MONTAGNE ARDÉCHOISE
Le préfet accueilli dans un élevage laitier

Mylène Coste
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Thierry Devimeux a rendu visite au Gaec d’Esperveyres, le 28 juillet, à Saint-Cirgues-en-Montagne. Il a ainsi pu toucher du doigt les atouts et richesses de l'élevage laitier du plateau ardéchois, mais également les difficultés.

Le préfet accueilli dans un élevage laitier
Thierry Devimeux a visité le Gaec de l'Esperveyres, sur le plateau ardéchois, lors d'une journée consacrée à l'élevage laitier organisée par JA Ardèche et la FDSEA.

 « Espère, et tu verras », « Esperveyres », en patois. La ferme de Géraldine Martin, Sébastien Comte et Michel Mialon porte bien son nom. Passionnés par leurs métiers, et en dépit des difficultés traversées, les trois éleveurs ont toujours cru en l’avenir de la filière. Situé à 1240 m d’altitude, au cœur du plateau ardéchois, le Gaec d’Esperveyres élève 50 montbéliardes dont le lait (291 000 l/an en moyenne) est livré à Gérentes, ainsi que 40 aubracs. Les broutards valorisent les parcs les plus éloignés, et leur vente constitue un complément de revenu à côté de l’élevage laitier qui reste la principale source d’activité.

« La Pac est essentielle au maintien de nos élevages »

« Avec 80 ha de prés de fauche et 135 ha de landes et parcours, nous sommes en système 100 % herbager, souligne Géraldine Martin. Avec notre climat, nos sols séchants et caillouteux, il est ici impossible de cultiver des céréales, qui viendraient compléter la ration d’herbe des prairies naturelles. Nous sommes donc contraints d’acheter des compléments d’aliments, ce qui élève nos coûts de production par rapport à l’élevage en plaine. » C’est pourquoi la Pac, et notamment les aides ICHN et Maec1, sont indispensables pour assurer le maintien des élevages bovin lait ardéchois, notamment en montagne. « A priori, la nouvelle Pac qui se dessine est plutôt favorable ; la convergence progressive devrait avoir un impact positif pour l’Ardèche, souligne Jérôme Volle, vice-président de la FDSEA. Il faut toutefois être vigilant sur le maintien, au moins à leur niveau actuel, des aides couplées. L’aide à l’UGB de plus de 16 mois telle que propose le ministère de l’Agriculture doit absolument garder la distinction entre zones de plaine et de montagne ! » 

« Toutes nos laitières sont inséminées avec semence sexée race pure, et toutes nos génisses sont génotypées », souligne Géraldine Martin, qui est administratrice à la coopérative XR Repro. Le Gaec est également adhérent au programme de sélection Umotest, ainsi qu’à Adice (Conseil élevage).

L’autre inquiétude porte sur les éco-régimes : « Est-ce que nos prairies permanentes, dans nos systèmes tout herbe, seront considérées comme participant à la biodiversité ? », se questionne Géraldine Martin. Quant aux Maec, qui constituent une aide précieuse pour le Gaec d’Esperveyres, elles ont déjà vu leur niveau baisser en 2021. « Pourtant, nos zones humides sont toujours là, et nos pratiques contribuent à les préserver, signale Michel Mialon. Nous n’avons malheureusement aucune visibilité sur l’avenir de ces mesures. »

La sécheresse a changé la donne

De nouvelles contraintes apparaissent aussi ces dernières années, consécutives au changement climatique. « Les périodes sèches sont de plus en plus fréquentes et longues, provoquant des déficits d’herbe et de fourrage, déplore Géraldine Martin. Cela nous oblige à acheter du foin à l’extérieur, et met à mal l’autonomie alimentaire de nos exploitations. C’est une réelle inquiétude pour l’avenir. » 

Liée ou non au réchauffement climatique, la pullulation des campagnols terrestres endommage les prairies. « C’est un véritable fléau, qui a emporté 1/5 de la récolte de foin l’an dernier, déplore Sébastien Comte. Avec les butyriques, cela a aussi des conséquences sur la qualité du lait. »

Le préfet a découvert la réalité de l'élevage de montagne, sur le terrain.

« Nos faiblesses sont aussi nos forces »

Malgré des coûts de production élevés, conséquences du relief et du climat de la montagne, l’élevage laitier ardéchois a aussi de vraies forces. Nos élevages traditionnels sont essentiels au maintien de paysages ouverts et à la valorisation des paysages. Sans eux, nous serions envahis par les genêts, plaisante Géraldine Martin. « Nous travaillons avec passion, dans le respect de nos animaux et de notre environnement, en réponse à la demande des citoyens consommateurs. Notre activité contribue aussi à faire vivre notre territoire ! » 

Loin de se laisser décourager par la rudesse du métier, l’élevage ardéchois a fait de ses spécificités de véritables forces, au travers de démarches de qualité et de marques, avec le soutien des entreprises et coopératives locales telles que Carrier ou Gérentes. Inspirées par l’AOP Fin Gras du Mézenc, des démarches de valorisation émergent peu à peu, telles qu’Eulalie des Monts d’Ardèche (Carrier), L’Agneau de l’Ardèche, Le Bœuf des prairies fleuries ou encore l’IGP Saint-Félicien. Une réponse aux attentes sociétales, qui offre des perspectives à l’élevage ardéchois.

Mylène Coste

1.      Indice compensatoire de handicaps naturels (ICHN) et mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec).
Les discussions autour de la future Pac ont été riches, notamment autour du maintien des aides couplées ou encore de la mise en place des éco-régimes.

« Le monde agricole ardéchois m’épate »

Lors de sa visite sur le plateau ardéchois, le préfet Thierry Devimeux n’a pas caché son admiration envers le travail du Gaec de l’Esperveyres, et plus largement envers les agriculteurs ardéchois. « Le monde agricole ardéchois m’épate. Au-delà de votre passion pour votre travail, vous avez une telle lucidité, et une vraie capacité à réfléchir sur vous-mêmes, sur l’évolution de vos métiers et à vous projeter. »