TROIS QUESTIONS À
« Nous devons veiller à trouver une cohérence sur les prix »

Mylène Coste
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TROIS QUESTIONS À / Aurélien Soubeyrand, nouveau président de la fédération départementale des fruits et légumes (FDPL) de l'Ardèche et administrateur national mandaté par la FDSEA.

« Nous devons veiller à trouver une cohérence sur les prix »
Aurélien Soubeyrand est installé depuis 2014 avec son père au sein de l'Earl Soubeyrand, à Désaignes.

La crise du Covid-19 et le confinement engendrent des difficultés de recrutement pour la filière agricole, et notamment arboricole. Comment y remédier ?

Aurélien Soubeyrand : « Plusieurs problèmes se posent en effet. Une partie des exploitations ardéchoises font d'ordinaire appel à de la main-d'œuvre étrangère. Mais avec la crise sanitaire et la fermeture des frontières de l'Europe, il est impossible d'embaucher des travailleurs extra-européens. Nous tentons de négocier avec l'État afin d'avoir la possibilité d'embaucher, sous conditions, de la main-d'œuvre d'Europe de l'Est, mais c'est pour le moment impossible.

Au niveau national, la campagne « Des bras pour ton assiette » a bien fonctionné sur les réseaux sociaux, et de nombreux postulants se sont inscrits. Il y a des profils très différents, et notamment des personnes en chômage partiel. Certains agriculteurs ont ainsi pu pallier au manque de main-d'œuvre. Certains restent toutefois frileux.

En Ardèche, nous tâchons de favoriser l'embauche de jeunes et de saisonniers en local, et travaillons sur les conditions d'accueil et d'hébergement. Le respect des distances de sécurité impose en effet de réduire considérablement la capacité des hébergements proposés par les exploitants, c'est pourquoi nous tentons d'étudier la possibilité d'accueil dans les campings locaux, qui pour le moment ne peuvent pas accueillir de vacanciers. Pour l'heure, nous recensons les besoins en main-d'œuvre par secteur et par territoire. »

Au niveau commercial, le travail de mise en avant des produits français porte-t-il ses fruits ?

A.S. : « Une partie de la GMS1 a en effet mis des fruits et légumes français sur ses étals, et l'on peut s'en réjouir. Mais c'est aussi pour compenser l'arrêt des importations espagnoles de fraises et d'asperges. On peut par ailleurs s'inquiéter des marges effectuées par certaines enseignes qui profitent de l'attrait des produits français pour vendre à des prix exorbitants, alors que le prix payé au producteur est parfois indécent. On l'oberve notamment avec la fraise, parfois payée à moins de 2,50 € au producteur et avec un prix affiché en magasin très élevé. Il faut veiller à retrouver une cohérence de marché sur les prix, et c'était d'ailleurs l'objectif de la loi Egalim.

Les consommateurs plébiscitent le français et le local, et c'est positif. Les productions en circuits courts et vente directe parviennent à écouler leurs produits. La situation est plus préoccupante pour ceux qui vendent à des grossistes, leurs débouchés (marchés, restauration hors-domicile) étant à l'arrêt. »

En Ardèche, comment s'annonce la saison pour les fruits d'été ?

A.S. : « Nous n'aurons pas une grosse saison en abricots et pêches. Les craintes que nous avions eu suite aux épisodes de gel de mars se confirment, et les impacts en terme de volumes seront importants par endroits. En cerise, la récolte doit démarrer d'ici quelques jours. Pour le moment, il n'y a pas d'inquiétude à avoir, la campagne s'annonce bien, mais l'humidité stagnante de ces derniers jours, conjuguée aux fortes chaleurs, pourrait poser des problèmes de prédation de drosophila suzukii. Espérons que ce climat ne durera pas. Toutefois, nous avions bien besoin de pluies, car la végétation souffre de ce printemps très sec. »

Propos recueillis par Mylène Coste

1. Grande et moyenne surface.

CARTE D'IDENTITÉ /

Aurélien Soubeyrand est installé depuis 2014 avec son père au sein de l'Earl Soubeyrand, à Désaignes. Il cultive 24 hectares de cerisiers d'une dizaine de variétés différentes, et notamment tardives, implantées entre 550 et 620 m d'altitude. Une partie de ses cerisiers est protégée par des bâches anti-pluies. Il produit également de la châtaigne d'Ardèche AOP sur 8 ha ainsi que des pommes (1 ha) destinées au marché local.