VIN
Second confinement : les appellations accusent le coup

Mylène Coste
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VIN / Noël approche, et pourtant les vignerons ne sont guère à la fête. Le second confinement est un nouveau coup dur pour les AOC dont une partie des débouchés est au point mort. Une situation toutefois contrastée selon les entreprises, les appellations et les circuits de distribution.

Second confinement : les appellations accusent le coup
Mais malgré l'approche des fêtes de fin d'année Noël, les achats de vins AOC restent timides.

Ils étaient parvenus à passer le cap du premier confinement – avec plus ou moins de difficultés selon les domaines-. Mais malgré une belle saison des vendanges, ce deuxième confinement est difficile à encaisser pour des vignerons déjà éprouvés. Une situation d'autant plus dure pour les appellations, qui ont vu une grande partie de leurs débouchés suspendus.

« On avait pourtant connu un vrai rebond des ventes dès le mois de juin et durant toute la saison estivale, dans les caves indépendantes comme dans les caves coopératives », souligne Alain Testud, président de l'AOC Côtes du Vivarais. Un constat partagé par Benoit Nodin, président de l'AOC Saint-Péray : «  Les visiteurs ont été nombreux à faire le plein dans les caves. Mais depuis début novembre, ils ont déserté. Contrairement au premier confinement, nos caves sont cette fois-ci restées ouvertes, mais très peu de clients se déplacent. » L'ambiance, davantage morose, ne semble plus guère à « l'Apéro skype » du premier confinement.  

Une chute des ventes vers le secteur traditionnel

Le contexte est particulièrement rude pour ceux qui travaillent avec la restauration. « C'est un débouché important pour notre AOC, souligne Anne Colombo, présidente de l'appellation Cornas. Les restaurants redémarraient tout juste leurs commandes à la fin de l'été, avant l'annonce d'une nouvelle fermeture », regrette-t-elle. D'autre part, « tous les salons ont été annulés les uns après les autres. Pour un partie des vignerons indépendants, ils représentent des rendez-vous très importants avec la clientèle. » Elle poursuit : « L'export reste également très compliqué, les marchés britanniques et des États-Unis demeurent vérouillés... Pour pallier à ce déficit de ventes, on essaie de solliciter de nouveaux marchés – particuliers, cavistes...- mais c'est très compliqué. »

Obtenue en 1997, l'appellation Côtes du Vivarais regroupe environ 500 producteurs, indépendants ou coopérateurs. « Une grosse partie des vins de l'appellation sont commercialisés par Vignerons Ardéchois, explique Alain Testud. Pour les indépendants, c'est cependant assez compliqué en termes  de ventes, puisque beaucoup travaillent avec la restauration, les cavistes locaux ou le tourisme. Ce deuxième confinement a été difficile. » Il nuance toutefois : « Heureusement, la plupart des vignerons de l'appellation produisent aussi de l'IGP Ardèche, qui reste plus facile à commercialiser durant cette période. Par ailleurs, les volumes de Côtes du Vivarais produits en 2020 sont en légère baisse : il est probable que les producteurs aient été plus frileux, redoutant une baisse de la consommation de ces vins plus haut de gamme. »

Un transfert entre canaux de distribution

Pour Philippe Faure, président du syndicat ardéchois des Côtes du Rhône, « les chiffres ne sont pas trop mauvais. » « Le secteur traditionnel (restauration, salons..) a été très affecté, mais l'export, et plus encore la grande distribution, ont bien marché. Les ventes de bouteilles ont baissé au profit des ventes en Bib et des marques distributeurs. Les marchés se sont simplement déplacés. Il poursuit : Nous n'avons pas encore de chiffres pour le second confinement, mais il semblerait que les sorties de chais soient au niveau habituel cet automne. » Pour autant, il déplore: « Malgré la loi Egalim, nous ne sommes pas parvenus à fixer un prix minimum et la GMS profite du contexte de crise pour faire pression sur les prix. »

Xavier Gomart, directeur de la Cave de Tain, confirme : « De manière générale, la crise de la Covid-19 a induit un transfert vers la consommation à domicile, et un développement des moyens modernes de distribution (commandes Internet, drive...). Il en va de même pour les cinq appellations que nous commercialisons (Sant-Joseph, Saint-Péray, Crozes-Hermitage, Hermitage), avec un volume d'activité qui se maintient. Nous y sommes contraints : il nous faut faire de la place pour les vendanges suivantes ! » Il ajoute : « L'export en Europe fonctionne plutôt bien. Seuls la restauration, l'export hors-Europe et nos ventes aux compagnies aériennes ont chuté. »

Un rebond pour les fêtes ?

Quelle que soit la situation, les vignerons espèrent de manière unanime un rebond avant les fêtes. Mais malgré l'approche de Noël, les achats restent timides, les cadeaux et événements organisés par les comités d'entreprise sont annulés, et les réunions de familles seront probablement plus réduites. « D'ordinaire, pour les appellations du Nord-Ardèche, les ventes décollent en novembre et décembre, indique Joël Durand, président de l'AOC Saint-Joseph. Mais cette année le commerce reste en berne et les caveaux sont bien peu fréquentés. Et malgré l'assouplissement du confinement, on ne rattrapera pas ce qui a été perdu dans la quinzaine qui arrive. »

Mylène Coste

« On a besoin d'un soutien fort des pouvoirs publics »

FILIÈRE / La crise économique et sanitaire pourrait avoir un effet désastreux pour une partie des vignerons, qui appellent l'État à davantage de considération.

La nature n'attend pas. Et malgré la baisse d'activité, les vignerons sont contraints à poursuivre le travail : « On ne peut pas mettre nos salariés au chômage partiel et dire que l'on suspend notre activité le temps que ça passe : la vigne, elle, ne s'arrête pas ! » plaisante Joël Durand, président de l'AOC Saint-Jospeh. « Même avec un chiffre d'affaires en baisse, on continue à faire travailler nos salariés, et nos trésories le ressentent. Je crois que la situation est sous-considérée par l'Etat. On a besoin d'un soutien fort des pouvoirs publics si l'on veut passer le cap », estime-t-il.

Quid de « l'après Covid »?

Contrairement ç d'autres produits, le vin reste une denrée stockable. Mais le portage du stock pourrait avoir des conséquences, à plus long terme, sur les prix. « Chez nous, avec une viticulture de côteaux et un travail très manuel, les coûts de production sont élevés, insiste Joël Durand. Je crains qu'une baisse des cours n'altère cet équilibre déjà fragile. »

Pas de salon... mais des portes ouvertes !

CORNAS / Le traditionnel marché de Cornas ne pourra pas avoir lieu comme habituellement début décembre. Pour autant, les vignerons de Cornas ouvriront leurs caves aux visiteurs les samedi 5 et dimanche 6 décembre de 9 h à 19 h. 26 vignerons, producteurs de Cornas, participent à cette opération !