Élus et partenaires étaient réunis ce vendredi 29 septembre à la chambre d’agriculture pour leur session d’automne. Si le programme était chargé, entre gestion des risques, bilan des filières et questions autour du foncier, la session a surtout été rythmée par la présentation des démarches de reconnaissance du Saint-Félicien et du Caillé doux Saint-Félicien.
La séance débute par un point météo. Avec une sécheresse hivernale importante, puis des précipitations abondantes et une répartition des pluies inégales, la question de la gestion de l’eau est soulevée dès les premières minutes de la session. « La refonte de l’arrêté cadre sécheresse le 6 juin dernier a permis la sauvegarde de plantation chez les maraîchers, grâce à la micro-aspersion et l’irrigation d’arbres et arbustes de moins de deux ans », informe Christel Cesana, vice-présidente de la chambre d’agriculture. Mais le véritable enjeu se situe au niveau du stockage de l’eau. « Pour écrêter ces phénomènes de crues, il est important de pouvoir stocker », martèle la vice-présidente de la chambre d'agriculture et présidente de la FDSEA. Un avis partagé par Jérôme Volle, deuxième vice-président de la chambre d’agriculture. « Il est nécessaire de suivre un protocole : en période d’étiage, on ne prélève pas et on utilise ce que l’on a stocké l’hiver », résume-t-il.
Une histoire de fromages et de territoires
La session se poursuit, abordant un tout autre sujet d’actualité. Deux démarches de reconnaissance ont été présentées en simultané à la chambre d’agriculture début septembre, concernant le Caillé doux Saint-Félicien (chèvre) qui souhaite une reconnaissance en AOP1 et le Saint-Félicien (vache) en IGP2. Avec une histoire et un savoir-faire ancestral, le Caillé doux se démarque par une zone géographique ciblée en Ardèche, contrairement au Saint-Félicien, dont les producteurs s’étalent sur une zone élargie, qui englobe une partie de l'Ardèche, de l'Isère, de la Loire et de la Drôme.
Aujourd’hui, le Caillé doux Saint-Félicien est une filière produisant 9 tonnes de fromage par an. « Avec la reconnaissance, on arriverait à 50-60 tonnes de fromage, pour faire vivre l’AOP », indique Jean-Luc Boulon, président du Syndicat de défense et de promotion du Caillé doux de Saint-Félicien. Concernant le Saint-Félicien vache, les ratios sont différents : avec une zone géographique élargie, le comité de promotion Saint-Félicien s’est allié à l’IGP Saint-Marcellin (C2MF). L’estimation de vente de fromage Saint-Félicien s’est démocratisée et se situe aujourd’hui, entre 3 000 et 3 500 tonnes par an.
« Ce sont des projets de territoire comme ceux-là, qui font rayonner l’Ardèche au-delà d’un lieu », déclare le président de la chambre d’agriculture, Benoit Claret. « La certification permet une revalorisation des prix et de ne pas être en concurrence avec des fromages non certifiés. Elle offre également une protection face au dumping », assure le président de la chambre d’agriculture. Plus largement, « c’est une valeur ajoutée pour l’économie agricole du territoire qui permet de tirer la filière par le haut ». L’enjeu est donc de taille pour les deux fromages, dont les dossiers de reconnaissance seront instruits communément à l’Inao3 en suivant, une convocation au mois d’octobre.
Conjoncture des filières
La session Chambre est aussi un rendez-vous majeur afin d’évoquer la conjoncture des filières. Pour la production végétale et en particulier le maraîchage, après un retard au démarrage, la saison a été globalement de bonne à très bonne. La saison automnale offre également de quoi être optimiste. Concernant la châtaigne, « il y a globalement une bonne résistance à la canicule et à la sécheresse », note Jérôme Volle. « Mais à terme, plusieurs territoires se poseront des questions sur l’avenir des châtaigneraies. » Pour l’arboriculture, malgré une production correcte, plusieurs épisodes de grêle, combinés à la pression liée à la drosophile pour la cerise, ont conduit à une « catastrophe pour certaines zones », alerte-t-il. Au sujet des Ppam4, les huiles essentielles subissent un marché globalement en baisse, et celui des plantes sèches stagne. Anciennement porteur et source de diversification pour les agriculteurs, le marché est aujourd’hui inondé, certains exploitants arrachant leurs plantations, sans possibilité de reconversion sur des sols souvent arides. La viticulture a également subi une pression jamais connue de maladies cryptogamiques. Les aléas climatiques, comme la grêle et la canicule, n’ont pas épargné les vignobles. Concernant la récolte, il est encore trop tôt pour se prononcer, tant il existe une grande hétérogénéité entre les secteurs et les parcelles.
