VITICULTURE
Des drones à l’essai pour traiter les vignes

Mylène Coste
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VITICULTURE / Un projet expérimental de réalisation de traitement par drone sur vignes de forte pente est engagé par la Chambre d’agriculture de l'Ardèche, en lien avec des agriculteurs du groupe Dephy viticulture des côtes-du-rhône septentrionales.

Des drones à l’essai pour traiter les vignes
Des essais de pulvérisation des vignes par drone ont eu lieu au printemps à Cornas, et doivent se poursuivre.

« Je ne pensais pas être aussi enthousiaste », avoue Olivier Clape, viticulteur à Cornas. Membre du groupe Dephy viticulture des côtes-du-rhône septentrionales, il participe, avec une poignée d’autres viticulteurs du Nord-Ardèche, aux essais d’épandage par drone menés par la Chambre d’agriculture en partenariat avec Institut français de la vigne et du vin (IFV) et la MSA. « Le but est de trouver une solution alternative aux méthodes actuelles de traitement en coteaux, à savoir les pulvérisateurs à dos et canons oscillants », explique Amandine Fauriat, technicienne viticulture à la Chambre d’agriculture. Et de rappeler : « Il s’agit bien d’essais à titre dérogatoire, l’épandage par drone restant aujourd’hui interdit en France ».

Deux essais ont été réalisés en juin dernier. Les premiers résultats sont encourageants : « Nous avons déjà gagné en qualité de pulvérisation entre les deux essais, souligne Olivier Clape. Nous avons notamment remplacé la buse utilisée pour le premier essai, qui était de 0,3 mm, par deux buses de 0,15 mm légèrement plus inclinés pour pouvoir traiter une surface plus large et couvrir toute la plante. Nous avons gagné en précision. »

Une meilleure protection des agriculteurs

Pour Sébastien Michelas, viticulteur à Mercurol-Veaunes qui possède quelques parcelles de cornas, l’intérêt des drones réside avant tout dans la sécurité et le confort qu’il permet pour l’agriculteur. « Dans les vignes de pentes, on traite tout avec l’atomiseur à dos : ce sont donc des kilomètres et des kilomètres de montées-descentes à parcourir ! La pulvérisation par drone est encourageante pour la pénibilité, mais aussi pour réduire le contact de l’agriculteur avec les produits. »

Tous les paramètres ne sont toutefois pas optimisés. « Pour l’instant, les quantités transportées par drone sont très réduites, ce qui peut être un inconvénient, estime Sébastien Michelas. Les essais ont été réalisés avec des réservoirs de 5 l seulement. »

Direction du pulvérisateur, rapidité d’intervention, réglage du matériel… certains paramètres peuvent encore être améliorés : « Nous travaillons notamment à réduire la vitesse d’avancée en fonction des débits de traitement afin de réaliser une pulvérisation plus ciblée avec un produit plus concentré. L’ambition est aussi de réduire les doses en gagnant en précision », indique Olivier Clape.

Si de nombreux paramètres sont encore à affiner, les viticulteurs participant à l’expérimentation sont déjà convaincus de l’intérêt des drones dans les vignobles de forte pente.

Mylène Coste

EXPÉRIMENTATION / Quelle méthode ?
Plusieurs modalités d’application des traitements sont testées par le réseau Dephy viticulture des côtes-du-rhône septentrionales, pour être comparées.

EXPÉRIMENTATION / Quelle méthode ?

Pour évaluer la qualité de pulvérisation par drone, plusieurs modalités d’application des traitements sont testées sur chaque parcelle : une application par pulvératisateur à dos, une application par drone, et une modalité non traitée. « Nous passons régulièrement pour faire des comptages de maladies – mildiou et oïdium notamment, indique Amandine Fauriat. Pour le premier essai, nous avions ajouté un colorant à la bouillie pour pouvoir mieux observer la qualité de pulvérisation. Les premiers résultats sont encourageants, avec des progrès à chaque essai. »

L'application d'un colorant permet d'observer la qualité de la pulvérisation.
L'application d'un colorant permet d'observer la qualité de la pulvérisation.
« La qualité de pulvérisation peut être optimisée »
« Globalement, la technologie des drones est assez mature en termes de maîtrise de trajectoire, de vitesse », estime Xavier Delpuech, ingénieur agronome à l'IFV.

« La qualité de pulvérisation peut être optimisée »

TROIS QUESTIONS À / Xavier Delpuech, ingénieur agronome responsable de projets en lien avec la pulvérisation à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV).

Dans quel cadre s’inscrivent les expérimentations d’épandage par drone ?

Xavier Delpuech : « Si l’épandage par voie aérienne reste strictement interdit en France – ce qui vaut aussi pour les drones – la loi Egalim donne la possibilité d’expérimenter de manière dérogatoire, sur une période de trois ans, cette technologie. Les essais d’épandage par drone sont cependant réservés aux vignobles de forte pente (plus de 30 %) et exclusivement avec des produits bio ou sur des exploitations certifiées haute valeur environnementale (HVE). L’IFV, en lien avec le CTIFL et l’Institut technique tropical, mène ainsi des essais sur des vignes d’Alsace, du Beaujolais et de l’Ardèche, en lien avec la Chambre d’agriculture. En parallèle, nous avons un banc d’essai à Montpellier sur vigne artificielle en plaine, mais uniquement avec un colorant alimentaire dans le but de faire des mesures. L’objectif est avant tout d’obtenir des données qui nous permettent de qualifier le niveau de dérive et la qualité de la pulvérisation par drone, avec la perspective éventuelle d’une autorisation si les essais s’avéraient concluants. »

Quels sont les avantages potentiels de l’épandage par drone ?

X.D. : « Les drones font partie des engins aériens, mais sont bien plus petits, volent plus bas et brassent beaucoup moins d’air que d’autres comme les hélicoptères. Potentiellement, le risque de dérive est donc plus limité. Les premiers résultats de nos essais sont encore à conforter, mais globalement, la technologie des drones est assez mature en termes de maîtrise de trajectoire, de vitesse. Nous bénéficions aussi de l’expérience de certains pays où cette technique est autorisée. »

Quels sont les points à améliorer ?

X.D. : « La qualité de pulvérisation peut encore être optimisée. Il y a aussi des risques de dérive en cas de vent. On manque encore de recul, et nous travaillons sur certains points à améliorer : le choix des buses utilisées par exemple – et notamment les buses anti-dérive – mais également la combinaison des paramètres de vitesse et d’altitude pour améliorer la qualité de pulvérisation. Autre limite : les drones ne peuvent transporter que de petits volumes de traitements (10 à 15 l). Les perspectives sont toutefois intéressantes. On pourrait aussi envisager une utilisation de drones pour l’application de fertilisants ou de produits de biocontrôle. »

Propos recueillis par M.C.

Olivier Clape et Sébastien Michelas, membres du groupe Dephy viticulture des côtes-du-rhône septentrionales, sont séduits par la technologie des drones.