ÉNERGIES RENOUVELABLES
Énergies vertes : faut-il changer de paradigme ?

C.Dézert
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Le Salon Pollutec, qui s’est tenu du 12 au 15 octobre, s‘affiche comme un activateur de la transition écologique. Dans le cadre d’un forum Agriculture et climat, plusieurs conférences se sont tenues dont une, sous forme de question, intitulée : Énergies vertes, nouvelles ressources agricoles ?

Énergies vertes : faut-il changer de paradigme ?
La plateforme solaire flottante installée sur le lac d’irrigation de la Maldone (Rhône). Elle est équipée de 630 panneaux photovoltaïques produisant 250 MWh par an. ©lyon_entreprise
Article
Nicolas Kraak, président du Syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône (Smhar).

Dans le cadre de la loi de transition énergétique, la France s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre ; à baisser sa consommation d’énergies fossiles ; et à porter la part des énergies renouvelables à 32 % de sa consommation finale d’énergie et à 40 % de sa production d’électricité. Elle s’est également engagée à réduire sa consommation énergétique et à diversifier sa production d’électricité. Des objectifs ambitieux qui pour être atteints demandent une nécessaire transformation de notre production et consommation d’énergie actuelles. Des solutions existent, des alternatives voient le jour, et l’agriculture est déjà bien engagée dans cette transition avec la production d’énergies renouvelables. À l’occasion du Salon Pollutec, une conférence a permis de se questionner sur la production d’énergies vertes comme nouvelles ressources pour l’agriculture avec la présentation de projets réalisés ou en cours en Auvergne Rhône-Alpes (voir encadrés 1 et 2), notamment grâce au photovoltaïque. En préambule, Gaetan Masson, le directeur de l’Institut Becquerel, un centre de recherche belge et société de consultants spécialisés dans le développement du photovoltaïque, a posé quelques principes et règles avant de se lancer dans l’agrivoltaïsme.

L’agriculture ne doit pas être un alibi !

« L’agrivoltaïsme, c’est compliqué, a prévenu Gaétan Masson. Ce sont des installations pointues. Il existe différents types d’installations, différents modèles, des potentiels différents en fonction des cultures… » Avant de se lancer, « il faut réfléchir à quel projet pour quelle installation, et partir d’un projet agricole pour décider d’une installation de panneaux photovoltaïques, et non l’inverse. La production d’énergie ne doit pas se faire aux dépens de la production agricole, l’agriculture ne doit pas être un alibi ! Avant toute décision, il est nécessaire de produire une étude agronomique et énergétique », avance-t-il. Deuxième conseil du spécialiste : « Il faut éviter les spéculations sur les terres agricoles et les oppositions comme on peut le voir dans l’éolien par exemple. Dans un monde où l’espace est limité, le double usage de l’espace fait sens », affirme-t-il. Troisième précaution : « L’acceptation sociétale et l’esthétique des territoires sont des obligations morales », prévient-il. Cela étant, le directeur de l’institut Becquerel prédit « un avenir important pour l’agrivoltaïsme » et assure « qu’une agriculture innovante incorporant production d’énergie et innovations technologiques peut améliorer le revenu des agriculteurs ».

Énergie solaire, irrigation et biodiversité

À Mornant, à 30 km au Sud-Ouest de Lyon, une plateforme de 630 panneaux photovoltaïques flotte sur une surface de 2 500 m2 du lac d’irrigation de la Maldone. Propriété du Syndicat mixte d’hydraulique agricole du Rhône (Smhar), cette retenue collinaire d’un volume d’eau de 340 000 m3 sécurise l’approvisionnement en eau d’irrigation d’environ 1 000 exploitations agricoles. Mis à la disposition du public, ce plan d’eau est aussi un espace de détente et de pêche pour les habitants de la région lyonnaise. « L’idée de départ était de produire de l’énergie verte locale et renouvelable à partir du patrimoine du Smhar pour financer l’entretien et l’amélioration du réseau d’irrigation et réduire la facture d’eau des irrigants », indique Nicolas Kraak, directeur du syndicat mixte. C’est de là qu’est né le projet d’une centrale solaire flottante, intitulé Ô Solaire, porté par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) en partenariat avec le Smhar et l’école d'ingénieurs en agronomie, agroalimentaire et environnement Isara Lyon. En 2019, la plateforme solaire flottante est opérationnelle et mise en service (450 000 € d’investissement). « Avec seulement 4 % de couverture du plan d’eau de 24 ha, la plateforme dispose d’une puissance solaire photovoltaïque de 230 kWc (production de 250 MWh) par an, ce qui représente l’équivalent de la consommation annuelle de 57 foyers et la production annuelle d’électricité que les trois pompes d’irrigation de la Madone consomment en une année », indique, satisfait, Nicolas Kraak.

