ARBORICULTURE
Monilioses sur fruits à noyau : optimiser les stratégies de lutte

Annie Laurie
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PHYTOSANITAIRE / Que sait-on des monilioses sur fruits à noyau qui peut aider à mieux combattre ces maladies ? La dernière « Séance arbo » de la Sefra (station d’expérimentation fruits Rhône-Alpes) a fait le point.

Monilioses sur fruits à noyau : optimiser les stratégies de lutte
Essai d’ensachage de fruits conduit par la Sefra dans un double objectif : déterminer quand se produisent les contaminations au verger selon le stade et la météo et mesurer l’efficacité d’un traitement sur les différentes périodes.
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Baptiste Labeyrie, responsable scientifique de la Sefra.

L’une des interventions de la « Séance arbo » (rencontre technique) de la Sefra, le 22 septembre à Étoile-sur-Rhône, traitait des monilioses sur fruits à noyau. Le responsable scientifique de cette station d’expérimentation, Baptiste Labeyrie, a fait état des connaissances sur ces maladies cryptogamiques ainsi que de résultats du projet Climarbo1. « Le contexte est préoccupant, a-t-il confié, car on a besoin de limiter les pertes de production dues à ces maladies (pourritures). Or, l’heure est à la réduction de l’usage des produits phytosanitaires : politique publique (Ecophyto), croissance de la demande en produits sans résidus, développement de l’agriculture biologique. On a tout intérêt aujourd’hui à optimiser nos stratégies de lutte. Pour cela, il faut mieux comprendre et caractériser les facteurs qui expliquent le développement du monilia et en particulier le rôle du climat. »

Pression, portes d’entrée, période de sensibilité...

Le cycle de développement des monilioses est désormais bien connu : ils contaminent les fruits mais aussi les fleurs avec leurs conidies (spores asexuées). Mais la pression parasitaire est difficile à estimer précisément. On sait qu’elle dépend de celle de l’année précédente, augmente avec la présence de momies, de blessures sur les fruits (notamment causées par des ravageurs). Et plus la saison avance, plus la situation se dégrade. Outre les blessures, le champignon entre dans les fruits par des microfissures. Or, pour préserver la qualité de l’épiderme des fruits, on peut jouer sur la charge des arbres et l’irrigation. Il y a en effet moins de monilia avec 700-750 fruits par arbre qu’avec 400-450. Et, dans des vergers sur-irrigués, davantage de symptômes sont constatés. La période de sensibilité des fruits au monilia est également déterminante : elle démarre trois semaines avant la récolte (auparavant, elle est relativement négligeable) et va en s’accroissant. À noter aussi, une infection sur fleurs ne se retrouve pas forcément sur fruits.

Températures et pluies

Autres grands paramètres, les conditions climatiques. La température optimale est de 22,5 à 25 °C pour monilia fructicola en pêche et autour de 25 °C pour monilia laxa (qui peut se développer entre 2,5 et 31 °C). L’humidité relative de l’air n’est pas un facteur qui explique les infections de monilia. Par contre, il est admis que celles-ci augmentent avec la durée d’humectation et les précipitations. Pour mieux caractériser le risque climatique, la Sefra a mis en place un essai d’ensachage de fruits sur quatre ans dans le cadre du projet Climarbo. L’objectif était double : déterminer quand se produisent les contaminations au verger selon le stade et la météo et mesurer l’efficacité d’un traitement sur les différentes périodes. De cet essai, Baptiste Labeyrie retient notamment que des précipitations supérieures à un millimètre semblent avoir un effet sur les contaminations par monilia. « Sans épisode de pluies significatives, même proche de la récolte, très peu de contaminations sont observées lors de la cueillette. En général, des contaminations plus importantes se produisent près de la récolte, qui restent “asymptomatiques” (présentes mais que l’on ne voit pas) au moment de la cueillette des fruits et s’expriment ensuite pendant la conservation. »

Marge de manoeuvre

Avec cet essai, « nous nous sommes aperçus qu’en année de faible à moyenne pression, une marge de manoeuvre existe pour réduire les traitements de conservation, a indiqué Baptiste Labeyrie. En année de forte pression, les traitements positionnés près de la récolte ont été les plus efficaces, indépendamment des épisodes de contamination au verger. Mais quand on observe les symptômes en conservation, on détecte moins le lien avec les conditions climatiques et même la position des traitements. À mon avis, les effets physiologiques (charge, calibre, nutrition) deviennent plus importants pour expliquer ces dégâts. » Autre constat sur l’essai : « Près de 70 % des dégâts de monilia à la récolte s’expliquent par la quantité de précipitations dans les dix jours précédant la récolte. Cela montre l’extrême importance des pluies près de la récolte ».

Vers un modèle de prévision des risques ? Le responsable scientifique de la Sefra a ainsi conclu son intervention : « À mon sens, une marge de manoeuvre existe pour optimiser la lutte et réduire les traitements, à condition de considérer l’ensemble de ces différents facteurs et maîtriser les niveaux de risque. Nous avons tous les éléments en main pour développer un modèle de prévision des risques, qui serait très utile pour mieux lutter contre le monilia. Les Espagnols l’ont fait, j’espère que nous y arriverons ».

Annie Laurie

1. Le projet Climarbo (2016 à 2019) visait à étudier les monilioses des fruits à noyau et le colletotrichum des noix : déterminer les stades phénologiques sensibles et les phénomènes de contamination au verger ; identifier les facteurs de risque, en particulier le rôle du climat, dans le développement de ces maladies cryptogamiques.

Monilia laxa et monilia fructigena

Monilia laxa et monilia fructigena

Monilia fructicola

Monilia fructicola

Monilia laxa

Monilia laxa