MARAÎCHAGE
"Dans nos écoserres, tout est recyclé"

A Pierrelatte dans la Drôme, des producteurs se sont associés au sein du quartier des serres pour y cultiver onze hectares de tomates – petits fruits et variétés anciennes – sous serres semi-fermées et en hors-sol. Des serres écologiques qui sont un argument supplémentaire à faire valoir auprès des consommateurs.

"Dans nos écoserres, tout est recyclé"
Onze hectares de serres sont consacrées à la production de tomates.

Développées par la coopérative Les Paysans de Rougeline, présente dans le sud de la France, les écoserres de Pierrelatte - gérées par le producteur Henri Jourdain et ses associés - , ont de quoi se démarquer. Pour cultiver ses 11 hectares de tomates, le groupe Médiserres a choisi de s’équiper au fil des ans de serres innovantes, appelées serres semi-fermées. Si tout le parc de serres appartenant à la société n’a pas encore été renouvelé - il le sera d’ici 2022 - , près de 7 ha bénéficient déjà de ces serres écologiques. Ces dernières sont gérées par un logiciel développé par la société Priva : « Cela nous permet de maîtriser le climat, la température et l’humidité, contrairement à une serre traditionnelle », explique Elie Faraut, l’un des associés, responsable des installations. Une centrale de cogénération biomasse permet d’alimenter le réseau de chaleur de Pierrelatte, et notamment celui des serres, grâce à une énergie issue des ressources forestières locales. Une énergie verte 100 % renouvelable qui rentre parfaitement dans une démarche de respect de l’environnement.

7 litres d’eau pour un kilo de tomates

Dans une serre semi-fermée de tomates, une température de 26 ou 27 °C est recommandée, avec une hygrométrie de 75 %. « Nous disposons de toiles d’ombrage offrant une gestion de la luminosité et une fonction thermique intéressantes. Par ce biais, nous pouvons diminuer le volume d’air dans la serre qui nécessite ainsi d’être moins chauffée », note Elie Faraut. Ce concept de serre permet de diminuer la consommation d’énergie d’environ 30 %. Il offre également la possibilité d’ajouter du CO2, pour augmenter la photosynthèse, apporter des vitamines aux plantes et avoir une production plus importante.

En hors-sol - pour limiter la pollution -, les tomates poussent en liane, sur une base de laine de roche. Le substrat est ensuite recyclé en totalité, sous forme de terreau ou de briques de construction. L’irrigation est également maîtrisée, voire même optimisée, grâce à des analyses régulières sur les plantes. « Le pilotage de la culture est fondée sur l’observation. Ainsi, nous maîtrisons nos apports d’eau. Pour un kilo de tomates produit sous serre, nous n’avons besoin que de 7 litres d’eau, contrairement à un kilo de tomates cultivé en plein champ qui réclame près de 60 litres d’eau », prévient Elie Faraut.

Un recyclage complet

Les eaux non absorbées par les plants, tout comme l’humidité ambiante, sont récupérées dans des gouttières, traitées par les UV pour éliminer les éventuels micro-organismes pathogènes, puis réinjectées dans le circuit d’irrigation. « Dans nos écoserres, tout est recyclé », indique fièrement Henri Jourdain. En dehors des apports en eau, la plante reçoit des sels minéraux (azote, potassium, calcium, magnésium, etc.), là encore dans un système de circuit fermé.

De plus, l’équipe, composée de 30 salariés permanents et 170 saisonniers, pratique la protection biologique intégrée. Pour cela, elle introduit des insectes auxiliaires pour lutter contre les ravageurs et ainsi, contrôler les maladies et produire des légumes sains. « Nous sommes dans une démarche HVE1 et zéro résidu de pesticide. Aucun traitement chimique n’est effectué dans nos serres », déclare Nadia Galabert, directrice associée de Médiserres. L’équilibre de l’écosystème est ainsi préservé. D’autre part, la pollinisation s’effectue par le biais d’apport de ruches de bourdons au sein même de la serre, à raison de trois ruches par hectare et par semaine. « Les bourdons sont réputés pour être des butineurs extrêmement performants et efficaces, et pollinisent entre 80 et 100 fleurs à l’hectare », conclut Elie Faraut. Cette exploitation, quelque peu hors du commun, prouve que des productions maraîchères – tomates ou autres – cultivées sous serre et/ou en hors sol n’en sont pas moins qualitatives et agissent, à leur niveau, à la protection de l’environnement.

