Réunis au Sommet de l’élevage, Pascal Le Brun, président de La Coopération laitière et du Cniel et Sébastien Courtois, président de La Coopération laitière Auvergne-Rhône-Alpes et de la coopérative Sodiaal pour la région Sud-Est, ont dressé le bilan de la filière laitière.
Comment se portent la collecte et la consommation de lait français à l’échelon national et régional ?
Pascal Le Brun : « Au niveau national, certains signaux restent encourageants. Par rapport à l’année dernière, la collecte a rebondi de 0,6 % et la consommation de produits laitiers tous confondus résiste avec + 0,7 %. Les consommateurs se sont détournés de certains produits bio et AOP, au profit des marques distributeurs et premiers prix qui proposent des tarifs plus abordables. Les produits de qualité et leurs producteurs constituent pourtant des acteurs importants de nos territoires. Redorer leur image est donc primordial. En réalité, les consommateurs ne boudent pas les produits laitiers, puisque la crème et l’ultra-frais restent des produits phares et accessibles. Ils se détournent surtout des produits sous signe de qualité et plus chers. Parallèlement, il ne faut pas oublier que la consommation laitière progresse d’année en année dans le monde et que la France exporte 4 litres de lait sur 10. »
Sébastien Courtois : « La région Auvergne-Rhône-Alpes est la 4e région productrice de lait en France. Elle est également reconnue pour l’excellence de ses produits de montagne et leurs AOP. Pour autant, même si la consommation des produits laitiers tient, les produits de qualité souffrent d’une consommation en baisse, au profit de produits de milieu de gamme. Hormis leur savoir-faire, les petites coopératives n’ont pas forcément de relais de valorisation. Il est pourtant essentiel de garder une production laitière sur notre territoire. Quant au bio, nous devons trouver un équilibre entre le décalage de la consommation et la production. »
Sur quels signaux positifs les éleveurs peuvent-ils compter ?
Pascal Le Brun : « Depuis deux ans, le prix du litre de lait a permis de retrouver de l’espoir, ainsi qu’une meilleure attractivité et rentabilité au sein des exploitations laitières. Nous savons également que le Premier ministre souhaite reprendre le projet de loi d’orientation et d’avenir agricoles (PLOA). Pour autant, de nombreuses incertitudes subsistent. Les conflits géopolitiques actuels entraînent des répercussions rapides sur notre contexte national et des interrogations demeurent également autour des mesures de rétorsion que la Chine va imposer à la France après son enquête sur les produits laitiers européens. Enfin, le contexte sanitaire lié aux maladies de la FCO et la MHE constituent des épées de Damoclès au-dessus de nos cheptels. »
Sébastien Courtois : « Le point positif, c’est que la production régionale reste dynamique. Nous avons des demandes de jeunes producteurs qui veulent devenir coopérateurs laitiers, ce qui est quelque chose de nouveau. Je confirme également que, depuis deux ans, nous connaissons une meilleure valorisation du prix de lait. La filière laitière amène de la valeur sur les exploitations. Il faut également souligner qu’en bio, notre région a connu moins de déconversions d’exploitations en 2024 par rapport à 2023. »
La loi Égalim peut-elle être une piste intéressante pour les produits AOP actuellement moins plébiscités par les consommateurs ?
Pascal Le Brun : « Depuis le 1er janvier 2022, les restaurants collectifs assurant un service public doivent proposer 50 % de produits de qualité et durables, dont au moins 20 % de produits biologiques. Certaines collectivités et régions jouent le jeu mieux que d’autres. Mais en restauration publique, des établissements font le choix du prix le plus bas malgré les aides de l’État. Lorsque des lois sont mises en place et que le consommateur n’est pas prêt à y répondre, nous arrivons face à un mur. »
Comment analysez-vous la réduction de la collecte de lait français annoncée par l’industriel Lactalis ?
Pascal Le Brun : « Ce que vient d’engager Lactalis est le signe que nous devons nous interroger sur la souveraineté alimentaire de la France. En 2027, elle risque de ne plus exister pour la filière laitière. Mais en tant que coopérative, notre devoir est d’aller collecter le producteur, peu importe là où il se trouve, puis de transformer et de valoriser le lait. Un opérateur privé peut dénoncer le contrat, tandis que le modèle coopératif correspond à un engagement de longue durée. Je tiens tout de même à préciser que la coopération laitière n’a pas vocation à ramasser tous les volumes que les industriels ne veulent plus collecter. Notre rôle est d’abord d’être compétitifs et de valoriser le lait de nos adhérents. »