MAIRES RURAUX
« Nous voulons des actes et non des paroles »

Première assemblée depuis le renouvellement des conseils municipaux, le 26e congrès des maires ruraux d’Ardèche a rassemblé, le 30 septembre à Alissas, plus de 200 élus. 

« Nous voulons des actes et non des paroles »
De gauche à droite : le maire d'Alissas Bernard Jérôme, les sénateurs Anne Ventalon et Mathieu Darnaud, le préfet Thierry Devimeux, le président de l'association des maires ruraux et maire de Coucouron Jacques Genest, le président du Département Olivier Amrane, le député Hervé Saulignac, la trésorière de l'association et ancienne maire de Vogüé Geneviève Laurent, et le secrétaire de l'association et maire de Lespéron Jean Linossier.

Mouvement des gilets jaunes, manifestations contre la réforme des retraites, crises sanitaire et économique... « Les années 2019, 2020 et 2021 ont été et sont particulièrement difficiles », observe le président de l'association des maires ruraux d'Ardèche Jacques Genest, en ouverture du congrès le 30 septembre à Alissas. « Nous nous sommes confrontés à de nombreuses difficultés », évoquant plus particulièrement « l'application de certaines règles prises unilatéralement à Paris, l’absence du personnel et donc la diminution des services à la population, la réouverture des écoles, la quasi-disparition des manifestations donc des ressources des associations, l’absence de vie sociale donc du lien social, etc. ». Des embûches qui ne doivent pas décourager les maires ruraux ardéchois, encourage le président. « Ce n'est pas le moment d'abandonner dans cette période mouvante et dangereuse pour les communes. Nous sommes là pour dénoncer et inciter à la résolution des problèmes de la ruralité. Au niveau national, cela a amené à certaines avancées mais nous voulons des actes et non des paroles. »

Parmi ces avancées, figurent la gouvernance des intercommunalités et l'exercice des mandats municipaux dans le cadre de la loi Engagement et proximité. De nombreux espoirs étaient portés sur le programme d'actions de l'agenda rural, rappelle-t-il. « L'agenda rural est une bonne idée mais il ne résout pas les problèmes structurels de la ruralité : la désertification médicale, l'attaque contre la construction en milieu rural, les services publics en soutien aux maires réduits à peau de chagrin, le prix des carburants, et en Ardèche le coût exorbitant d'Ardèche Drôme Numérique1 pour les communautés ». 

Des budgets locaux mis à mal 

Les finances communales et intercommunales inquiètent de nombreux élus ruraux. En 2021, la baisse de la fiscalité professionnelle, en raison de la crise, risque de dégrader la situation financière des intercommunalités, observe Jacques Genest. « L'allégement de moitié de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la taxe foncière sur les locaux industriels accentue le déclin de l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales et singulièrement des communes, venant après la suppression de la taxe d'habitation. » 

Il craint également la disparition des impôts locaux au profit de dotations, et des maires « sous-traitants de l'administration centrale ». « Dans le budget 2021, l'État a poursuivi et amplifié la mise sous tutelle des communes et intercommunalités, en votant la nationalisation de 2,3 milliards d'euros, dont 906 millions d'euros pour le bloc communal, de la taxe sur la consommation finale de l'électricité », mettant en danger l'électrification rurale. « Le coup de grâce est donné dans le projet de loi des finances (PLF) 2022 avec la baisse de 80 à 60% des subventions du fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACE). »

En matière de finances toujours, il s'inquiète des conséquences de la réorganisation des services territorialisés du Trésor Public dans le recouvrement des redevances d'ordures ménagères, factures d'eau, de cantine scolaire... « Je demande aux maires de bien vouloir surveiller de très près l'encaissement des recettes, en particulier des subventions. Il y aura des inversions des communes bénéficiaires », alerte Jacques Genest. 