Du côté de la filière animale, en bovin lait standard, l’érosion se poursuit pour la collecte de lait : 59 litres en 2015 contre 47 millions de litres en 2022. Avec une collecte de lait en hausse de 4 % en Aura, malgré une collecte nationale en baisse (- 3 %), la filière caprin lait subit également la baisse de consommation globale. En bovin viande, les exportations de broutards restent stables, le prix est en légère augmentation (+ 3 %) malgré une consommation également en baisse. Pour l’agneau, le prix conserve un niveau élevé de l’ordre de 8 à 8,50 €/kg. L’offre peu abondante, permet de maintenir le cours de l’agneau et fait ainsi barrage à la baisse de consommation. Avec un recul des abattages en juin 2023 de l’ordre de 8 % et un marché déstabilisé par les importations massives à bas coût en provenance d’Ukraine, le secteur de la volaille et des œufs, de son côté, bat de l’aile.
« Le marché de la bio dans sa globalité est en baisse en France depuis 2022 », déclare Rémy Fabre, représentant de la filière Bio Aura à la chambre régionale d’agriculture. Les difficultés sont observées généralement en GMS et en magasins bio. Seule la vente directe tire son épingle du jeu. Le contexte de déconsommation globale n’est pas étranger à ce phénomène. « Cependant, en Ardèche, il y a peu de dé-conversions. 26 % des surfaces agricoles du département sont en bio ou en conversion », relève-t-il.
Partenariat entre la chambre et la Safer
La session aura été l’occasion de signer le partenariat entre la Safer et la chambre d’agriculture de l’Ardèche, afin d’officialiser et d’entériner un travail commun. L’objectif étant de faciliter la préservation du foncier. « Il s’agit de préserver et transmettre des espaces agricoles en accompagnant les collectivités dans la mise en œuvre d’une politique de développement », déclare Régis Périer, responsable du service espaces, territoires et environnement à la chambre. « La Safer est un moyen et une boîte à outils pour accompagner les politiques rurales. En additionnant nos compétences, nous mobilisons nos forces », renchérit Benoit Claret.
Le programme dense de cette session aura permis à la nouvelle préfète de l’Ardèche, Sophie Elizéon, de réaliser un tour d’horizon des enjeux agricoles du territoire et des actions à mener conjointement, clôturant la session avec notamment une citation de Nelson Mandela : « Aucun de nous en agissant seul, ne peut atteindre le succès ».
M.M.
1. Appellation d'origine protégée.
2. Indication géographique protégée.
3. Inao : Institut national de l’origine et de la qualité.
4. Plantes à parfum, aromatiques et médicinales.
Vote des motions
Lors de cette session, trois motions ont été votées. La première concerne les demandes de reconnaissance en AOP Caillé doux Saint-Félicien et de l’IGP Saint-Félicien. Dans l’assemblée, 5 abstentions, la motion a été adoptée.
La deuxième motion est relative au développement de la viande cellulaire, dite « in-vitro », considérant notamment que les substituts de synthèse sont une « aberration » à la fois d’un point de vue alimentaire, économique et environnemental. Elle a été adoptée à l’unanimité.
Enfin, la troisième motion concerne la demande à l’État d’une meilleure redistribution de la TATFNB2, payée par les propriétaires fonciers, aux réseaux des chambres d’agriculture, dont les missions d’intérêt et services publics s’élargissent. La motion a été adoptée à l’unanimité.
2. TATFNB : La taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti.
Remise de l'ordre du mérite agricole
Après 40 ans de services, Yves Boyer, chef de service économie et filière au sein de la chambre d’agriculture de l'Ardèche, a été fait chevalier de l’ordre du mérite agricole. Lors de la remise de médaille, Jean-Luc Flaugère, ancien président de la chambre d’agriculture, a salué la loyauté et l’engagement dont a fait preuve Yves Boyer, par ailleurs maire de la commune de Baix et président de la Communauté de communes Rhône-Coiron.