GESTION DES RISQUES
Y aura-t-il une rupture dans les dispositifs d'indemnisation ?

L.M.
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GESTION DES RISQUES / La consultation sur la gestion des risques lancée en juin 2019 par le ministère de l’Agriculture touche à sa fin. Le groupe de travail « sur la sensibilisation et la protection des exploitations » face aux aléas climatiques a rendu sa copie définitive le 23 juin. Un deuxième groupe a planché sur l’articulation entre assurance et régime des calamités agricoles et un troisième, sur l’arboriculture. Les parties prenantes privilégient le développement de l’assurance pour l’indemnisation des pertes de récolte tandis que le régime des calamités agricoles n’interviendrait que pour les pertes de fonds. En arboriculture, toutefois, le débat n’est pas tranché.

Y aura-t-il une rupture dans les dispositifs d'indemnisation ?
Pour les prairies, l’un des groupes de travail sur la gestion des risques demande de « basculer à terme (...) sur l’assurance comme unique outil subventionné de mutualisation du risque » et préconise pour cela une « phase transitoire ».

À défaut d’une feuille de route avant l’été, la profession agricole devrait y voir un peu plus clair dans le projet de réforme de gestion des risques climatiques d’ici la mi-juillet. Trois groupes de travail composés de représentants des syndicats, des assurances et des pouvoirs publics planchent depuis novembre pour faire des recommandations au ministère de l’Agriculture. Le premier, sur la sensibilisation, la pédagogie et la prévention des risques, a rendu ses conclusions définitives le 23 juin. Il préconise d’instaurer un accompagnement stratégique des exploitations pour analyser les coûts et les bénéficies des moyens de protection. Il recommande aussi d’inciter sans contraindre et de rénover en long et en large les programmes de formation.

MRC améliorée pour les pertes de récolte

Le deuxième groupe de travail, sur l’articulation entre assurance multirisque climatique (MRC) et régime des calamités agricoles recommandait, dans un projet de synthèse mi-juin, de développer l’assurance subventionnée pour les pertes de récolte par groupe de cultures et de n’avoir recours au dispositif des calamités agricoles que pour les pertes de fonds. Avec un bémol, néanmoins, pour le secteur arboricole. Concernant les pertes de récoltes, ce groupe semble plutôt satisfait de l’assurance multirisque climatique (MRC) en viticulture, grandes cultures et légumes d’industrie. Il souhaite développer la MRC pour ces productions, en l’améliorant via une douzaine de mesures. Parmi celles-ci : préférer la souscription d’un contrat assurantiel par groupe de cultures tout en informant davantage sur la possibilité de s’assurer à l’échelle de l’exploitation ; prévoir un seul niveau de garantie subventionnable au lieu de deux ; aligner le seuil de déclenchement et la franchise ; adosser le prix de l’assurance à un barème unique par culture ; ou encore allonger la durée de la moyenne olympique dans le cadre de la prochaine Pac.

Phase transitoire pour les prairies

Même chose pour les prairies où l’on se dirige vers un développement de l’assurance, même si la situation pour ce groupe de cultures est plus complexe. En effet, le groupe de travail pointe du doigt une « concurrence » entre la MRC (financée par les crédits de la Pac) et le régime des calamités agricoles (financé par le FNGRA), notamment pour les pertes de récolte situées entre 30 et 45 %. C’est pourquoi il demande de « basculer à terme (...) sur l’assurance comme unique outil subventionné de mutualisation du risque » et préconise une « phase transitoire » où coexisterait la MRC et un régime des calamités « profondément remanié », et ce « dès la gestion des dossiers sécheresse de la campagne 2020 », précise le projet de synthèse. Et de poursuivre que pour obtenir un régime des calamités remanié, il faut affiner le calcul des pertes de fourrage à l’échelle de la commune et opérer une « révision des paramètres d’indemnisation à l’échelle individuelle ». Concernant les pertes de fonds, pour les quatre groupes de cultures (viticulture, grandes cultures, légumes d’industrie et prairies), le dispositif des calamités agricoles « conserve (...) toute sa pertinence ».