Faire d’une pierre deux coups

Créé pour l’irrigation, le lac de la Madone voit ses berges tour à tour immergées et émergées en fonction des besoins en eau des agriculteurs, ce qui gêne le développement pérenne de la population aquatique. Pour maintenir et favoriser la biodiversité de la faune aquatique du lac, la CNR a installé 16 refuges à poissons recréant des habitats artificiels continuellement disponibles pour la reproduction des espèces. L’Isara-Lyon, qui assure le suivi scientifique de ces installations, témoigne de l’effet positif du dispositif sur le maintien et la biodiversité de la faune aquatique. Enfin, pour impliquer la population, un parcours pédagogique a été installé pour expliquer le fonctionnement de la plateforme, sensibiliser les usages du lac aux énergies renouvelables et à la biodiversité des lieux. Au final, le projet Ô Solaire s’avère gagnant pour les agriculteurs, la biodiversité, les habitants du secteur et permet, en plus, d’éviter la libération dans l’atmosphère de 36 t de CO2 par an.

C.Dézert

L’agrivoltaïque pour protéger les cultures des aléas climatiques
Forum Agriculture et climat au Salon Pollutec. À gauche, Bruno Darnaud, arboriculteur et président de station expérimentale fruits Rhône-Alpes (Sefra).

L’agrivoltaïque pour protéger les cultures des aléas climatiques

SEFRA / Lors du forum Agriculture et climat qui s’est tenu dans la cadre du Salon Pollutec, Bruno Darnaud, arboriculteur et président de station expérimentale fruits Rhône-Alpes (Sefra), a présenté un projet expérimental visant à utiliser l’agrivoltaïque pour protéger les cultures des aléas climatiques.

Et si, en plus de produire de l’énergie verte, les panneaux photovoltaïques pouvaient protéger les cultures des aléas climatiques. C’est ce que va tester grandeur nature la station expérimentale fruits Rhône-Alpes (Sefra) d’Étoile-sur-Rhône (Drôme). Elle va expérimenter la protection des arbres fruitiers (pêche, abricot, cerise) au gel et à la canicule grâce à l’installation de panneaux photovoltaïques. « L’objectif est d’agir en priorité sur la protection des cultures face aux aléas climatiques, gel et canicule, au moyen de panneaux photovoltaïques. La production d’énergie vient en second plan », explique Bruno Darnaud, président de la Sefra. Les panneaux photovoltaïques pourraient servir de « parapluie » pour protéger les cultures de la grêle et de « parasol » en cas de canicule. L’expérimentation va permettre de tester les avantages et inconvénients des panneaux photovoltaïques, installés sur 2 ha 60 de la station, au-dessus des arbres fruitiers. « Nous avons besoin de données et de retours agronomiques sur les cultures », indique Bruno Darnaud.

C.D.

Lycée horticole de Dardilly (Rhône) / Les parcelles du futur

Deux sites agrivoltaïques ont été installés au sein de l’établissement public local d'enseignement et de formation professionnelle agricoles (EPLEFPA) de Lyon-Dardilly-Ecully (Rhône), spécialisé en horticulture, afin d’accompagner l’agriculture face aux changements climatiques. Ce projet, porté par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) concerne deux sites agrivoltaïques en plein champ et en pépinière, soit un total de 6 000 m² associant des cultures et un système de panneaux solaires photovoltaïques mobiles. La structure porteuse des panneaux solaires constitue « un outil agricole au service de la plante, permettant de protéger les cultures des aléas climatiques et de diminuer leurs besoins en eau », explique la CNR. L’expérimentation vise à démontrer que la gestion d’un microclimat, généré par les panneaux solaires mobiles déployés au-dessus des zones de cultures, permet de les protéger, d’en augmenter la productivité, de diminuer la consommation d’eau tout en répondant aux besoins essentiels de la plante. L’installation servira également d’outil pédagogique à l’enseignement des étudiants. Ce projet d’1,4 million d’euros (investissement + expérimentation), bénéficie du soutien de la Région Auvergne Rhône-Alpes via une subvention de 40 %.

C.D.