ORGANISATION
Congé paternité allongé : les services de remplacement s’organisent

Depuis le 1er juillet 2021, les travailleurs indépendants et les salariés bénéficient d’un congé paternité porté de 14 à 28 jours. Pour permettre aux papas agriculteurs de s’investir pleinement aux côtés de leur enfant et anticiper leur absence sur la ferme, le service de remplacement leur rappelle de bien effectuer leur demande auprès des services de la MSA avant la naissance du bébé.

Congé paternité allongé : les services de remplacement s’organisent
Les papas peuvent désormais bénéficier de 28 jours de congé paternité.
Texte
Henry Jouve, président de l’association régionale des Caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) Aura.

C’est une décision importante dans le combat pour l’égalité homme-femme. Le 12 mai 2021 un décret est venu allonger le congé paternité de 14 à 28 jours. Aux trois premiers jours de congé de naissance pour les pères, 25 s’ajoutent au lieu de 11 jours. Une première période de sept jours est rendue obligatoire dès la naissance de l’enfant. Fractionnables en deux fois, les jours de congé restants peuvent être pris dans les six mois suivant l’arrivée du bébé. En cas de naissance multiple, le congé paternité est alors de 35 jours, congé de naissance y compris.

De la souplesse et de la réactivité

« Ce décret est une réelle avancée car il concerne aussi les biens les exploitants agricoles que les salariés. La première semaine a été rendue obligatoire pour que les papas prennent conscience de l’importance de profiter des premiers instants avec leur enfant. Ce sont des moments sacrés ! Sans compter l’aide et l’accompagnement qu’ils peuvent apporter à leur conjointe. On sait à quel point cette période peut être délicate pour les mamans avec le baby blues, le retour à la maison… », explique Henry Jouve, président de l’association régionale des Caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) Aura. Reste néanmoins pour chaque administration à trouver la souplesse nécessaire pour que les nouveaux papas agriculteurs puissent profiter sans freins de leur congé paternité dès la naissance de leur enfant. « Dans le décret, c’est la date prévisionnelle d’accouchement qui fait foi pour déclencher les sept premiers jours de congé paternité mais l’on sait très bien qu’il est plutôt rare qu’une femme accouche pile le jour de son terme. Un nouveau-né peut arriver prématurément ou au contraire se faire désirer… Il faut que chaque caisse puisse être souple et réactive dès la naissance de l’enfant, quelle que soit la date de son arrivée », affirme Luc Pierron, président du service de remplacement du Rhône et vice-président du service de remplacement France. Un point de vue partagé par Henry Jouve qui affirme que « dans la mesure où le papa prévient sa caisse MSA, il doit bénéficier du congé paternité. Il faut que les services administratifs fassent preuve de souplesse, de bienveillance et d’humanité pour que tout se mette en route rapidement ». Quant aux jours de congé restants à prendre dans les six mois suivant la naissance de l’enfant, une pré-demande de dates doit être effectuée par le futur papa lors de la demande initiale de congé paternité auprès de la MSA. « Le problème c’est que ce qu’un agriculteur a prévu six mois à l’avance peut subitement changer à cause d’un aléa climatique, d’une urgence médicale de l’enfant ou d’un gros coup de fatigue qu’il ne pouvait pas prévoir à l’avance. Sur cette prise de congé fractionnable en deux fois nous allons demander un peu plus de souplesse au législateur… », annonce Luc Pierron qui garde espoir que « les choses puissent se mettre correctement en place dans l’année ».

Où trouver les remplaçants ?

