NÉCROLOGIE

Pierre Rabhi, chantre de l’agroécologie, est mort

Il était l’une des figures de l’écologie en France. Il appelait à une « insurrection des consciences » pour placer la nature au cœur des préoccupations et défendait, dès les années 1960, une agriculture intégrant la gestion raisonnée de l’eau, le reboisement ou la préservation de la biodiversité. Pionnier de l’agroécologie, figure populaire auteur d’une vingtaine d’ouvrages, Pierre Rabhi est mort à Lyon le samedi 4 décembre 2021 des suites d’une hémorragie cérébrale. Il avait 83 ans.

Né à Kenadsa dans le désert algérien, l’écrivain et conférencier vivait dans le Sud de l’Ardèche, à Berrias-et-Casteljau, depuis une cinquantaine d’années. En 1994, il avait installé son association Terre et Humanisme dans la commune voisine de Lablachère. Par l’intermédiaire de cette structure et d’un fond de dotation créée en 2013, celui qui fut employé de banque en Algérie et ouvrier en région parisienne avant de devenir agriculteur soutenait les initiatives en faveur de l’agroécologie à travers le monde, en France, en Afrique de l’Ouest et au Maghreb notamment.

A travers la revalorisation des ressources naturelles et locales et la lutte contre la désertification, il défendait l’autonomie et la sécurité alimentaire des populations et présentait le paysan comme celui qui « exerce l’activité la plus essentielle à la survie de tous et qui est pourtant banalisé, ignoré, pour ne pas dire méprisé par une société et une culture "hors-sol" imbue d’elle-même et ignorante des fondements de la vie à laquelle elle doit sa pérennité ».

Projets en Ardèche, dans le Gard et la Drôme

L’auteur de « Vers la sobriété heureuse » (Actes Sud, 2010), vendu à plus de 460 000 exemplaires, avait également fondé en 2007 le mouvement citoyen Colibris, qui accompagne des personnes qui font le choix de s’engager dans un mode de vie tourné vers l’échange de biens, l’écoconstruction, la sobriété énergétique ou la transmission des savoir-faire. Représentant d’une écologie fondée sur le consensus au même titre que Nicolas Hulot, avec qui il avait régulièrement échangé et écrit, il a été fait chevalier de la légion d’honneur en 2017.

Localement, Pierre Rabhi a participé à la création en 2003 du Centre agroécologique des Amanins, un site de 55 hectares qui est à la fois une ferme agroécologique et un lieu d’éducation et d’accueil (stages, vacances, séminaires...) situé à la La Roche-sur-Grane dans la Drôme. Celui qui plaçait la spiritualité au cœur de sa pratique et qui s’est converti au christianisme dans sa jeunesse avait également contribué au renouveau du Monastère de Solan, lieu de prière et de vie dédié au travail agricole (viticulture, arboriculture, forêt) à proximité d’Uzès, dans le Gard. En Ardèche, le Mas de Beaulieu, situé à Lablachère, accueille des stagiaires et volontaires souhaitant se former à l'agroécologie suivant les préceptes de Pierre Rabhi.

« Le colibri a rejoint les étoiles »

De nombreuses personnalités ont rendu hommage à ce père de cinq enfants, apprécié du grand public mais parfois critiqué pour ses idées conservatrices. Mathieu Darnaud, sénateur de l’Ardèche, est notamment revenu sur les réseaux sociaux sur sa rencontre avec Pierre Rabhi sur le tournage d’une émission télévisée, il y a trois ans : « Je retiendrai de cette rencontre inédite, un attachement partagé à la terre mais également l’impérieuse nécessité de réfléchir à la question du foncier en prenant soin de différencier une approche urbaine et rurale. Des sujets qui sont plus que jamais au cœur de l’actualité. De sa philosophie illustrée par le colibri, je retiendrai que chacun doit faire sa part pour que l’œuvre collective nous permette de relever les défis souvent colossaux qui sont devant nous. Hier, le colibri a rejoint les étoiles… »