CHRONIQUE JURIDIQUE
Diversification de l'activité : quid des bénéfices non-agricoles

Vente de produits à la ferme, agritourisme... Comment sont considérés ces activités par le Fisc ? Quelques explications...

Diversification de l'activité : quid des bénéfices non-agricoles

Activité agricole : que dit la Loi ?

L'activité agricole est définie dans le Code rural comme « toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal » (aussi appelées activités agricoles par nature), ainsi que « les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ». Cette deuxième catégorie correspond aux activités agricoles dérivées.

Concrètement, l’élevage d’animaux ou la culture arboricoles sont des activités agricoles par nature. « La transformation, le conditionnement et la commercialisation » de produits provenant de l’exploitation constitue quant à elle une activité qui s’inscrit dans le prolongement de l’exploitation .

Et l’ensemble de ces activités par nature, dérivée ou dans le prolongement de l’activité principale vont permettre à l’exploitant ou à la société agricole de générer des bénéfices agricoles (article 63 du Code général des impôts).

Fiscalement, c'est un peu différent...

En principe, tous les bénéfices tirés d’une exploitation agricole, sont des bénéfices agricoles. Mais dans le cas où un exploitant agricole exerce une activité dérivée, ou ayant pour support l’exploitation, il se peut que les bénéfices qui en ressortent soient considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux. C’est ce que le Code général des impôts appelle les « activités accessoires » d’une exploitation agricole.

À titre d’exemple, les gîtes ruraux, la vente des produits à la ferme dans un espace dédié sur l’exploitation, les visites de la ferme, … sont des activités génératrices de bénéfices industriels et commerciaux.

Pour autant, le code général des impôts prévoit une tolérance fiscale particulière, pour que ces bénéfices non-agricoles soient intégrés aux bénéfices réellement agricoles de l’exploitation. Cette tolérance ne s’applique que si deux critères cumulatifs sont respectés, c’est-à-dire si d’une part, la moyenne des recettes non-agricoles sur les trois dernières années ne dépassent pas 50 % du chiffre d’affaires total de l’exploitation, et si d’autre part ces revenus non-agricoles ne sont pas supérieurs à 100 000 € (TTC) par an. Si les deux seuils ne sont pas dépassés, alors l’exploitant agricole qui exercera des activités génératrices des deux types de bénéfices ne pourra tenir qu’une seule comptabilité commune.

ATTENTION : quand une exploitation est soumise à l’impôt sur le revenu, si les seuils de 50 % du chiffre d’affaires total et des 100 000 € TTC par an sont dépassés, elle passe automatiquement sous le régime de l’impôt sur les sociétés. Et la part de ces revenus non-agricoles assimilés ne pourra ni « donner lieu à la déduction pour épargne de précaution », ni être imputée sur les revenus globaux en cas de déficits.

La diversification de l'activité en pratique

Si la diversification de l’activité se développe petit à petit, elle ne concerne pas l’ensemble des exploitations. Parmi celles qui ont fait le choix de cette diversification, les raisons sont souvent similaires : cela leur permet notamment de diversifier les revenus en cas de crises ou d’aléas climatiques. Mais il faut bien distinguer la diversification de l’activité de la diversification de la production. La première consiste à ajouter une branche d’activité à la branche agricole prépondérante. Alors que la seconde ne concerne que le domaine agricole, en développant plusieurs types de productions.

Mais alors, comment organiser la diversification de l’activité et la multiplicité des types de bénéfices générés par une même exploitation agricole ? C’est ici la question centrale qui doit être posée pour tout projet de diversification de l’activité. Et cette question concerne notamment les projets de création ou de développement de location sur l’exploitation (gîtes, chambres d’hôtes, camping, logements étudiants), de restauration (dont les produits utilisés sont principalement issus de la production de l’exploitation), d’activités touristiques, … Toutes ces activités génèrent en principe des bénéfices industriels et commerciaux, qui ne peuvent être assimilés à des bénéfices agricoles que dans le respect des seuils cités ci-dessus (50 % du chiffre d’affaires moyen et 100 000 € TTC par an).

Lorsque la ferme, les terres et les bâtiments appartiennent aux exploitants agricoles, les seuls éléments à respecter sont les seuils de rattachement des bénéfices non-agricoles.

Lorsque les exploitants qui projettent de diversifier leur activité louent les éléments de support de leurs activités (location des terres et/ou des bâtiments d’habitation et d’exploitation), quelques spécificités s’ajoutent. Si l’on prend l’exemple de l’accueil et du logement à la ferme, et que les locaux sont loués par les exploitants agricoles dans le cadre d’un bail rural, alors il faut que le propriétaire donne expressément son accord pour que les locataires développent une telle activité. Sans cette autorisation du bailleur, cela reviendrait pour les exploitants locataires à sous-louer les biens, ce qui est interdit par la loi, et qui peut même mener à la résiliation du bail à la demande du propriétaire. L’autorisation du propriétaire doit spécifiquement :

-          Être écrite ;

-          Être limitée à une période maximale de 3 mois si elle a un « usage de vacances ou de loisirs » ;

-          Définir la part de chacun dans la participation aux travaux, et dans les droits aux bénéfices si elle a un « usage d’habitation ».

ATTENTION : « La mise à disposition de la maison par le fermier au profit d’une salariée de l’exploitation comme avantage en nature accessoire du contrat de travail ne constitue pas une sous-location prohibée ».

Les possibilités sont nombreuses, et avec elles, les critères à respecter le sont tout autant. D’où l’importance de rester vigilant sur certains aspects.

Ambre Girardo, juriste à la FDSEA de l'Ardèche