Egalim
Des négociations commerciales toujours sous tension

Si les négociations commerciales semblent avoir assez bien avancé au cours de l’été, le compte n’y est toujours pas, aussi bien pour les agriculteurs que pour les transformateurs/industriels.

Des négociations commerciales toujours sous tension

A en croire l’entourage du ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, il semble toujours très difficile de trouver un terrain d’entente au sein de la chaîne agroalimentaire. Même si la plupart des neuf enseignes de la grande distribution « jouent le jeu » confie un conseiller, certaines paraissent plus récalcitrantes que d’autres à vouloir appliquer la loi Egalim 2 et par conséquent à construire le prix en marche avant.

Si les négociations semblent avoir assez bien avancé au cours de l’été, le compte n’y est toujours pas, aussi bien pour les agriculteurs que pour les transformateurs/industriels. A la fin des négociations commerciales le 1er mars dernier, une hausse des prix de + 3,5 % avait été actée. La guerre en Ukraine est venue rebattre les cartes économiques et le 18 mars, une première réunion exceptionnelle s’était tenue pour ajuster les demandes des uns et des autres et obtenir une hausse supplémentaire.

Après quelques mois d’âpres discussions qui tenaient plus du « blocage », selon les termes d’un conseiller, les demandes d’augmentation des prix ont varié « autour de 12-13 %, en fonction des productions et des outils industriels ». « Mais les transformateurs n’ont obtenu finalement qu’entre 6 et 7 % », explique un proche du ministre.

« Un danger »

Au ministère on ne cache d’ailleurs pas que les enseignes ont fait trainer les négociations avec l’aval. Au point qu’aujourd’hui, il existe « un danger pour les industries et leurs fournisseurs ». Un conseiller cite l’exemple du lait, dont les prix rémunérés aux producteurs sont de 50 € / tonne et parfois 100 € / tonne inférieurs aux pratiques européennes. Sur cette production « on est à un tournant », explique-t-il, appelant les distributeurs à « passer les hausses nécessaires et ainsi assurer la pérennité du secteur laitier français ». Car à terme, les grandes enseignes pourraient être contraintes d’acheter du lait étranger, sous-entendu à des normes différentes et des prix plus élevés… Citant la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert et abondant dans son sens, un proche de Marc Fesneau rappelle que 100 euros de plus pour une tonne de lait ne fait au bout du compte et en bout de chaîne que 8 centimes de plus pour un ménage.

« Chiffres incroyables »

Le gouvernement, qui paraît démuni pour contrer l’appétit de la grande distribution, se désole des pénalités logistiques appliquées « quasi systématiquement » aux entreprises, petites ou grandes. Le panel s’étale d’environ quelques milliers d’euros à plusieurs dizaines de millions d’euros pour certains grands groupes. « Ce sont des chiffres incroyables », lâche ce conseiller qui voit ici « le moyen pour les enseignes de se refaire une santé financière sur le dos des fournisseurs ». Un procédé d’autant plus facile que la loi Egalim 2 ne prévoit pas de moratoire sur ces pénalités.

Au ministère de l’Agriculture, on estime cependant avoir assez bien agi et su préserver l’essentiel sinon « les producteurs auraient été écrasés ». Reste que l’inquiétude est réelle. Au cours de la 19e réunion qui s’est tenue le 1er septembre, Marc Fesneau a insisté sur le risque de « rupture de confiance » et a demandé aux GMS de prendre leurs responsabilités sinon « on va vers des drames humains ». « Surtout on ne recréera pas de valeurs dans l’agriculture et l’industrie alimentaire si on continue d’affaiblir les maillons de la chaîne ».

« Il est plus qu'urgent d'appliquer la loi EGalim 2 dans son intégralité ! », ont indiqué la FNSEA et JA dans un communiqué commun du 2 septembre. Dénonçant « le cynisme de certains distributeurs », les deux syndicats agricoles mettent en avant les hausses de coût de production que les agriculteurs enregistrent dans leurs exploitations. Leur « prise en compte (…) est une urgence vitale pour les producteurs. ». Craignant des ruptures de stocks sur certains produits, la FNSEA et JA appellent les parties prenantes à prendre leurs responsabilités et demandent au gouvernement d’appliquer des « sanctions dissuasives » envers les enseignes récalcitrantes.

Christophe Soulard