Amandine Priolet

1. Haute valeur environnementale
Florian Martin (chef de culture), Franck Lagoutte (chef de culture, associé), Cathy Douzièch (responsable de la lutte intégrée), Elie Faraut (chef de culture et responsable des installations, associé) et Mélanie Cabrol (chef de culture).
Pierrelatte : 11 hectares de tomates sous serres
Vingt-cinq variétés de tomates sont produites chaque année à Pierrelatte, soit environ 5 000 tonnes par an.

Pierrelatte : 11 hectares de tomates sous serres

La visite s’est déroulée au sein de l’exploitation d’Henri Jourdain et associés1, à Pierrelatte (Drôme). Diplômé de l’école d’horticulture d’Angers, Henri Jourdain a travaillé pour la commission économique pour l’Afrique (CEA) au Niger. C’est à son retour en France, en 1994, qu’il pose ses valises à Pierrelatte et s’installe en tant qu’exploitant agricole. Dès ses débuts, l’agriculteur est convaincu par les productions sous serres : « Ce qui m’intéressait avant tout, c’était d’avoir un moyen de protéger mes cultures et d’avoir une sécurité. Je ne voulais pas investir dans quelque chose qui pouvait être détruit au moindre aléa climatique (gel ou grêle) », explique-t-il. Depuis 2014, il dispose, avec ses associés, de serres plus modernes, dites « semi-fermées ». Après avoir produit tomates, fraises gariguettes et plantes aromatiques, Henri Jourdain s’est spécialisé dans les variétés de tomates. « C’est une culture annuelle qui permet de mieux valoriser ce type de serre. Contrairement à la production des fraises, celle des tomates se fait très vite et plus longtemps », avoue-t-il. Actuellement, l’exploitation englobe 11 hectares de serres de tomates : des petits fruits de toute sorte, ainsi qu’une gamme de variétés anciennes et d’un mélange de variétés gustatives. La commercialisation se fait entièrement par le biais de la coopérative Les Paysans de Rougeline. D’ici 2022, 4 ha de serres supplémentaires devraient être construites. Pour assurer la production, cinq associés ont rejoint Henri Jourdain dans l’aventure. « Nous transmettons notre savoir-faire, avec mon premier associé, à nos responsables de serres qui sont intéressés par le projet », conclut-il.  

A. P.

1. Les associés : Elie Faraut, Franck Lagoutte, Michel Bouchet, Nadia Galabert et Eric Albrand.
Le programme CuTE pour contrer les idées préconçues

Le programme CuTE pour contrer les idées préconçues

Informer les consommateurs européens sur les propriétés des fruits et légumes cultivés en plein air et dans des serres, tel est l’objectif du programme « CuTE – Cultivons la saveur d’Europe » lancé en 2019.

Faire la promotion des productions sous serres : c’est le but de la campagne européenne de communication, lancée en septembre 2019 à Bruxelles. « CuTE - Cultivons le goût de l’Europe » est un programme porté par FruitVegetables (Eucofel), l’association européenne des fruits et légumes, ainsi que cinq associations nationales dont l’AOP Tomates et Concombres de France. Il vise à accroître les connaissances sur les méthodes agricoles de production de fruits et légumes d’Europe (en plein air ou sous serres) sur le marché intérieur (Espagne, France, Allemagne, Pologne et Grèce). « L’objectif est de faire en sorte que les consommateurs connaissent les caractéristiques des cultures sous serre. Beaucoup pensent que les fruits et légumes produits sous serre sont moins bons qu’un produit cultivé en plein champ. Mais en organisant des journées portes ouvertes et des dégustations, nombre d’entre eux sont prêts à changer d’idée », explique Henri Jourdain. Le producteur de tomates basé à Pierrelatte (26) rappelle la possibilité de maîtriser la culture sous serres, y compris en termes de qualité gustative, tout en réduisant l’impact environnemental. Ainsi, produire sous serre permet de proposer tout au long de l’année des fruits et légumes de qualité, tout en ayant une démarche écoresponsable.

A.P.