PRÉVENTION
Des vendanges à l’heure du Covid-19

Françoise Thomas & Cédric Michelin
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PRÉVENTION / Afin d’accompagner au mieux les viticulteurs pour les vendanges à venir dans le contexte de crise sanitaire de cette année, la MSA, la Direccte et la CAVB1 ont travaillé ensemble à l’élaboration d’un guide de vendanges reprenant l’ensemble des préconisations sanitaires pour la saison 2020. Le voici dans les grandes lignes.

Des vendanges à l’heure du Covid-19
Pendant les vendanges, il faudra faire respecter les mesures barrières contre le Covid-19, c’est-à-dire la distanciation sociale, le lavage des mains et le port du masque.

« Le document de 20 pages détaille l’organisation générale de toutes les phases de l’activité vendanges », présente Jean-Charles Gornouvel, responsable du service prévention des risques professionnels à la MSA Bourgogne. « Nous nous sommes beaucoup basés sur des fiches existantes mais il a fallu préciser des points particuliers dans un tel contexte », poursuit-il. Ces recommandations se retrouvent aisément sur les sites de ces différents partenaires, notamment sur la chaîne MSA TV. Elles détaillent en effet chaque étape : de l’arrivée jusqu’aux parcelles, à la partie restauration ; de l’hébergement, au travail dans les vignes ou à la réception de la vendange à la cave (voir ci-contre). Le guide CAVB, édité et sorti fin juin, a été élaboré avec les connaissances du moment. « Si les mesures sanitaires des entreprises sont une obligation émanant du ministère, la base que tout un chacun doit respecter est bien évidemment la distanciation sociale, le lavage des mains et le port du masque. » Mais tout ceci peut encore être amené à changer en fonction de l’évolution de la situation…

Savoir réagir

Et que faudra-t-il faire en cas de déclaration d’un ou plusieurs cas de Covid-19 parmi l’équipe de vendangeurs (voir encadré) ? Ce cas de figure sera véritablement problématique pour les viticulteurs « et pourra remettre en cause toute la vendange à cause des mesures de quatorzaine qui pourraient être appliquées et de la difficulté à recruter rapidement une nouvelle équipe ! », redoutent les professionnels et les représentants de la MSA. Parmi les obligations à anticiper dès à présent, celle de la désignation d’un ou plusieurs référents Covid-19 à même de bien identifier les premiers symptômes de l’infection, d’échanger avec les secours et de bien organiser l’isolement de la personne suspecte et la protection du reste de l’équipe. Ainsi, l’autre élément à prévoir dès à présent, c’est une pièce permettant d’isoler en toute sécurité la personne potentiellement atteinte.

Forte attente

Comme chaque année, il faut s’attendre à un grand nombre de vendangeurs étrangers. L’ensemble des mesures sanitaires devra donc aussi être compris par ces derniers grâce à l’affichage des consignes comprenant des pictogrammes explicites. « Les instances régionales et professionnelles veulent faire leur maximum pour éviter à tout prix l’apparition d’un foyer », insiste Jean-Charles Gornouvel. « Il y a une vraie attente de la part des professionnels sur le terrain pour avoir un véritable accompagnement », relaie Michel Dubois, conseiller prévention MSA. « Le calendrier de la mise en place de ces mesures a été d’autant plus bousculé que les vendanges s’annoncent cette année très précoces », souligne Jean-Charles Gornouvel. « Ce que l’on sent monter de la part des viticulteurs de Saône-et-Loire, c’est le développement des vendanges machines, poursuit Michel Dubois. Si la tendance était déjà amorcée depuis quelque temps, elle pourrait bien s’accélérer avec cette crise… »

Sans oublier le reste

Les représentants de la MSA insistent enfin sur un dernier point : « Ces risques sanitaires ne doivent cependant pas conduire au relâchement sur les autres risques “classiques” en période de vendanges que sont les chutes, les coupures, les accidents machine, etc. qui ne sont pas supprimés voire, qui pourraient même être accrus compte tenu des mesures organisationnelles ». Les conseillers MSA restent disponibles sur le terrain pour tout accompagnement des viticulteurs dans la mise en place des différentes mesures.

Françoise Thomas

1. CAVB : Confédération des appellations et des vignerons de Bourgogne.

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Que faire en cas de suspicion de Covid-19 ?

En amont des vendanges, il convient d’élaborer un protocole à suivre dans l’entreprise en cas de suspicion Covid-19. La procédure repose sur l’isolement de la personne suspecte dans la pièce prévue pour. Porter des masques et respecter la distance d’un mètre avec elle. Selon le niveau de gravité des signes de la maladie, demander à la personne de contacter son médecin traitant pour avis médical, organiser son retour à domicile ou joindre directement le Samu pour les cas graves. Ne pas laisser la personne seule en attendant l’arrivée des secours. Si le cas Covid-19 est confirmé, les acteurs du contact-tracing (CPAM et Agence régionale de santé) se chargeront de l’identification et de la prise en charge des personnes contact. Ceux qui seront évalués à risque seront placés en isolement pendant 14 jours.

