VITICULTURE
Plein feu sur la biodiversité au Domaine Michelas St Jemms

Mylène Coste
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VITICULTURE / Depuis 2017, le Domaine Michelas-St Jemms tente de recréer une biodiversité sur 1 hectare à proximité des vignes. Les premiers résultats se font déjà sentir.

Plein feu sur la biodiversité au Domaine Michelas St Jemms
Sébastien Michelas a implanté des ruches en 2019 dans sa parcelle de biodiversité.

Il y songeait depuis plusieurs années… et a sauté le pas en 2017 ! Sébastien Michelas, du Domaine Michelas St Jemms (Mercurol), s’est attelé à favoriser la biodiversité à proximité des vignes. « Ces dernières décennies, le remplacement progressif des vergers par la vigne a conduit à un appauvrissement et une uniformisation des paysages, sur l’aire de Crozes-Hermitage. ».

Créer un refuge pour les animaux

Le vigneron a profité d’un hectare de terrain jusqu’alors délaissé pour mettre en place son « laboratoire de biodiversité », comme il aime à le définir. « J’ai été accompagné dans ma démarche par la fédération départementale des chasseurs, dans le cadre d’un contrat en faveur de la biodiversité : un technicien m’a aiguillé sur les améliorations que je pouvais réaliser, le choix des espèces. » Dès 2017, Sébastien Michelas implante ainsi 700 arbres et arbustes. Soit une haie gourmande (framboisiers, groseillers, bourdaines, cassissiers, cornouillers, aubépines, viornes lantane, troènes des bois), « qui toutefois a du mal à tenir le coup face au manque d’eau et aux fortes chaleurs », indique le vigneron. Mais également une haie épineuse (églantiers, argousiers, épines du Christ) et une haie forestière, qui constituent autant de lieux de refuge que de réserves de nourriture pour les animaux.

Entre deux parcelles de vignes, un corridor a été mis en place avec une bande de sainfoin. Le couvert végétal est broyé chaque année, apportant de la matière organique au sol dont il conserve l’humidité. « C’est une espèce mellifère, idéale pour le butinage des abeilles, puisque j’ai également implanté des ruches l’an dernier. Elles m’ont déjà donné deux récoltes de 200 kg de miel ! » Ce corridor favorise également le déplacement des auxiliaires vers les parcelles.

Le retour des oiseaux dans les vignes

60 nichoirs à mésanges et 30 pour les chauves-souris ont également été installés, à proximité mais également au sein-même des vignes. « L’idée est d’attirer ces espèces qui sont des prédateurs aux insectes ravageurs, comme la tordeuse de la vigne, indique Sébastien Michelas. On voit déjà de nombreux oiseaux refaire leur apparition dans les vignes, mais également des papillons. »

Engagé dans la réduction des intrants, le Domaine Michelas réalise le désherbage des vignes manuellement et a supprimé les insecticides. Les effluents viticoles et vinicoles sont également traités. « La parcelle de biodiversité est entretenue une fois par an, et l’ensemble du bois de taille est laissé au sol, servant ainsi de refuge aux serpents ou aux hérissons », souligne Sébastien Michelas. Le vigneron ne compte pas s’arrêter là : « J’envisage d’implanter une mare pour attirer des grenouilles et pourquoi pas des canards ! »

Des résultats difficilement quantifiables, mais réels

Pour Sébastien Michelas, chercher un effet direct sur la vigne est une erreur : « On ne peut pas mesurer les résultats sur la production viticole, mais la création de biodiversité ne peut avoir qu’un effet positif dans les vignes ! S’engager dans cette démarche, c’est avant tout penser aux générations futures et à l’héritage qu’on veut laisser ».

Autre intérêt : « À l’heure où les agriculteurs sont parfois critiqués sur le volet environnemental, il est important de montrer aux consommateurs qu’on prend les devants, qu’on évolue, et que notre activité peut être favorable à la biodiversité ». Il accueille d’ailleurs de nombreux visiteurs sur sa parcelle « laboratoire ».

« Les vignerons ont tout intérêt à s’engager dans ce genre de démarche, affiche Sébastien Michelas. Le mot biodiversité peut faire peur, mais il n’est pas nécessaire de planter de gros arbres pour favoriser le retour d’une diversité florale et animale : une haie épineuse, un muret en pierre sèche sont déjà de formidables outils. » À bon entendeur !

Mylène Coste

Nichoirs à oiseaux, arbres et arbustes ont été implantés afin de favoriser la biodiversité à proximité des vignes :

CARTE D'IDENTITÉ / Domaine Michelas St Jemms : le vin en héritage !
La fratrie Michelas.

CARTE D'IDENTITÉ / Domaine Michelas St Jemms : le vin en héritage !

Le Domaine Michelas St Jemms a été créé en 1961... et a connu bien des évolutions depuis !

Il y a les trois sœurs : Sylvie, Florence et Corine. Et puis il y a le petit dernier : Sébastien, le benjamin de la famille. Tous les quatre se partagent aujourd’hui les rennes du Domaine Michelas Saint Jemms, qui compte aujourd’hui 52 ha de vigne et une diversité de terroirs ! Soit 42 ha en appellation Crozes-Hermitage, 4 ha en Saint-Joseph, 1,80 ha en Cornas, 3000 m2 en Hermitage et 2,5 ha en vins de pays.

Mais pour connaître le début de l’histoire, il faut remonter plus loin ! Dès 1961, Robert et Yvette Michelas donnent naissance au Domaine, qui compte alors essentiellement des vergers, des céréales, du maraîchage et quelques bovins… Mais également quelques vignes ! D’abord coopérateur à la Cave de Tain, Robert Michelas vinifie et commercialise pour la première fois son vin lui-même en 1972. Le début d’une longue histoire d’amour avec la vigne ! Quatre ans plus tard, il décide d’arrêter définitivement l’élevage bovin et dès 1982, acquiert de nouvelles parcelles en Hermitage mais également en location en Saint-Joseph. L’élan se poursuit avec l’achat de terres en Cornas dès 1985.

L’innovation dans le respect de la tradition

En 1988, le Domaine écrit une nouvelle page de son histoire : Sylvie, Florence, Corine prennent la relève. L’exploitation prend un nouveau tournant en 2000 avec l’installation du cadet de la famille, Sébastien. Les derniers vergers de cerises, abricots, pêches et poires sont remplacés par de la vigne. Le Domaine passera progressivement de 45 ha à 52 ha 100 % viticoles actuellement.

Le Domaine St Jemms, c’est aussi de l’engagement au service de la profession viticole. Sylvie Michelas est présidente de la Fédération des Vignerons indépendants de la Drôme, tandis que le Domaine est engagé dans le réseau dephy des côtes-du-rhône septentrionales coordonné par la Chambre d’agriculture de l’Ardèche. Un engagement qui se traduit également dans les pratiques : le Domaine est certifié Haute valeur environnementale (HVE) depuis 2013, et devrait bientôt obtenir Le label Agriculture biologique (AB).

Un corridor de biodiversité a été mis en place, avec un couvert végétal de sainfoin. En fond, la parcelle de biodiversité :

Un corridor de biodiversité a été mis en place, avec un couvert végétal de sainfoin. En fond, la parcelle de biodiversité :
Un corridor de biodiversité a été mis en place, avec un couvert végétal de sainfoin.