QUESTIONS À /
Organisation du travail : « Pas d'improvisation »

Anaïs Lévêque
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QUESTIONS À / Daniel Boussit, directeur de l'unité départementale ardéchoise de la Direccte1, au sujet de l'application du protocole national de déconfinement en entreprise dans les exploitations agricoles et des solutions d'hébergement des salariés saisonniers agricoles.

 Organisation du travail : « Pas d'improvisation »
Daniel Boussit.

Quelles sont les grandes lignes du protocole national de déconfinement en entreprise présenté dimanche par le gouvernement ?

Daniel Boussit : « Pour aller à l'essentiel, ce protocole recommande une surface de 4 m2 / personne, sans contact autour de chaque individu, et des règles de protection, avant tout, collective. Le port du masque, dont on entend beaucoup parlé, est le dernier recours de protection. Il intervient que s’il est impossible de recourir à une solution de protection collective de nature technique ou organisationnelle. De plus, il apporte un sentiment de sécurité mais il faut faire attention à son port et à sa bonne utilisation. Il n'a pas lieu d'être si on respecte une distance d'un mètre et les gestes barrières.

Quel que soit les secteurs d'activité et les productions agricoles, l'organisation de la journée de travail doit être préparée en amont. Pas d'improvisation. Tout ce qui risque la rupture de la distanciation sociale doit être analysé et anticipé par l'employeur : éloignement des postes de travail, adaptation des horaires, rotations et gestion des locaux communs (restauration), définir des flux de circulation, sécuriser les activités de chargements et expéditions, favoriser les outils individuels et prévoir leur désinfection... Sur la tenue de caisse en vente directe, un même process de protection est recommandé. Les fiches conseils métiers du ministère du travail (Fiche maraîchage, travail saisonnier, activité viticole, travail en caisse…) guident les salariés et les employeurs.

Les employeurs agricoles doivent aussi suivre un protocole de prise en charge des personnes symptomatiques ou qui ont été en contact avec des personnes symptomatiques. Ils sont tenus de s'organiser pour répondre aux sollicitations des pouvoirs publics notamment de la cellule de tracing (brigade sanitaire installée le 11 mai), de conseiller la prise de température à leurs salariés avant leur venue au travail, leur communiquer et afficher les règles de désinfection et de prévention... Il faut s'assurer aussi que les salariés comprennent ces consignes notamment en cas de connaissance relative de la langue française. »

Quels sont les atouts de ce protocole dans le contexte actuel ?

D.B. : « Ce protocole rappelle que la reprise d'activité est essentielle pour éviter l'effondrement de l'économie, mais dans le strict respect de la protection et de la santé des salariés. Il y a un intérêt général qui est d'éviter des contagions et des clusters comme nous l'avons vu la semaine dernière sur une exploitation agricole en Nord Isère où les travailleurs saisonniers ont été confinés. Une dizaine de personnes travaillant dans cette exploitation avaient été hospitalisées. À coté du plus grave, de la maladie, ces situations désorganisent les entreprises. Ce protocole assure le maintien de l'attractivité en matière de main-d'œuvre en rassurant le personnel titulaire et saisonnier, réduit le risque d'arrêt de production et de défiance des consommateurs. »

Quelles solutions sont d'ores-déjà établies pour assurer l’hébergement des salariés saisonniers agricoles qui nécessitent un logement ?

D.B. : « Les hébergements individuels sont à privilégier en priorité. La qualification de domiciles réguliers peut être reconnue aux salariés saisonniers dans des hôtels, hôtellerie de plein air, gîtes ruraux et campings dès lors qu'ils offrent des hébergements en dur et que le travail est de longue durée, comme c'est le cas pour les saisonniers agricoles qui restent sur place pendant un mois. Les hébergements collectifs agricoles sont maintenus à condition de respecter la distanciation sociale, d’individualiser si possible les règles de protection sanitaire en matière de locaux, de repas et de nettoyage. Pour être plus précis, pour les résidences fixes, des espaces plus réduits que la surface réglementaire de 9 m2 peuvent être tolérés jusqu'à 6 m2 minimum. La surface réglementaire des résidence mobile de 6 m2 reste inchangée. Pour les dortoirs qui existent parfois sur les exploitations agricoles, il est possible de procéder à des cloisonnements afin d'offrir un espace individualisé et sans promiscuité à chaque salarié, avec toujours cette surface de 6 m2 minimum. Sur les résidences mobiles et démontables (sous tente), nous ne pouvons pas avoir de tels hébergements en Ardèche. Il n'y a pas de dérogation possible en matière d'hébergement sous tente en Ardèche. »

D'autres dispositifs d'accompagnement sont-ils envisagés ?

D.B. : « Nous sommes là en appui et nous poursuivrons nos réunions de travail pour accompagner la résolution des problématiques rencontrées. Nous sommes à la disposition des acteurs par exemple pour mettre en relation les cafés et restaurants avec les agriculteurs, pour éventuellement livrer des plateaux repas sur l'exploitation. Il est certain que si le saisonnier agricole doit venir avec son véhicule personnel, se loger tout seul à l’hôtel ou dans un camping et préparer sa nourriture, ces éléments prendront du temps, lui coûteront de l'argent et ne sont pas de nature à favoriser la prise de travail. Sans garantie à ce stade, j'ai appelé les services d'Action Logement lundi matin pour savoir s'il y aurait éventuellement des aides pour les salariés, pour les employeurs et pour les hébergeurs. »

Propos recueillis par Anaïs Lévêque

1. Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi.

Après le 11 mai

Le 3 mai, un protocole national de déconfinement en entreprise a été présenté par le ministère du travail. Les entreprises qui souhaitent poursuivre ou reprendre leur activité le 11 mai devront respecter la doctrine générale de protection collective du protocole, les règles de distanciation, de désinfection et le cas échéant fournir des masques selon la situation de travail. Toutes les entreprises sont concernées, quelles que soient leur activité, leur taille et leur situation géographique. Dans le cas contraire, elles peuvent voir engager leur responsabilité civile et pénale.