Alors que les premières demandes du nouveau congé paternité commencent à arriver, les services de remplacement ayant du mal à recruter des salariés agricoles tout au long de l’année réfléchissent déjà à des solutions pérennes pour remplacer les futurs papas sur leurs fermes. « Nous allons sans doute avoir des demandes de remplacement plus atypiques sur des métiers sans doute parfois techniques, peu demandés aujourd’hui. Il va falloir recruter plus largement, nouer des partenariats avec les Maisons familiales rurales, faire appel à des alternants pour pallier le manque de salariés. Si on sait que l’on a plusieurs congés de paternité sur une même période, on peut plus facilement proposer des CDD, estime le président du service de remplacement du Rhône, en étant informés ne serait-ce que 15 jours avant la prise de congé, nous arriverons à anticiper et à nous organiser. Nous avons très régulièrement nos adhérents au téléphone et savons rebondir très vite… ». Reste pour autant la main-d’oeuvre à trouver et à recruter. Un sujet qui inquiète depuis des années Henry Jouve : « Il me semble intéressant qu’un étudiant candidat à l’installation puisse réaliser une expérience de remplacement avant de se lancer dans la vie professionnelle. Mettre du temps de salariat dans les temps de formation et le rendre obligatoire pour valider un cursus permettrait de renforcer notre vivier de remplaçants », soutient-il. Parfois ce sont des retraités qui s’engagent pour que le remplacement puisse être effectué mais tous les exploitants n’ont pas leurs parents ou des membres de leur famille sur place pour les aider. « Si au sein des services de remplacement il y avait des maîtres de stages intervenant dans les centres de formation, cela permettrait aux jeunes de découvrir les métiers agricoles et de connaître ce service dès leur plus jeune âge… », ajoute Henry Jouve. Le but de cette démarche étant, selon lui, toujours le même : « Un papa doit passer du temps avec son petit et sa conjointe. La priorité, c’est le cocon familial. Si un changement a déjà été opéré chez les jeunes pères plus impliqués qu’avant, il faut continuer à faire évoluer les mentalités pour que cela soit une simple évidence pour les prochaines générations ».

Alison Pelotier

“Les hommes ont un rôle à jouer dans l’éducation des enfants”
Joël Giroud Bouton avec ses deux enfants : Julia, trois ans et Noah, 4 mois.

“Les hommes ont un rôle à jouer dans l’éducation des enfants”

TÉMOIGNAGE / Joël Giroud Bouton, éleveur depuis cinq ans de vaches laitières et allaitantes à Courzieu (Rhône), est papa de deux enfants. S’il n’a pas pu bénéficier du nouveau congé paternité à 28 jours, il a pris conscience avec l’arrivée de son petit dernier, au mois de mars dernier, de l’importance de prendre du temps pour sa famille.

12 mars 2021. La famille Giroud Bouton s’agrandit. Après sa fille Julia de trois ans, Joël Giroud Bouton et sa femme accueillent leur deuxième enfant, Noah. Le père de famille, bien occupé par son travail, décide de garder ses 11 jours de congé paternité pour profiter de sa famille un peu plus tard.

Profiter mais aussi gérer l’urgence

« Quelques jours après son retour à la maison, mon fils a fait un malaise et a dû être hospitalisé pendant un mois. J’ai dû me mettre en arrêt, trouver quelqu’un pour me remplacer sur la ferme. Pendant ce temps, ma femme et moi, nous alternions pour dormir au chevet de Noah à l’hôpital. Dans un cas comme ça, ce nouveau congé paternité plus long prend tout son sens. L’idée, quand tout se passe bien, c’est de profiter de sa famille mais aussi, en cas d’urgence, de pouvoir être présent pour son enfant et pour sa conjointe qui ne peut pas tout gérer seule », témoigne l’agriculteur. Pendant ces quelques semaines, l’éleveur a pu compter sur l’aide du service de remplacement, la semaine, et de son père, le week-end. « C’est difficile de décrocher complètement.
Il y a l’astreinte et le travail quotidien indispensable à la conduite de l’élevage mais aussi tout le boulot de paperasse, la gestion de toute une exploitation qu’on ne peut pas déléguer à des salariés pour une courte période ! » reprend-il. Aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre : le petit Noah a fait son retour à la maison, Joël
vient tout juste de prendre son congé paternité qui lui a permis de profiter de sa famille plus sereinement et fait prendre conscience de l’importance de « se dégager du temps pour ses enfants ». « C’est vrai que notre métier nous retient en dehors du foyer, qu’un agriculteur est souvent rattrapé par son travail. Je sais que je suis à peine assez présent à la maison mais je fais ce que je peux. J’essaie d’être là quand même, à ma façon. Je trouve ça tout à fait normal que les papas puissent profiter d’un congé paternité plus long. Ça va dans le bon sens ! Il faut qu’on assume notre rôle de père parce que les hommes ont un rôle à jouer dans l’éducation des enfants. »

AP