquête de nouveaux marchés
Face à un marché viticole bouleversé, la fédération nationale travaille activement pour trouver des solutions, déployées dans le cadre d’une feuille de route ambitieuse présentée par le directeur général des Vignerons indépendants de France, Marc Duret, durant l’assemblée générale. Cette feuille de route se caractérise par trois piliers : « La résilience économique des TPE artisanales pour l’économie et l’emploi des territoires, la résilience climatique pour accompagner les vignerons face aux enjeux du dérèglement, l’aléa devenant désormais une norme, puis l’accompagnement des TPE artisanales vigneronnes dans leurs conquêtes de parts de marché ».
Sur la conquête de nouveaux marchés, « le marché intérieur étant en décroissance pour l’instant, nous avons besoin de défendre nos marchés à l’export puisqu’ils concentrent notre croissance et le maintien de nos volumes de ventes aujourd’hui », a ajouté le président de la fédération ardéchoise. « Nous insistons auprès du gouvernement pour que les spécificités françaises et notamment celles des vignerons indépendants soient défendues sur les parts de marché export, c’est-à-dire avec un ambassadeur qui accompagnerait les voyages officiels, un peu comme Guillaume Gomez pour la gastronomie française, et représenterait toute la viticulture française. »
Ludovic Walbaum a évoqué également « les problématiques que pourrait rencontrer le marché français du vin avec les États-Unis dans les mois à venir, avec les Trumpistes », restant alerte sur ce sujet-là.
Sur le marché national, c’est l’œnotourisme, le commerce direct associé au contact avec la clientèle, la notoriété et la proximité des vignobles, qui permet de dynamiser le marché des vignerons indépendants, constate-t-il. « Notre modèle arrive mieux à traverser cette crise, même s’il est fortement impacté, notamment en bio, et plus de 60 % de notre production est en signe de qualité bio ou HVE1. »
La prévention des aléas climatiques : un chantier capital pour la filière
Autre chantier capital porté au niveau national : la prévention des aléas climatiques. « Le système assurantiel avec des données olympiques est un élément qui peut pallier des aléas forts et graves mais il ne remplace pas la perte de récolte et ne permet pas de conserver nos marchés avec des volumes protégés, encore moins d’en conquérir de nouveaux. Le meilleur investisseur contre les aléas, c’est la protection des vignobles, que ce soit contre le gel, la grêle, l’eau, etc. », estime le président de la fédération des Vignerons indépendants d’Ardèche.
Face aux coûts d’investissement des moyens de protection, il a évoqué le choix de solutions adaptées à chaque vignoble et chaque territoire. « C’est un pan très important qu’on porte au niveau national, et toutes filières confondues au niveau régional, notamment pour les vignerons indépendants car nous allons de la production jusqu’à la commercialisation de nos bouteilles. »
A.L.
1. Haute valeur environnementale.
À NOTER / Audrey Biscarat, élue présidente de la fédération régionale des Vignerons indépendants
Associée avec son frère Simon sur le domaine familial (Domaine de Cassagnole) à Casteljau et vice-présidente de la fédération des Vignerons indépendants d’Ardèche, Audrey Biscarat a été élue présidente de la fédération des Vignerons indépendants de Rhône Alpes, qui fédère des vignerons d’Ardèche, de Drôme, du Rhône et de Savoie Bugey. Elle succède à Sylvie Chevrol-Michelas (Domaine Michelas Saint-Jemms), installée à Mercurol-Tain l’Hermitage (26) et engagée au sein de la fédération drômoise. Audrey Biscarat représentera les vignerons indépendants de la région, siègera au comité vin et au conseil d’administration de la fédération nationale à Paris, a rappelé Ludovic Walbaum, président de la fédération ardéchoise. « C’est une fierté qu’une jeune Ardéchoise prenne la présidence régionale, une femme compétente et engagée comme elle. On sait l’importance de la région pour notre filière viticole et pour porter ses valeurs », a-t-il souligné.
CHARMES-SUR-RHÔNE / « Les jeunes vignerons indépendants passent à table »
Vice-présidente de la fédération des Vignerons indépendants d’Ardèche, en charge de la section « jeunes », Audrey Biscarat a présenté l’action annuelle « Les jeunes vignerons passent à table », organisée fin novembre 2023 au restaurant Le Carré d’Aléthius de Charmes-sur-Rhône. Elle consiste à proposer un repas en 7 plats et 7 vins, en présence de jeunes vignerons. Durant cette action, ces derniers ont présenté les caractéristiques de leurs vins mis en accord avec divers mets. L’occasion de mettre en valeur leur production, leur territoire, parallèlement à la promotion de produits locaux via le savoir-faire d’un chef cuisinier et de son sommelier.