ÉVOLUTION DES MÉDIAS
Ne vous inquiétez pas, votre smartphone s’occupe de tout

Claudine Lavorel
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La force des géants du web, présents aujourd’hui dans la plupart de nos mains à travers nos smartphones, est de pouvoir aspirer la publicité et d’accaparer les revenus en vous faisant croire que tout est devenu gratuit. Leur fonctionnement, sur base d’algorithmes, leur permet de connaître le lecteur comme jamais auparavant, et de cibler ses centres d’intérêt.

Ne vous inquiétez pas, votre smartphone s’occupe de tout

Gafa : quel drôle de nom ! L’acronymea été popularisé en France au début des années 2010 et permet de désigner les quatre colosses de l’économie numérique : Google, Amazon, Facebook et Apple. Aux États-Unis pourtant, le terme n’est
pratiquement pas utilisé. On y parle plutôt de « bande des quatre » ou des « quatre grands ». Depuis, l’acronyme a été complété par le géant Microsoft pour devenir Gafam. Ces entreprises stars de la Silicon Valley californienne ont même fait des petits avec les Natu pour Netflix, Airbnb, Tesla et Uber. Elles ont su renouveler, au XXIe siècle, le mythe américain des chercheurs d’or ou de pétrole devenus milliardaires en quelques coups de pioche. C’est dorénavant en quelques coups de clics que l’on peut s’enrichir facilement.

Les nouveaux maîtres du monde

Dans ce nouveau modèle d’activité, le terrain de jeu n’est pas national, il est immédiatement mondial et le leader rafle la mise en anéantissant du même coup toute la concurrence. Conséquence, les chiffres deviennent vertigineux par rapport aux entreprises traditionnelles. Ainsi, Google concentre à lui seul plus de 90 % des requêtes sur Internet dans le monde. YouTube, le diffuseur de vidéo sur Internet (racheté par Google en 2006 pour seulement 1,65 milliard de dollars à l’époque) est vu bien plus que n’importe quelle chaîne de télévision : chaque jour, plus d’un milliard d’heures de vidéos sont ainsi visionnées. Facebook, quant à lui, totalise, en octobre 2020, plus de 2,7 milliards d’utilisateurs actifs mensuels. Pour utiliser ces services, les consommateurs passent maintenant majoritairement par leur téléphone portable et c’est vers ceux de la marque Apple qu’ils se tournent le plus en valeur : fin 2019, elle concentrait, à elle seule, 32 % du chiffre d’affaires et 66 % des bénéfices du marché des smartphones. En ce qui concerne les systèmes d’exploitation, Microsoft ne souffre que peu de la concurrence d’autres sociétés. On estime, en effet, que plus de 88 % des ordinateurs de la planète sont équipés de son système Windows. Ce sont donc de vrais monopoles qui se sont installés.

Si c’est gratuit, c’est que le produit c’est vous !

Ces entreprises se nourrissent de l’analyse et de la revente de vos données, c’est-à-dire de vos choix, vos goûts, de vos centres d’intérêt quand vous utilisez leurs services (recherche sur Internet, réseaux sociaux, etc.). Ils peuvent ainsi définir plus finement votre profil de consommateur et ensuite se faire rémunérer en proposant aux entreprises des liens publicitaires Internet ayant un impact commercial plus efficace qu’un simple panneau publicitaire au bord de la route. Étant alors dans une situation de monopole, ils peuvent imposer aux entreprises de « l’ancienne économie » leur tarif
pour accéder à ces nouveaux panneaux publicitaires numériques à l’efficacité décuplée. Ils peuvent même proposer en tête de gondole leurs propres produits, reléguant les autres concurrents au fin fond des rayonnages de leur supermarché numérique.

