VENDANGES
Comment faire des économies d’eau au chai ?

Pauline De Deus
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Lors du dernier Salon VinEquip à Mâcon (Saône-et-Loire), Thomas Canonnier du service vigne & vin à la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire a présenté les travaux en cours au chai et surtout les bonnes pratiques à faire simplement pour économiser de l’eau.

Comment faire des économies d’eau au chai ?
Le premier poste de consommation d'eau est en réalité l’entretien des sols.

Grosse période consommatrice d’eau, les vendanges voient généralement le compteur s’affoler lors du nettoyage des matériels de vendanges. La toute première chose qu’il convient de faire est déjà de bien connaître sa consommation. « Cela paraît évidemment comme cela, mais aujourd’hui, on se rend compte que le seul levier qu’ont les viticulteurs pour connaître leur consommation d’eau est la facture à la fin de l’année au mieux », regrette Thomas Canonnier. À quand le premier compteur Linky de l’eau qui permette de suivre sa consommation au mois et par appareil ? En attendant, de toute façon, en période de vendanges, le vigneron n’aura guère le temps de suivre sa consommation. Le Vinipôle Sud Bourgogne a donc cherché à savoir en réalisant un audit sur une exploitation viticole pour mesurer les consommations d’électricité tout d’abord. « Un cas qui ne représente que lui mais qui permet d’avoir une idée », relativise le technicien. Des capteurs ont été mis sur l’ensemble du chai, ce qui a permis d’avoir une idée sur l’année entière. Évidemment, l’aspect matériel et le process de vinification influent sur les données. Ici, le premier poste de consommation d’électricité était naturellement le poste de thermorégulation des cuves. Les suivants étaient déjà plus inattendus avec l’éclairage et la ventilation, « un tout petit moteur qui tournait en permanence ». Thomas Canonnier a fait un parallèle pour bien insister et faire comprendre son propos de durée : « le premier poste chez vous, n’est pas le four, mais votre box Internet qui marche en permanence ».

Des capteurs et des données

Sur la question du process de vinification, la question est plus complexe puisqu’il s’agit d’isoler mais aussi de mettre en relation plusieurs matériels inclus dans un même process. Sur l’exploitation mâconnaise étudiée, c’est la fermentation malolactique qui était la plus consommatrice d’énergie et non la thermorégulation apportant du froid au moment de la fermentation alcoolique. En réalité, c’est le maintien de la température du chai en hiver, le chauffage qui permet à la fermentation malolactique de se mettre en place. Alors, avec quels capteurs s’équiper ? Il en existe un grand nombre. Les viticulteurs n’ont pas forcément le temps de se renseigner et, encore moins, de coupler les systèmes pour croiser les données. Pour autant, aujourd’hui, de nouveaux capteurs au prix abordables arrivent sur le marché pour avoir déjà « de la donnée en masse ». « Le plus compliqué derrière est de synthétiser ces données », admet Thomas Canonnier. À chacun donc ensuite de « décortiquer » son itinéraire technique en fonction. Une analyse pas aisée certes.

Où économiser de l’eau ?

Autre aspect, la consommation d’eau se confronte également à des tensions ponctuelles en termes de ressources. Les sécheresses de 2018, 2019, 2020, 2022 rappellent que si l’eau vient à manquer, cela peut certes donner de beaux millésimes, mais peu aussi vite compliquer les opérations de nettoyage lors des vendanges, si des limitations d’usages devaient intervenir sur décision préfectorale. Aujourd’hui, des capteurs arrivent à quantifier le flux d’eau passant dans un tuyau par magnétisme, pouvant même envoyer la donnée à distance. Le Vinipole a étudié la consommation d’eau sur une exploitation viticole du Mâconnais et une autre dans le Châlonnais, avec de simples compteurs divisionnaires. Le tout pendant deux saisons avec un zoom sur la période des vendanges. Avant de donner les résultats aux vignerons, Thomas Canonnier a sondé les deux vignerons pour connaître leur ressenti. Pour eux, le premier poste de consommation d’eau était la tête de la machine à vendanger, toujours difficile à nettoyer. « Cela leur prend du temps en fin de journée, lorsqu’ils sont fatigués de leur journée de vendanges et il nettoie avec de gros tuyaux à fort débit », rappelle Thomas Canonnier qui comprend ce ressenti à chaud. Pour autant, après analyse, cette étape ne représente que 15 % des consommations totales d’eau.

15 % d’économie

Le premier poste de consommation est en réalité l’entretien des sols. De ce résultat étonnant à découler plusieurs réflexions pour réduire l’eau utilisée. D’abord réfléchir au matériel, le jet consommant beaucoup par rapport à des systèmes type compresseur ou même des systèmes tractés créant de l’eau oxygénée, « comme dans les hôpitaux ». Sinon, il y a plus simple encore. Déjà, commencé par éviter de salir tout le chai, mettre des protections pour ne pas salir sous les cuves, endroits souvent longs et compliqués à nettoyer. « Le fait de cloisonner le chai permet de diminuer les surfaces à nettoyer », conseille Thomas Canonnier. Une évidence qui représente tout de même 70 % des consommations d’eau. La phase d’après est de bien former son personnel en amont des vendanges et vinification, qui prendra l’habitude et l’envie de regarder les économies réalisées. « Cela génère dans les hôpitaux immédiatement 10 à 15 % d’économie d’eau », selon la littérature scientifique. Enfin, autre facteur d’économie d’eau, un revêtement du sol adapté couplé à un bon balai raclette.

Cédric Michelin