La vigilance face au black-rot, notamment en début de saison est primordiale. Les viticulteurs doivent mener une lutte permanente. Témoignages de vignerons beaujolais qui luttent contre ce fléau.
Benoît Bleton, vigneron à Saint-Julien (Rhône), gère 10 ha de vignes : « 4 ha en beaujolais, 1 ha en chardonnay pour le crémant et le bourgogne blanc et 5 ha en brouilly ». Le secteur de Saint-Georges-de-Reneins (Rhône), où se trouve une partie des vignes de Benoît, est particulièrement vulnérable au black-rot. « Dans les années 1990, nous avons eu de gros soucis avec cette maladie », se souvient-il. Certifié Terra Vitis® et Haute valeur environnementale (HVE), Benoît limite l’utilisation des produits chimiques cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR). Cependant, l’arrêt de la matière active Métirame, utilisée pour les premiers traitements, « complique encore plus la lutte contre le black-rot. C’est la dernière année où nous pouvons l’utiliser, il n’est plus produit ».
Adaptation du traitement
Pour Benoît Bleton, chaque année apporte son lot de défis climatiques et phytosanitaires. « Cette année, avec une pluviométrie compliquée et des produits moins efficaces, nous nous posons des questions sur l’avenir. » Face à ces défis, il explore d’autres solutions, telles que des mesures prophylactiques, l’utilisation de cuivre et de soufre et des stimulateurs de défense pour la vigne. « Nous avons testé des produits comme du phosphonate en association avec le cuivre et le soufre, qui pourraient avoir un effet sur le black-rot. » La menace du black-rot demeure, surtout durant la période sensible allant jusqu’à la véraison. « Pour le mildiou, on voit des taches apparaître, mais le black-rot est une maladie insidieuse. Elle peut causer des dégâts énormes jusqu’au début de la véraison. » Le vigneron continue de suivre des formations afin de découvrir de nouvelles possibilités de lutte contre cette maladie persistante et rester à jour des meilleures pratiques.
Retour au conventionnel
De son côté, Christine Mélinand, vigneronne à Arnas (Rhône), a dû faire face à un choix crucial. En cours de conversion bio, elle s’est vite retrouvée en difficulté face à ce champignon. Possédant un domaine de 13,5 ha, dont 8 ha de gamay et 5 ha de chardonnay, Christine a observé une diminution significative de rendement, « allant parfois jusqu’à 50 %, en raison du black-rot. En 2021 et 2022, j’ai fait deux ans de conversion bio, mais on peut moins maitriser la problématique sanitaire. Avec deux années pluvieuses et des périodes de sécheresse, c’était compliqué. Les moyens pour lutter se limitent au cuivre et au soufre. » Pour la vigneronne, les conditions climatiques de la région d’Arnas, l’ont poussée à revenir à des pratiques conventionnelles. « Déjà en conventionnel, nous n’avons pas énormément de produits pour le black-rot. Dans notre secteur, le climat ne permet plus de travailler en bio. » Après deux années d’essai, elle ne regrette pas d’avoir tenté l’aventure bio, mais elle a dû prendre des décisions pour assurer la viabilité de son exploitation. Aujourd’hui, bien que les premières pousses soient prometteuses, la vigilance reste de mise pour la vigneronne. « Nous maîtrisons la maladie en rapprochant les traitements, mais nous devons rester prudents car rien n’est encore gagné jusqu’à ce que le raisin soit dans les cuves », conclut-elle.
Charlotte Favarel
RECHERCHE / Le goût vin bio altéré par la bouillie bordelaise ?
Dans un communiqué du 23 mai, l’Institut national de recherche pour l’agriculture l’alimentation et l’environnement (Inrae) « montre que l’acquisition de la résistance au cuivre des levures utilisées pour la vinification s’est faite en contrepartie d’une production en excès de sulfure d’hydrogène (H2S), un composé à l’odeur d’oeuf pourri qui altère la qualité sensorielle du vin ». Autrement dit, la bouillie bordelaise (composée de sulfate de cuivre et de chaux) que les viticulteurs bio utilisent pour traiter leurs vignes contre les champignons pourrait altérer le goût du vin. « Cela est dû à la multiplication d’un gène impliqué dans la résistance au cuivre qui a eu pour conséquence une production en excès de H2S », explique l’Institut de recherche. Les scientifiques soulignent seulement une possibilité, mais pas un effet récurrent. La production excessive de H2S, amplifiée par l’ajout de sulfite couramment utilisé en vinification, « peut altérer considérablement la qualité du vin ». Mais le soutirage permet d’aérer le vin et, en conséquence, de limiter l’excès de H2S. n
PROSPECTIVE / Une enquête en ligne pour préparer l’avenir de la filière viticole
Il semble que le fonds d’urgence de 80 millions d’euros (M€) déployé en février dernier ainsi que l’appui de 150 M€ en complément des crédits du programme national viti-vinicole (OCM) ne suffisent plus à résoudre la grave crise de la viticulture française. En effet, dans un communiqué du 17 mai, le ministère de l’Agriculture a annoncé le lancement d’une enquête auprès de l’ensemble des viticulteurs. Objectif : « leur permettre d’indiquer leurs intentions tant pour ce qui concerne la volumétrie des surfaces qu’ils souhaiteraient le cas échéant arracher, que les modalités d’arrachage privilégiées (temporaires ou définitives) », a-t-il précisé. De cette enquête ouverte jusqu’au 12 juin inclus, dépendra la prochaine feuille de route structurelle de la filière viticole française (vins et spiritueux). Celle-ci reste l’un des derniers bastions excédentaires au sein de la balance commerciale : + 1,252 milliard d’euros en mars 2024. n
3 L’enquête est disponible à https://pad.franceagrimer.fr/pad-presentation/vues/publique/retrait-dispositif.xhtml?codeDispositif=SARV .
Pour lutter contre le black-rot, plusieurs pistes existent. La chambre d’agriculture du Rhône fait le point sur ce champignon. En premier lieu, étant actif dès 9 °C, le black-rot est moins exigeant que le mildiou au niveau de la température pour se développer et contaminer, d’où l’importance de rester vigilant. Le délai d’apparition des symptômes est plus long en début de saison, « les symptômes apparaîtront qu’au bout de trois semaines. Tandis que plus tard dans la saison, avec la hausse des températures, ils seront visibles au bout de dix à quinze jours », précisent les conseillers de la chambre d’agriculture. Concernant les traitements, bien que non homologué pour le black-rot, le soufre utilisé contre l’oïdium a un bon effet. Il est recommandé de faire un premier traitement à 6 kg suivi rapidement d’un autre à 8 kg minimum, voire 10 kg. Dans le cadre du projet « Zéro black-rot »,
l’IFV explore l’utilisation de biosolutions, seule ou associée au soufre, pour combattre ce fléau. « Les essais en microplacettes confirment qu’il existe un effet intéressant des substances actives phosphonates de potassium et hydrogénocarbonates de potassium, en particulier en association avec du soufre mouillable. » Mais il reste à tester en essai des stratégies en grande parcelle chez les vignerons pour confirmer ou infirmer les différentes pistes d’alternatives.