LOUP
La profession se mobilise

Les récentes attaques de troupeaux ovins sur les secteurs du Coiron et de l’Escrinet ravivent les inquiétudes et la colère des éleveurs. Les représentants syndicaux FDSEA et JA Ardèche ont interpellé les services de l’État et le préfet afin d’adapter rapidement les dispositifs de protection aux spécificités du territoire ardéchois. 

La profession se mobilise
Mercredi 27 avril, une visite de terrain a été organisée sur l’exploitation de Paul Malleval à Gourdon, qui a perdu 18 brebis suite à deux attaques successives. Une centaine de personnes étaient présentes, dont de nombreux éleveurs venus échanger avec le préfet, les représentants syndicaux et les élus.

Entre le 17 et le 27 avril sur les secteurs du Coiron et de l’Escrinet, plusieurs élevages ovins ont subi des attaques pour lesquelles la responsabilité du loup a été reconnue par la Direction départementale des territoires (DDT). L’inquiétude de la profession est vive, la colère aussi : « C’est le loup, ou les éleveurs, il faut choisir. » En 2021, onze attaques ont eu lieu sur le Coiron et ses contreforts ainsi que sur le secteur de Lablachère. Depuis le début de l’automne, aucune attaque n’avait été signalée, les animaux ne sortant plus en extérieur la nuit, mais l’arrivée du printemps et la mise à l’herbe des troupeaux ravivent le risque de prédation. 

Quatre attaques en quelques jours

« Malgré la mise en place des protocoles de protection des troupeaux, le loup a aujourd’hui fait plus de dégâts en une semaine qu’en quatre mois l’année passée », s’inquiètent les représentants syndicaux FDSEA et Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche. Mercredi 27 avril, ils ont organisé une visite de terrain sur l’exploitation de Paul Malleval à Gourdon. Ce dernier vient de subir deux attaques sur son troupeau, perdant au total 18 brebis. La première a eu lieu dans la nuit du 20 au 21 avril, la seconde a été constatée le 25 avril au petit matin, au même endroit. Quelques jours auparavant à Saint-Gineis-en-Coiron, Alexandre Perrier a retrouvé quant à lui quatre de ses brebis mortes et une autre blessée. Le soir même, il rentrera son troupeau dans la bergerie vers 20h30 et installera un piège photo qui capte le passage d’un loup vers 21h10 aux abords du bâtiment d’élevage. Une quatrième attaque sur un troupeau d’ovins a eu lieu dans la nuit du 22 au 23 avril chez Noël Valentin, éleveur sur la commune de Gourdon. « Nous avons mis trois ans à monter notre exploitation avec ma femme. Aujourd’hui, il nous reste un peu plus de 160 brebis, traumatisées. Elles étaient toutes ensemble au moment des attaques », explique Paul Malleval, installé en élevage ovin, caprin lait et poulet plein air. « Les conséquences à l’agnelage s’observeront sur l’année, nous nous attendons à avoir plus d’avortements, des problèmes de boiteries sur 30% du troupeau au moins… » Sans oublier de rappeler les incidences sur l’état psychologique des éleveurs, leur famille, le voisinage. 

Loup : un sujet complexe et administratif

DE très nombreux éleveurs ont participé à cette visite de terrain, ainsi que divers élus venus soutenir la filière, dont le président du Département Olivier Amrane, les députés Fabrice Brun et Hervé Saulignac. Les représentants syndicaux appellent au soutien rapide et efficace des services de l’État et du préfet, pour éviter de nouvelles attaques, mais aussi à garder son sang-froid. « Le sujet du loup en Ardèche est un sujet complexe, très précis et administratif, qui demande d’avoir un esprit positif pour voir les évolutions qui s’offrent à nous. Mais c’est un sujet pris à bras-le-corps depuis de nombreuses semaines, voire plusieurs années, toute la profession est mobilisée », a tenu à rassurer le président de la Chambre d’agriculture Benoit Claret. Les mesures de protection ne peuvent être renforcées que progressivement, a rappelé le préfet Thierry Devimeux. « Il faut être rigoureux dans les procédures à suivre, d’abord s’assurer que les troupeaux sont protégés pour justifier une légitime défense et des tirs létaux », a-t-il prévenu. « On ne traque pas le loup, on se défend. »

Évolution des zonages et autorisations de tirs de défense

« Nous devons travailler ensemble rapidement et efficacement pour éviter que des exploitations ne soient attaquées à nouveau successivement », a déclaré la présidente de la FDSEA Christel Cesana. Parmi les demandes faites par les élus syndicaux, le premier élément de travail concerne l’évolution des zonages possibles d’expansion géographique du loup (cercles 0, 1, 2 et 3 – voir ci-contre). Ils souhaitent l’élargissement du périmètre du cercle 2, afin d’englober les nouvelles communes attaquées et alentours, ainsi que les communes concernées par l’élevage ovin du territoire. Le préfet s’est déclaré favorable au réajustement des cercles en prenant en compte les dernières attaques. Il a annoncé également qu’il autorisera, très prochainement, l’intervention des lieutenants de louveterie dans les secteurs concernés par les attaques de loup. Les lieutenants devant suivre une formation obligatoire au préalable.