Les consignes sanitaires à mettre en place pour ces vendanges 2020

Transport : si c’est possible, privilégier l’usage des véhicules personnels. Lors de transport à plusieurs, port du masque et lavage des mains sont indispensables. Dédier au maximum chaque véhicule à un nombre limité d’équipes et désigner si possible un conducteur par véhicule.

Restauration : lavage des mains obligatoire dès l’entrée dans le réfectoire, port du masque obligatoire pour tout le personnel attaché à la préparation et à la distribution des repas, privilégier au maximum les repas à l’extérieur, l’eau est à distribuer de manière individuelle.

Hébergement : opter au maximum pour l’hébergement individuel, pour les dortoirs prévoir un mètre de distance entre deux individus ou la pose d’éléments de séparation, inciter au nettoyage des sanitaires par chaque utilisateur après usage.

Dans les vignes : favoriser l’usage individuel des outils avec un marquage bien identifiable, si la distance ne peut être respectée, fournir masques ou visières.

Réception des vendanges : pour le passage des charges, opter pour la pose/dépose pour éviter le passage direct entre les individus, limiter strictement l’accès au pressoir et à la cuverie aux seules personnes nécessaires.

De façon générale, il faudra limiter au maximum les contacts entre les personnes. Pour cela, constituer dans la mesure du possible des équipes qui ne changeront pas tout au long de la journée, éviter les rassemblements conviviaux qui font pourtant l’ambiance des vendanges…

TÉMOIGNAGE / Fabien Romany, vigneron à Bully (Rhône).

TÉMOIGNAGE / Fabien Romany, vigneron à Bully (Rhône).

« Ce sera une année spéciale pour les troupes »

C’est le casse-tête de l’année. Comment organiser la venue des vendangeurs dans les meilleures conditions avec les nouvelles règles liées au Covid-19 ? Déjà compliquées habituellement (recrutement, nourriture, douche…), les règles sanitaires Covid-19 viennent encore s’ajouter (gel hydroalcoolique, masques, distanciation physique…). Dès lors, les vignerons rivalisent d’astuces. À l’image de Fabien Romany à Bully dans le Rhône qui fait appel à une troupe de 25 vendangeurs chaque année pour ses crémants et pour obtenir des beaujolais fruités. Sa préparation débute au printemps. « Je taille mes parcelles à crémant en mars pour les retarder et ainsi pouvoir enchaîner avec les vins tranquilles. Le tout pour que la période puisse valoir le coup pour un vendangeur ». Ainsi, les vendanges durent généralement 16 jours d’affilée. Prévue pour ce mois d’août avec de possibles fortes chaleurs, « j’ai peur qu’avec la transpiration, les gens ne puissent garder le masque ». Néanmoins, « je vais suivre les préconisations et essayer de tout individualiser au maximum : seaux, sécateurs, gobelets pour boire… », débute-t-il pour la partie « facile ».

Éviter le confinement de l'équipe

Là où cela se complique, c’est pour éviter qu’un cas positif vienne stopper net toute la troupe et oblige au confinement de l’équipe… lui compris. Côté logement d’abord. « Nous avons un gîte pour 8 personnes mais il n’y a que deux points d’eau… Du coup, en plus des deux dortoirs et des deux chambres, nous allons demander à certains vendangeurs d’aller dormir chez un collègue arboriculteur qui a investi dans des bungalows équipés ». Une solidarité réciproque puisqu’à la période des fruits (cerises…), ses saisonniers viennent dormir au domaine. Pour limiter au maximum les risques de contaminations croisées au sein de l’équipe, Fabien Romany va installer quatre vendangeurs par bungalow. Il leur demandera de prendre ensuite leur propre voiture (et leur paiera l’essence) pour aller dans les vignes. Il va également leur demander de manger ensemble, séparément des autres si possible, etc. D’autres collègues à lui ont acheté des barnums pour manger en plein air sans être en plein soleil en août. Reste que tout ceci « ne sera pas évident » à faire respecter en permanence, anticipe-t-il. Fabien sait que la marque de fabrique des vendanges reste la convivialité. « Ce sera une année spéciale pour les troupes », légèrement plus « sérieuse ».

Il espère maintenant « boucler son équipe » la semaine avant le début des vendanges. Là encore, le défi est grand. « Nous avons des habitués qui ont peur de venir en raison du Covid-19 et pour ceux qui venaient normalement pendant leurs vacances, certains les ont posées cette année pendant le confinement pour aider leur entreprise à passer la crise et ils ne pourront pas venir ». La chasse aux candidats motivés bat donc son plein actuellement... Bonne nouvelle, les étudiants n’auront pas repris les cours… s’ils reprennent en septembre ?

Cédric Michelin