Campagne 2023-2024
Le blé soumis aux aléas du climat et de la guerre

Les sept principaux pays exportateurs de blé sont partis pour moissonner 350 millions de tonnes de blé. Il ne faut pas s’attendre à ce que les États-Unis engrangent une récolte record compte tenu de l’état des cultures. L’Ukraine n’a semé que 4 millions d’hectares de blé d’hiver et dans l’hémisphère sud, El Niño est de retour.

Le blé soumis aux aléas du climat et de la guerre
La prochaine production de blé engrangée à partir de l'été prochain devrait s'inscrire à peine dans la moyenne des années précédentes. ©DR

Un faisceau d’indices laisse penser que la prochaine production de blé engrangée à partir de l’été prochain s’inscrira à peine dans la moyenne des années précédentes. Mais les opérateurs ne perçoivent pas encore le phénomène car la campagne 2022-2023 s’achève dans l’abondance. « D’ici la fin du mois de juin, près de 83 millions de tonnes (Mt) de blé doivent encore être exportées » a analysé Nathan Cordier, expert des marchés agricoles d’Agritel lors du Paris Grain Conférence qui s’est tenue fin janvier. Par ailleurs, les sept principaux pays exportateurs de blé clôtureront leur campagne avec 64 Mt de grains en stock, en hausse de 4-5 Mt sur un an. Cependant, 43 Mt seraient réellement mobilisables à l’export puisque la Russie en détiendra 21 Mt environ. Or sa stratégie d’exportation est souvent imprévisible. Toutefois, les niveaux atteints par les prix des grains, équivalents à ceux d’avant-guerre en Ukraine, montrent que les marchés céréaliers ont retrouvé un certain équilibre signant en quelque sorte un retour aux fondamentaux.

Pas de débouchés rémunérateurs 

La faible récolte de blé en Argentine est quasiment passée inaperçue et l’Ukraine parvient dorénavant à exporter jusqu’à 5 Mt de grains par mois (céréales et oléoprotéagineux confondus). Mais cet hiver, l’état des cultures du blé aux Etats-Unis, au Kansas en particulier, est très mauvais. Il ne laisse aucun espoir d’amélioration dans les semaines à venir. Aussi, l’Institut statistique américain de l’Agriculture (USDA) anticipe une production de blé de 49,3 Mt. Selon Mark Jekanowski, président de cet institut, 14,8 millions d’hectares (Mha) de blé auraient été emblavés, soit 1,5 Mha de plus que l’an passé mais combien d’hectares seront récoltés l’été prochain ? 11 Mha ? 12 Mha ? En effet, l’an passé, seuls 9,2 Mha avaient été moissonnés sur les 13,2 Mha emblavés.
Par ailleurs, l’Ukraine n’est pas en mesure de produire plus 15 Mt de blé sur les 4 Mha emblavés (7,4 Mha en 2021). En récoltant jusqu’à 10 Mt de blé en moins, la priorité du pays sera d’abord de produire pour approvisionner son marché intérieur. « Faute de moyens financiers et de débouchés rémunérateurs, les agriculteurs ukrainiens pourraient renoncer à ne cultiver qu’une partie de leurs terres et à ne récolter que 53 Mt de céréales et d’oléo-protéagineux », a indiqué Nikolai Gorbachev, directeur de Soufflet Négoce en Ukraine. Or en 2021, l’Ukraine avait engrangé 106 Mt et en avait exporté près de 54 Mt.

Les prix resteront élevés

En Amérique du Sud, le retour de l’El Niño augure une meilleure récolte de blé en Argentine, mais par effet de balancier, ravive les craintes d’une production en net repli en Australie (26 Mt ; -10 Mt sur un an), surtout si les agriculteurs renoncent à cultiver une partie de leurs terres compte tenu du prix des intrants. La Russie dit être en mesure de produire 85 Mt de blé l’été prochain et l’Trial européenne est partie pour produire 129 Mt de blé tendre et 7 Mt de blé dur. En vingt ans, les exportations de blé ont doublé, passant de 100 Mt par an à près de 200 Mt. Les prix resteront relativement élevés, comparés à leurs niveaux d’avant Covid, car les pays exportateurs puisent dans leurs stocks, au-delà du raisonnable, une partie des quantités de blé qu’ils commercialisent. Le prolongement du corridor de la mer Noire, dont le terme arrivera le 19 mars, est l’épée de Damoclès des marchés céréaliers.

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