Contraintes d’urbanisme, désertification médicale…

Intégré dans la loi Climat et résilience, l’objectif d’absence d’artificialisation nette à terme (ZAN) suscite de vives critiques. Les règles d’urbanisme en milieu rural et la complexité administrative française sont de plus en plus contraignantes, constatent de très nombreux élus. Face à la rareté des surfaces constructibles, les prix s’envolent et le nombre de constructions baisse, affectant l’attractivité des communes. « Bien sûr que nous sommes tous d’accord pour protéger les terres agricoles mais attention, un agriculteur ne peut vivre isolé dans un désert », ajoute le président. « Soyons constructifs ! » 

La désertification médicale, a été évoquée également, ains que la suppression du numerus clausus à compter de 2021. « Il faut que les médecins reviennent dans nos territoires. La levée du numerus clausus pourrait améliorer la situation mais pas avant au moins 10 ans et à condition que les mentalités des jeunes médecins changent », estime Jacques Genest. « Après le total échec des mesures incitatives, il faut obliger les médecins à s’installer là où il y en a besoin. Là aussi, l’attractivité des zones rurales est très largement ternie par cette situation. »

A.L.

1. Le syndicat mixte Ardèche Drôme Numérique participe au chantier du déploiement de la fibre. Créé en 2007 par les Départements de l’Ardèche et de la Drôme, et la Région Auvergne Rhône-Alpes, cet établissement public réunit 27 intercommunalités.
Vers une meilleure prise en compte des spécificités rurales ?
Le sénateur Mathieu Darnaud, ici à gauche, corapporteur du texte 3DS au Sénat.

Vers une meilleure prise en compte des spécificités rurales ?

TERRITOIRES / Le projet de loi « 3DS » était au centre de ce congrès. Il a été présenté par les sénateurs Mathieu Darnaud, corapporteur du texte au Sénat, et Anne Ventalon.

« Malgré les avancées du Sénat, ce ne sera sûrement pas la loi qui libèrera les territoires », estime le président des maires ruraux d’Ardèche, Jacques Genest. Le projet de loi « 3DS », relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, était au centre du 26e congrès de l’association. Voté au Sénat le 21 juillet dernier, ce texte introduit la notion de différenciation territoriale, en développant notamment des possibilités de délégation de compétences aux collectivités territoriales pour réaliser des projets spécifiques et en élargissant leur pouvoir réglementaire. Il prévoit également d’achever le transfert de certains blocs de compétences et clarifie leur répartition, particulièrement dans les domaines de la transition écologique, du logement social, de la cohésion sociale et de la santé. Ce projet de loi entend aussi renforcer les services territoriaux de l’État et leur capacité d’appui aux collectivités territoriales. Enfin, le Sénat a adopté des outils de simplification du fonctionnement des institutions locales permettant l’expérimentation de projets innovants adaptés aux territoires. 

« Consacrer le pouvoir réglementaire local »

« Le vrai point positif de ce projet de loi est de consacrer le pouvoir réglementaire local et la capacité d’introduire un pouvoir dérogatoire aux préfets de département », a annoncé le sénateur Mathieu Darnaud, corapporteur du texte 3DS au Sénat, lors du congrès des maires ruraux d’Ardèche. « Le temps est venu de changer de paradigme. Nous avons besoin de réaffirmer la place prépondérante des élus locaux dans la gouvernance de notre territoire, de leur faire confiance par ce pouvoir réglementaire local. Nous souhaitons aussi que le préfet ait la capacité de coordonner l’ensemble de l’action de l’État, qu’il soit le guichet unique pour l’ensemble des maires, lui introduire un pouvoir dérogatoire sur les textes de loi pour conforter la vitalité des communes, sur l’urbanisme par exemple où trop souvent les communes essuient des refus, notamment dans les territoires de montagne », a-t-il indiqué. « Il faut aller plus loin bien sûr mais c’est un point de départ. On va pouvoir commencer à prendre en compte les spécificités des territoires ruraux et assouplir la lecture des textes de loi. »

Le projet de loi « 3DS » sera examiné à l’Assemblée nationale le 6 décembre prochain, puis présenté en commission mixte paritaire entre députés et sénateurs.