Les secrets des algorithmes de YouTube

Mais comment ça fonctionne ? La réponse se trouve dans l’algorithme : un langage de programmation, un programme exécutable par un ordinateur. C’est lui qui vous emporte vers un contenu similaire à ce que vous avez regardé sur le Net. Sur YouTube, les vidéos s’enchaînent sans interruption. L'algorithme propose généralement un contenu proche de ce que l'on vient de regarder. Il suggère aussi quelques vidéos complémentaires sur le bord de l’image, que l'on peut facilement sélectionner. Par exemple, si vous venez de regarder un résumé du dernier match de Roger Federer à Roland-Garros, YouTube va vous proposer une vidéo sur les 10 plus beaux coups de Roger Federer ou une vidéo sur les plus gros clashs sur les courts de tennis. L’objectif est de vous retenir le plus longtemps possible sur YouTube pour vous proposer des publicités ciblées. Les utilisateurs n’arrivent pas jusqu’à ces vidéos par hasard. Ils y arrivent en empruntant une sorte de tunnel de recommandations, ce que les chercheurs appellent le « rabbit hole effect », ou l’effet du terrier de lapin. Dès qu’on a enclenché une vidéo, on est aspiré dans l’ouverture du terrier, on progresse dans la galerie, dans l’enchaînement de vidéos, sans pouvoir en sortir. Le problème de ce « rabbit hole effect », c’est qu’il vous propose des vidéos toujours plus extrêmes, toujours plus trash. Des chercheurs cités par le New York Times ont étudié ces vidéos qui sont connectées entre elles. Ils ont fait tourner l’algorithme de recommandation de YouTube pendant des heures et des heures. Et ils se sont rendu compte que cela formait un ensemble d’images et de vidéos qu’ils qualifient de « dérangeantes ». Une mère de famille a témoigné auprès du New York Times, « la vidéo prise par ma jeune fille auprès de la piscine familiale a été vue par plus de 400 000 personnes en quelques mois ». Les dérives du système de recommandation de YouTube, sont accusées de mettre en avant des vidéos complotistes, racistes, misogynes
ou peu adaptées aux plus jeunes utilisateurs. Pourtant, YouTube n’a pas modifié son algorithme de recommandation,
depuis ces révélations du New York Times.

La fin de la télévision ?

Le constat est glaçant. 57 % des milléniaux (la fameuse génération Y) s’informent, d’abord, sur les réseaux sociaux. En télévision, les principaux programmes qu’ils regardent sont le sport et le voyeurisme. Jacques Attali, dans son dernier livre Histoire des médias, des signaux de fumée aux réseaux sociaux, s’interroge sur l’avenir des médias. Pour lui, les Gafa, « c’est la faute qu’il ne fallait pas commettre ». « Si tout le monde peut les lire sur son écran, pourquoi acheter la version papier ? Pendant longtemps, seule une poignée de puissants, souverains, religieux, marchands, ont eu le monopole de l’information, de sa fabrication à sa circulation. Une information libre, diffusée par des médias accessibles à tous et établie par des professionnels cherchant la vérité est le fruit d’une histoire récente, inattendue, fascinante », précise Jacques Attali. Et elle est à présent terriblement menacée.

Claudine Lavorel

Source : le site pédagogique « La finance pour tous ».

Google concentre à lui seul plus de 90 % des requêtes sur Internet dans le monde

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La même concentration qu’un poisson rouge !

La même concentration qu’un poisson rouge !

C’est en tout cas l’idée du livre de Bruno Patio La civilisation du poisson rouge. Selon cet ouvrage, le degré d’attention d’un poisson est 8 secondes et celui d’un adolescent moyen de 9. Distraits par tous nos écrans, nous aurions perdu la capacité de nous concentrer réellement sur quelque chose. Téléphones portables et réseaux sociaux sont devenus nos pires ennemis. L’auteur Bruno Patio considère l’être humain comme un poisson rouge qui vit dans un aquarium. L’aquarium serait alors tous ces écrans, tous ces degrés d’inattention, toutes les choses par lesquelles on est captivé. Des distractions qui perturbent la nouvelle génération qui n’arrive plus à se concentrer, or la concentration est une clé dans la vie professionnelle et peut devenir une source de burn-out et de mal-être.

Évolution du chiffre d’affaires des Gafam en milliards de dollars

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