SOCIAL
Regain, une main tendue face aux difficultés de la vie

Marine Martin
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En septembre dernier, le comité de pilotage du dispositif Regain Réagir, dédié à l’accompagnement des agriculteurs en situation de fragilité, s’est réuni pour dresser un bilan de l’année écoulée et évaluer les tendances pour 2024.

 

Regain, une main tendue face aux difficultés de la vie
En 2023, 7 travailleurs sociaux de la MSA et 2 conseillers de la chambre d'agriculture de l'Ardèche ont soutenu 408 personnes via le dispositif Regain. Ce nombre est légère hausse. ©MSA

Les agriculteurs peuvent être gravement affectés par des événements imprévus tels qu’une mauvaise récolte, une baisse d’activité, une crise sanitaire, ou encore des épreuves personnelles, les plaçant dans une situation de fragilité, tant sociale qu’économique. Souvent, les causes conduisant à une certaine vulnérabilité sont multifactorielles. « Dans la difficulté, il est plus difficile de prendre de bonnes décisions », relève Sylvain Balmelle, vice-président à la chambre d’agriculture de l’Ardèche, en charge du service entreprise. Le dispositif Regain-Réagir, qui existe depuis plus de 30 ans, est porté par la MSA pour l’accompagnement social et la chambre d’agriculture de l’Ardèche pour un accompagnement et un diagnostic sur les aspects techniques et économiques. Le dispositif, soutenu par le Département, en particulier pour les bénéficiaires du RSA, vise tous les agriculteurs en situation de vulnérabilité ainsi que les porteurs de projets, qu’ils soient ou non bénéficiaires du RSA ou de la prime d’activité. Le vice-président du Département, Matthieu Salel, était d’ailleurs présent lors du comité de pilotage pour soutenir la démarche. Par ailleurs, depuis plus de deux ans, la préfecture a mis en place des cellules pluridisciplinaires pour lutter contre le mal-être en agriculture, en collaboration étroite avec le dispositif Regain.

« Ne pas sombrer sur un repli sur soi »

Face aux difficultés, « il ne faut surtout pas rester seul et lutter contre l’isolement », martèle le président de la MSA Ardèche Drôme Loire, Henry Jouve. « Il est important d’échanger et de porter avec d’autres sa difficulté, de ne pas sombrer sur un repli sur soi. » Des solutions existent comme les sentinelles, ces bénévoles qui s’engagent par « humanisme » et sont formées à savoir « ce qu’il faut dire et ne surtout pas dire aux agriculteurs en situation de vulnérabilité ».

Si pour faire partie du dispositif, la démarche est volontaire et doit provenir de l’agriculteur en difficulté lui-même, certains organismes proches de leur vie quotidienne, tout comme le voisinage peuvent jouer un rôle de « sonneur d’alerte. Mais il faut avant tout avoir le feu vert de l’agriculteur », rappelle Sylvain Balmelle. Les soutiens proposés à travers ce dispositif, sont à la fois individuels et collectifs et visent à aider les agriculteurs à reconstruire un projet de vie ou professionnel.

Une prise en charge individuelle et collective

« Tout commence par un accompagnement individuel : une personne en difficulté reçoit la visite d’un travailleur social de la MSA ainsi qu’un technicien de la chambre, qui réalise un bilan technique et économique. Ensuite, pour des questions liées à la comptabilité ou à la déclaration Pac, par exemple, nous les accompagnons collectivement sur des points spécifiques. En ce qui concerne les problématiques économiques d’entreprises qui fonctionnent déjà, nous parvenons généralement à tout remettre en ordre, et l’activité repart », explique le vice-président de la chambre d’agriculture. « L’objectif est également de simplifier le processus en collaborant en binôme avec la MSA, en traitant un seul dossier social et/ou technico-économique, afin de mieux cibler la problématique », ajoute-t-il.

D’un autre côté, les accompagnements collectifs offrent un véritable bol d’air frais aux exploitants bénéficiant du dispositif, et se traduisent par des mesures concrètes, telles que le programme Avenir en soi, Action Vacances, ou encore, l’aide au répit, qui a permis d’accorder 122,5 jours en 2023 via le Service de Remplacement.

En 2023, 40 % des bénéficiaires du dispositif y sont restés un an, tandis que 25 % sont restés entre deux et trois ans, et 35 % y restent de quatre à cinq ans et plus. « Le dispositif fonctionne bien, car de nombreuses personnes en sortent. Ce ne sont pas des personnes en difficulté chronique », analyse Sylvain Balmelle. En 2023, 65 bénéficiaires ont quitté le dispositif. Malgré cela, le nombre de personnes suivies a augmenté, « en raison des difficultés rencontrées par le monde agricole ces dernières années, mais aussi parce que le dispositif est désormais mieux connu », justifie le vice-président.

Certaines productions davantage touchées

Si l’ensemble des productions des agriculteurs bénéficiaires du dispositif peuvent rencontrer des difficultés, en 2023, les principales productions concernées sont l’élevage et le maraîchage. D’après Sylvain Balmelle, représentant de la chambre d’agriculture participant au dispositif, ces difficultés ne sont pas uniquement liées aux exigences physiques du métier et aux contraintes associées, mais sont souvent d’ordre technique. Cela souligne également l’importance du soutien au réseau des Cuma, ces coopératives qui facilitent l’investissement collectif dans le matériel et les machines agricoles. Ajouté à cela, « l’accumulation des aléas climatiques, des crises sanitaires, comme la fièvre catarrhale ovine (FCO) et des problèmes persistants tels que la prédation, le monde de l’élevage et du pastoralisme est gravement menacé. L’enchaînement de ces difficultés, justifie d’autant plus ce dispositif pour réagir face à ces crises », ajoute Henry Jouve.

La FCO-8, crise majeure et sans précédent qui a frappé les éleveurs ardéchois à la fin de l’été, provoque déjà des conséquences « qui se feront sentir à long terme », s’inquiète Sylvain Balmelle. « Sur le plan économique, il faudra traiter chaque entreprise en difficulté au cas par cas, en cherchant à reporter les annuités selon les contrats et en mobilisant les différents partenaires pour trouver des solutions d’indemnisation et de reports de charges. » Le dispositif Regain, reste alors un maillon essentiel, d’autant plus en cette période de crise agricole. Il est crucial que le réseau de partenaires reste mobilisé pour assurer une détection précoce, tout en explorant d’autres opportunités pour soutenir ce service, à divers niveaux.

M.M.

REGAIN

Les chiffres clés pour 2023


Entre 2023 et le 30 juin 2024, 408 accompagnements ont été réalisés (dont 42 % âgés de 25 à 44 ans, 29 % âgés de 45 à 54 ans, 28 % âgés de 55 et plus et 1 % âgé de moins de 25 ans).
28 % des bénéficiaires perçoivent le RSA et la prime d’activité (PPA).
69 % des personnes accompagnées sont isolées.

En 2023, 65 bénéficiaires ont quitté le dispositif, principalement en raison de l’amélioration de leur situation, dont 46 sorties qualifiées de positives. La durée de l’accompagnement était d’un an pour 40 % des bénéficiaires. Parmi les 46 sorties positives, 16 ont été attribuées à une amélioration technico-économique de leur situation.