VITICULTURE
Le mildiou pour l'instant contenu

Pauline De Deus
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Avec un début d’année pluvieux et doux réunissant plusieurs critères favorisant le mildiou, qu’en est-il de l’état du vignoble ardéchois à l’orée de la floraison ?

Le mildiou pour l'instant contenu
©EA71

La pluie de ce début d’année a fait craindre le pire concernant l’apparition du mildiou sur l’ensemble du vignoble départemental. « La météo de janvier et février a permis une sortie de la végétation précoce, qui a ensuite été ralentie par le vent, le froid et le risque de gel », contextualise José Guzmán, conseiller spécialisé viticulture sud Ardèche et agronomie à la chambre d’agriculture. Jérôme Jouret, cultive 7 hectares de vignes en bio sur la commune de Villeneuve-de-Berg, il se rappelle, de son côté, qu’en 2023, la pression du mildiou avait été fulgurante et fugace : « Il y avait eu une grosse pression du mildiou au mois de mai, à la floraison, le stade le plus sensible, mais grâce aux traitements, il n’y avait pas eu de pertes ».

Point de bascule

La différence selon lui cette année, se situe au niveau de la précocité de l’apparition du mildiou. « Les premières tâches sont apparues il y a un mois. C’est très précoce, et même historique, car il a fait très chaud au mois de mars jusqu’à mi-avril. Puis, le climat s’est refroidi donc le cycle du mildiou est plus court », ajoute-t-il. « Pour le moment, il n’y a pas de gros dégâts, mais puisqu’on arrive au stade critique de la vigne avec la floraison, si ça continue, on risque une perte de récolte. » Amandine Fauriat, conseillère viticulture Côtes-Du-Rhône septentrionales à la chambre d’agriculture ajoute : « Nous sommes dans la période de floraison où il y a une très forte sensibilité. » À moins d’un mois de la fin du printemps, peut s’opérer un point de bascule : « S’il y a trois semaines de secs, cela peut bien se passer, mais sinon, ça risque d’être difficile pour les récoltes », avertit la conseillère. Un même écho donc du côté septentrional de l’Ardèche : « C’est compliqué, mais on s’en sort », corrobore Eric Durand, vigneron sur Châteaubourg avec son frère Joël Durand. « Depuis deux, trois ans, nous avons un printemps humide. Le but est de tenir le plus longtemps possible avec des vignes assez saines pour passer cette période. »

En Ardèche septentrionale, la « pression s’est accélérée cette semaine, avec pas mal de sorties de symptômes », complète Amandine Fauriat. En particulier, la partie sud des Côtes-du-Rhône septentrionales entre Saint-Jean-de-Muzols et Guilherand-Granges semble touchée. « L’an dernier, nous avons eu une pression du mildiou qu’on ne connaissait pas avant. » Du côté de Bessas, plus au sud du département, « le mildiou, on n’en voit pas ou très peu ! », déclare Jérôme Sarrazin, installé en conventionnel sur 32 hectares de vignes. Le vigneron, a traité trois fois en prévention depuis le début de l’année. « Cette année, dans l’ensemble, les vignerons semblent mieux préparer. Ils se sont mis à traiter tout de suite. La floraison commence et on est déjà à cinq ou six traitements, c’est peut-être ce qui fait que la maladie est pour l’instant contenue », constate José Guzmán

Des traitements en prévention

À Villeneuve-de-Berg, Jérôme Jouret, en est lui aussi à trois traitements, mais au cuivre. « On fait aussi pas mal de tisanes avec les orties, osiers et prêles que l’on pulvérise sur les feuilles pour renforcer le système immunitaire. » Plus au nord, chez Eric et Joël Durand, si leur vignoble n’est pas certifié en bio, leurs traitements le sont : « Pour l’instant, nous sommes à 7 ou 8 traitements avec un mélange de soufre et de cuivre, mais aussi d’oligoéléments pour aider la plante à rester en santé face à la maladie. »

Au-delà du mildiou, ce que constate Amandine Fauriat, c’est l’apparition du black-rot en Ardèche septentrionale, maladie « qu’on ne voyait pas beaucoup il y a dix. Depuis deux, trois ans, il y a des parcelles qui sont fortement attaquées. Les vignerons sont inquiets, car on a du mal à s’en débarrasser, alors qu’avec le mildiou, on peut repartir à zéro l’année d’après, le black-rot, lui peut rester infecter la vigne. »

Alors que 10 jours consécutifs de beau temps sont prévus, l’espoir de voir s’éloigner la pression des maladies éclôt.

M.M.

Des précipitations exceptionnelles

Sur le plateau du Coiron et globalement plus au sud, il est tombé pas moins de 750 mm de pluie depuis le début de l’année « ce qui est l’équivalent des trois-quarts de ce qu’il tombe habituellement en une année », observe Jérôme Jouret. Pour Eric Durand, cette forte pluie présente un avantage pour la réserve en eau : « Les pans de granit, saturés d'eau, transpirent. Nos réserves hydriques se sont reconstituées, offrant ainsi à la vigne un peu de réserve dans les granits pour les mois secs. »