POMMES DE TERRE
La maison Vernet a la frite !

À Lemps, la maison Vernet s'agrandit. Un nouveau bâtiment est sorti de terre, le mois dernier, afin de stocker 650 tonnes de pommes de terre supplémentaires, notamment destinées à la transformation. Retour sur un développement fulgurant.

La maison Vernet a la frite !
Rémi Vernet accompagné de son épouse, Anne-Sophie, et de leur fille Aude.

C'est un exemple d'installation réussie... Depuis bientôt 10 ans, l'EARL Vernet à Lemps s'est lancée dans l'aventure de la transformation de pommes de terre. Âgé de 23 ans, Rémi Vernet cherche alors une activité pour rejoindre la ferme familiale. « J'avais envie de travailler un produit plus près du consommateur final », explique-t-il. En lisant la presse agricole, il tombe sur un reportage relatant la mise en place d'une ligne de transformation de pommes de terre en Normandie... Ni une, ni deux, Rémi et sa compagne Anne-Sophie saute dans la voiture pour aller voir de leurs propres yeux cette entreprise !

Un héritage familial

Il faut dire que la production de pommes de terre est historique dans la famille. En 1930, l'arrière-grand-père de Rémi, Gaston Vernet, apportait déjà des semences de Bretagne pour les distribuer autour d'Étables. La génération suivante abandonne la truffole pour l'élevage et l'arboriculture. C'est finalement son père, Didier, qui relance la pomme de terre en 1984.

Quand Rémi s'installe, en 2013, cinq hectares de pommes de terre sont cultivés sur la ferme et la production est vendue en gros aux épiceries. « Avec les cours fluctuants, on était à la merci de la bourse, constate Rémi Vernet. L'avantage de la transformation, c'est que l'on fixe nos prix. »

Plus de 1500 tonnes traitées

À la ferme de Lemps, la SARL est créée et la ligne de transformation est mise en route en juin 2014. Frites, cubes, lamelles et patates épluchées sous vides sortent de l'atelier. D'abord, il ne s'agit que de pommes de terre de la ferme, mais très vite, Rémi se rend compte que ce n'est pas suffisant pour atteindre une rentabilité : « L'atelier de transformation, c'était déjà un investissement de 450 000 euros et puis surtout le taux de perte était bien supérieur à ce que l'on avait anticipé. » Sur une pomme de terre, seul 60 % du produit est conservé à la transformation. Autre surprise : les tubercules moins jolis ne peuvent pas être correctement valorisés.

Pour trouver l'équilibre, Rémi Vernet doit donc acheter des pommes de terre. En 2015, il devient prestataire de service pour un producteur dijonnais et transforme annuellement 600 tonnes. Progressivement, les clients se multiplient et l'entreprise grandit. Anne-Sophie Vernet rejoint l'équipe en 2015, puis un deuxième salarié et un troisième... Aujourd'hui, six équivalents temps pleins travaillent pour la SARL et plus de 1500 tonnes de pommes de terre sont traitées chaque année, dont la moitié est directement issue de la production de la maison Vernet.

Le secret du succès : la qualité

En moins de 10 ans, les 300 tonnes de pommes de terre transformées se sont multipliées par 6 et le chiffre d'affaires de la SARL a suivi la même croissance, passant de 150 000 à 1 million d'euros. Une évolution rapide, qui tient surtout « à la qualité du produit fini », insiste le gérant. « C'est pour ça qu'on ne peut pas acheter n'importe quel lot ou variété... On a besoin d'une stabilité. » La coloration, la tenue, la cuisson, le croustillant... À la maison Vernet, aucun détail n'est laissé au hasard : « Avant de vendre une pomme de terre, on fait des tests de cuisson et surtout, on la goûte ! »

Pauline  De Deus

Diversifier pour faire face aux crises

Avant 2020, les clients de la maison Vernet étaient surtout des collectivités et restaurateurs. Mais avec le Covid, du jour au lendemain, les frites et autres pommes de terre transformées ne trouvent plus preneurs... Rémi Vernet décide alors de revenir à la vente en gros. « Deux semaines après le début du confinement, j'ai investi dans une ligne de conditionnement pour la mise en filet », explique-t-il. Un choix qui lui permet de résister au séisme de la crise sanitaire et de diversifier à long terme ses circuits de vente.

Aujourd'hui, les produits transformés ne représentent plus que 60 % de la production totale. « L'avantage des filets, c'est que ça prend beaucoup moins de temps », souligne le gérant. Les cours favorables sont un autre atout. Pas question toutefois d'abandonner la transformation. Pour la maison Vernet, l'objectif est, au contraire, de stabiliser ses volumes, ses équipements et sa main d'œuvre afin d'atteindre un rythme de croisière après une décennie d'évolution continue.

SÉCHERESSE

« Avec les pommes de terre il faut irriguer à tout prix »

Comme beaucoup de culture, les pommes de terre ont souffert de la sécheresse. Les pertes ont toutefois pu être limitées grâce à des arrosages réguliers.

« On est à 65 % d'une récolte habituelle », déplore Rémi Vernet à Lemps. La faute aux fortes chaleurs, évidemment, mais aussi à l'enherbemment et à l'arrosage. « On devait mener de front le chantier du bâtiment de stockage, on n'a pas pu être partout... » Précise le gérant. Pour ce qui est de l'irrigation, la ferme Vernet compte sur son lac collinéaire. La taille de la production s'en retrouve toutefois limitée à 8 hectares. « Parce qu'avec les pommes de terre il faut irriguer à tout prix », insiste Rémi Vernet.

Pour augmenter sa production, la maison Vernet a noué un partenariat avec le GAEC Coste. A Cheminas, ils cultivent 8 hectares de pommes de terre bio. Sur cette production, en revanche, la perte se limite à environ 10 % d'une récolte normale. « Il n'y a pas eu ces manques d'arrosage et elles sont plus résistante. On cultive surtout des Manon en bio, c'est une variété plus rustique », analyse Rémi Vernet. Au total, avec les autres terres irriguées louées, la surface de production de la maison Vernet est d'environ 10 hectares en conventionnel et 9 hectares en bio.