PORTRAIT
Éleveur-berger : il garde son troupeau toute l’année

Mylène Coste
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Toute l’année Guilhem Dangel s’occupe de la ferme du Pisadou, qu’il dirige avec sa compagne, Alizée Bernard. L’été venu, l’éleveur part en estive avec ses 300 brebis et des centaines d'autres lui sont confiées.

Éleveur-berger : il garde son troupeau toute l’année
Au Gaec du Pisadou, à Vals-les-Bains, Alizée Bernard et Guilhem Dangel élèvent un troupeau de brebis, de vaches et produisent des châtaignes.

Été comme hiver, Guilhem Dangel ne quitte pas ses brebis d’un onglon. « En étant éleveur-berger, on est avec notre troupeau pendant les 12 mois de l'année », confirme-t-il. Il garde ses bêtes autour de sa ferme dans les sous-bois de Vals-les-Bains, mais aussi en estive sur le Mont-Lozère. Trois mois durant lesquels sa compagne, avec qui il est associé, reste sur la ferme pour s’occuper des quelques vaches et des béliers. « Je monterais régulièrement avec les enfants », promet-elle.

En attendant, l’heure est aux préparatifs. Dans quelques jours, Guilhem, Alizée et leurs deux enfants Jules et Cléa, âgés de 6 et 8 ans, vont partir avec leur 330 brebis pour rejoindre l’estive à pied. Pont-de-Labeaume, Jaujac, Loubaresse, Montselgues, Sainte-Marguerite-Lafigère, Villefort… Quatre jours de marche - accompagnés d’une escorte motorisée pour transporter les affaires - et trois nuits de bivouac avant d’atteindre le Mas de la Barque, à 1 400 mètres d’altitude.

Une autonomie alimentaire 

Pour Guilhem, qui est issu d’une famille d’agriculteurs et d’éleveurs, la transhumance à pied a, évidemment, un caractère traditionnel, mais ce n’est pas la seule raison qui le pousse à marcher plusieurs jours avec ses bêtes. « C’est bien moins coûteux et ça permet aux brebis de s’habituer tout doucement à monter en altitude », explique-t-il.

Armé de son bâton, l’éleveur pousse un long cri, à la fois aigu et doux, que les animaux reconnaissent instantanément. Les brebis regardent leur berger, avant de commencer à avancer en rangs, escortées par un jeune Border collie. C’est l’un des rares jours dans l’année où les brebis peuvent pâturer sur une prairie de la ferme. Car sur les quelques 100 hectares exploités, « il n’y a pratiquement que du parcours », explique Guilhem. Des bois que ces Raïoles (races rustiques des Cévennes) savent valoriser. C’est d’ailleurs presque exclusivement grâce à l’herbe et aux pâturages que sont nourries les brebis de Guilhem et Alizée. Seule exception, la période d’agnelage, où 10 tonnes de grain sont achetées par les éleveurs, pour les mères et les agneaux qui restent à la bergerie.

Et cette année, les brebis de Guilhem ont eu droit à leur cadeau de Noël ! Pour la première fois, l’éleveur a amené son troupeau en hivernage sur les contreforts du Coiron. Ravies de quitter leur garrigue pauvre en nourriture en cette saison, les brebis ont pu se repaître d’une herbe riche qui était jusque-là inutilisée. Pendant tout l’hiver, Guilhem et deux autres éleveurs se sont relayés pour garder leur trois troupeaux sur ces terrains, entre Vesseaux, Saint-Laurent-sous-Coiron et Saint-Privat. À peine de retour depuis trois mois que déjà Guilhem et ses brebis sont prêts à repartir !

« On n’a pas le droit à l’erreur »

Comme chaque été depuis sept ans, Guilhem va troquer sa casquette d’éleveur pour celle de berger. Une fois sur le Mont Lozère, il accueillera 700 brebis, venues de trois troupeaux différents. Un millier de bêtes, au total, avec qui il passera toutes ses journées, qu’il vente ou qu’il pleuve.  

S’il a fait ce choix, par envie plus que par besoin, il reconnaît qu’il s’agit d’une lourde tâche. « Quand on a des brebis en pension, on n’a pas le droit à l’erreur », confie-t-il. Ses journées sont alors rythmées par les soins aux animaux, le matin dès le réveil, par de la marche, de la garde, des temps de chaume où il en profite pour ramasser le fumier... En tant que berger, il faut aussi être attentif au sol pour conserver les prairies d’une année sur l’autre. « Avec le changement climatique, on voit que certaines herbes reviennent moins », observe le berger. Dans ce contexte, il faut parfois faire le choix de limiter le temps de pâturage dans certaines zones. 

Et évidemment, la question du loup le taraude : « L’année dernière, mon voisin d’estive, à 6 km de là, a eu 17 attaques dans la saison… On a été épargné mais on sait qu’un jour ça nous arrivera aussi ». Si Guilhem n’a pas fait le choix de se faire accompagner par un chien de protection, il regroupera chaque nuit les brebis autour de la cabane et devrait parfois être aidé d’un second berger pour la garde. « Les jours qui me font le plus peur, c’est lorsqu’il y a du brouillard, témoigne-t-il. Avec un temps comme ça, on ne peut jamais voir tout le troupeau... »

Pauline De Deus