Les syndicaux souhaitent également que soient validées les autorisations de tirs de défense « sans délai, sans vérification systématique sur place de la mise en place des moyens de protection », en s’appuyant sur des preuves photographiques, plutôt que des factures d’achat de matériel ou des visites d’exploitation. « Nous avons besoin également d’organiser des journées d’information pour expliquer aux éleveurs les conditions des aides accordées à la protection des troupeaux », a ajouté Candice Cholvy, vice-présidente de JA 07. Une solidarité doit aussi se mettre en place, a ajouté le préfet Thierry Devimeux : « Le fonctionnement des autorisations de tirs repose sur un groupe de personnes, sur des roulements, et non un éleveur seul. Pour être efficace, il faut être plusieurs ».

Classement de non-protégeabilité des troupeaux

Autre élément de travail : l’intégration au classement de non-protégeabilité des troupeaux d’une partie du territoire ardéchois, jugé difficilement accessible et inadapté au parcage des animaux et à l’intégration de chiens de protection. « Notre territoire est vulnérable et particulier, il ne peut pas être comparé à d’autres départements. Sur le Coiron, nous étions déjà sur un mode d’élevage méditerranéen avec des brebis qui ne peuvent pas être rentrées une bonne partie de l’année. Sur ce secteur de l’Escrinet, avec des espaces de pâturage difficiles d’accès, la protection des troupeaux dans des parcs fermés est encore un peu plus compliquée », a ajouté Christel Cesana. La mise en place de panneaux explicatifs sur la présence, le rôle et le comportement des patous, a été abordée. La profession réclame un statut particulier à ces chiens de protection, en cas de morsure, pincement ou attaques sur des promeneurs, et en responsabiliser l’État. « Les patous ont besoin de travailler sur de grands troupeaux et espaces. Ce ne sont pas des solutions idéales pour nos types d’élevage et notre département très touristique », a précisé Candice Cholvy.

Maploup, comptage, directive Habitat…

La mise en place de l’outil Maploup1, a été évoquée. Il fournit des informations en temps quasi-réel sur le contexte de prédation et propose un système d’alerte automatique par sms ou par mail lorsqu’une attaque se produit à moins de 10km. L’Ardèche est le seul de ses départements limitrophes à ne pas être intégré à cet outil.

Autres sujets de discordes : le comptage du loup au niveau national et la directive européenne Habitat. « Cette directive a été inscrite quand il y avait très peu de loups, aujourd’hui ce n’est plus le cas ! Les élus doivent faire évoluer cette situation », a précisé Mickaël Giraud, élu FDSEA. Un double comptage du loup au niveau national a été réclamé, avec notamment la mise en place d’une liste d’observateurs disponibles en Ardèche pour participer au comptage.

A.L.

1. Portail d’informations sur la prédation par le loup en région Aura et Paca.

Aides à la protection des troupeaux
ZONAGES

Aides à la protection des troupeaux

Par arrêté préfectoral pris le 28 décembre 2021, la révision des zones de protection au titre de l’année 2022 a ouvert des mesures d’accompagnement et de protection des troupeaux contre les grands prédateurs à l’ensemble des communes ardéchoises (cercle 3) dans le cadre du Plan national sur le loup et les activités d’élevage. L’aide apportée aux éleveurs concerne l’achat de chiens de protec­tion, leur entretien, stérilisation et les tests de comportements. Sur le massif du Coiron et ses contreforts sud, ainsi qu’à Lablachère, les éleveurs de 23 communes peuvent bénéficier de mesures d’accompagnement renforcées (cercle 2) via des aides au financement de chiens et de matériel de protection (parcs électrifiés), ainsi que des autorisations de tirs de défense simple dès lors que les troupeaux sont protégés.

Image préfet
Les mesures de protection des troupeaux ne peuvent être renforcées que progressivement, a rappelé le préfet de l'Ardèche Thierry Devimeux, ici au centre.