Dispositif de type CAT pour l’arbo

Dans le troisième groupe de travail sur l’arboriculture, l’enjeu est de taille pour la filière : seulement 2,5 % des surfaces arboricoles étaient assurées en 2019 (contre 31,8 % en grandes cultures ; 32,9 % en viticulture), selon les données provisoires du ministère de l’Agriculture. Au-delà du coût très élevé de l’assurance, l’arboriculture se caractérise par des pertes de récolte « élevées » tous les dix ans environ ; des aléas climatiques dont l’impact sur verger se mesure sur plusieurs années ; des capitaux à l’hectare très importants et une concentration des zones de production qui rend plus difficile la mutualisation des risques. D’après le projet de synthèse rédigé par la FNPF (producteurs de fruits, FNSEA) et la FFA (assurances), le groupe de travail est favorable à la création d’un dispositif spécifique pour l’indemnisation de pertes élevées (+ de 50 % de pertes), de type CAT, qui existent aux États-Unis, où la franchise s’aligne sur le seuil de déclenchement. Les membres du groupe souhaitent « approfondir » cette « piste » avec pour objectif de trouver une solution à « très faible » coût, pour que les arboriculteurs y adhèrent en masse. Deux scénarios sont envisagés : créer un outil assurantiel subventionné au-delà du seuil maximal actuel autorisé de 70 %, ou s’appuyer sur un FNGRA rénové. Si cette deuxième possibilité est retenue, il faudra harmoniser les méthodes de calcul et d’expertise entre assurance et FNGRA, signale le projet.

Investissements en protection

Pour les risques climatiques provoquant 20 à 50 % de pertes, il faut « un dispositif d’assurance privé, permettant le rachat de franchise, qui reste subventionné », poursuit le groupe arboriculture. Il préconise aussi d’améliorer la MRC en allongeant la durée moyenne olympique « sur un nombre d’années pair du fait du phénomène de l’alternance des rendements », d’assouplir les conditions de périmètre obligatoire à assurer, et de tenir compte des frais non engagés (ex : frais de taille ou de récolte après destruction). Quant aux pertes de récolte inférieures à 20 %, elles doivent être évitées grâce à l’investissement renforcé et aidé dans des moyens de protection et prévention, estime le groupe de travail. Vu le « coût » des équipements et les « problèmes de trésorerie » des exploitants, il recommande d’assouplir les plafonds autorisés et de généraliser les soutiens à l’investissement « qui ne sont pas présents dans toutes les régions ». Il recommande aussi de faire certifier les moyens de protection véritablement efficaces, et d’accompagner les arboriculteurs afin qu’ils choisissent les outils les plus « pertinents ».

L.M.

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DÉFINITION / Les calamités agricoles

Le régime des calamités agricoles est financé par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Il permet d’indemniser les agriculteurs qui ont subi une perte de récolte (baisse quantitative de production) ou une perte de fonds (destruction ou dégradation de l’outil de production) suite à des aléas climatiques. Au sens du code rural et de la pêche maritime (CRPM), seuls les risques considérés comme non assurables peuvent faire l’objet d’une indemnisation. « Les calamités agricoles sont les dommages résultant de risques, autres que ceux considérés comme assurables dans les conditions prévues au troisième alinéa, d’importance exceptionnelle dus à des variations anormales d’intensité d’un agent naturel climatique, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l’agriculture, compte tenu des modes de production considérés, n’ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants », détaille l’article L361-5 du CRPM. Ainsi, complète le ministère de l’Agriculture, « à titre d’exemple, sont exclus de l’indemnisation les pertes de récolte causées par l’ensemble des risques climatiques sur céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles et vignes, ainsi que les pertes de récolte causées par la grêle (hors fourrages). Ces exclusions ne s’appliquent pas aux pertes de fonds ».

Pour prétendre à une indemnisation au titre des calamités agricoles, les agriculteurs ayant subi un aléa doivent faire état de dégradations dépassant certains seuils : au moins 30 % de pertes pour la production sinistrée et au moins 13 % de perte par rapport au produit brut théorique de l’exploitation. Les ressources du FNGRA sont fixées par l’article L361-2 du CRPM. Elles comprennent en premier lieu, « une contribution additionnelle aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d’assurance couvrant, à titre exclusif ou principal, d’une part, les dommages aux bâtiments et au cheptel mort affectés aux exploitations agricoles et, d’autre part, les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules utilitaires affectés aux exploitations agricoles ». Depuis la loi de finances pour 2016, cette contribution additionnelle est de 5,5 % sur la totalité des primes ou cotisations versées. Viennent compléter le financement du FNGRA, « une contribution additionnelle particulière applicable aux exploitations conchylicoles » ainsi qu’une subvention inscrite au budget de l’État.

S.D. (sources : ministère de l’Agriculture ; CRPM)

SOLIDARITÉ / Le FMSE

En 2013 a été créé le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnemental ou FMSE. Ce dispositif a été permis par la Commission européenne, afin d’indemniser les pertes subies par les agriculteurs lors des crises sanitaires ou des accidents environnementaux (exemple : l’incendie de l’usine Lubrizol en 2019). Le FMSE est alimenté par des cotisations prélevées par la MSA auprès des exploitants agricoles et par le soutien public (Feader et FNGRA). Après quelques années d’existence, le FMSE compte près de douze sections spécialisées « qui ont pu indemniser plus de 18 000 agriculteurs touchés par des incidents sanitaires, grâce aux cotisations de leurs adhérents et aussi à celles de tous les agriculteurs affiliés ».

Plus d’informations : http://www.fmse.fr/