ÉLEVAGE
Ragondins et leptospirose : un fléau sous-estimé

La leptospirose est une infection fréquente dans les cheptels bovins. La prolifération des ragondins n’y est pas étrangère avec un rongeur sur deux porteurs de la maladie. Difficile à diagnostiquer, la leptospirose coûte cher aux élevages. Le meilleur moyen de lutte reste encore la prévention.

Ragondins et leptospirose : un fléau sous-estimé
Le principal mode de transmission de la leptospirose est la contamination directe via les souillures liées aux urines des ragondins. ©M_Labille

Le ragondin, animal envahissant devenu hors de contrôle, et connu pour être porteur de la leptospirose. « Originaire d’Amérique du Sud, le ragondin a été introduit en Europe pour sa fourrure au début du XIXe siècle et depuis, ce gros rongeur s’est installé partout », explique Nicolas Gamb de la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (Fredon) Bourgogne-Franche- Comté. Très prolifique et sans prédateur naturel, le ragondin produit 2 à 3 portées de 5 à 7 petits par an et il ingurgite entre 1,2 et 2,5 kg de
végétaux par jour ! Il occasionne de nombreux dégâts aux cultures ainsi qu’aux berges et aux ouvrages du fait de ses impressionnants terriers. Provoquant par son activité un salissement des eaux, il aggrave l’envasement des cours d’eau et a un impact négatif sur les autres espèces. Il est aussi porteur de nombreuses maladies tout comme le rat musqué qui est moins préoccupant cependant.

Réservoirs à bactéries

« Connue chez les animaux d’élevage, la leptospirose s’installe partout où il y a des réservoirs, indique Jocelyn Amiot du GTV BFC. Or, ces réservoirs de maladies sont tous les rongeurs de la grande famille des rats, ragondins inclus. Ils propagent des bactéries à travers leurs urines et ces bactéries peuvent contaminer d’autres animaux à la faveur d’une lésion sur la peau. » 50 % des ragondins et des rats noirs sont porteurs de la leptospirose. Mais d’autres animaux peuvent la transmettre aussi, sauvages ou domestiques.
En France, il y a énormément de « sérovars de la leptospirose », affirme Jocelyn Amiot, précisant que tous ne sont pas dangereux. « La leptospirose est souvent présente sous forme subclinique. Dans ce cas, le sérovar adapté va préférentiellement sur un hôte réservoir. L’animal n’est pas malade, mais il est excréteur de la bactérie par ses urines. » En revanche, lorsque le sérovar est atypique de l’espèce (hôte accidentel), la bactérie est très agressive et provoque des formes aiguës de leptospirose.

Le principal mode de transmission est la contamination directe via les souillures liées aux urines des ragondins. Le temps d’incubation est de quize jours. Sous sa forme clinique, la leptospirose se manifeste par un syndrome grippal avec fièvre et même septicémie mortelle. Les signes cliniques sont cependant très variables selon l’âge, l’espèce, le
sérotype. La leptospirose se traduit souvent par un portage sain avec des animaux porteurs de la maladie dont on a du mal à déterminer s’ils sont excréteurs ou non. La forme la plus courante et la plus coûteuse est la forme chronique. Le critère d’alerte est un problème de reproduction, mais cette leptospirose est largement sous-estimée car son diagnostic est difficile. Les avortements peuvent aller jusqu’à 60 % sur quelques jours. Il y a aussi « des veaux mort-nés ou des veaux qui n’ont pas trop de vie ». Des problèmes d’infertilité (retour en chaleur) complètent ce tableau. La maladie affecte aussi la lactation avec chute de production, modification de la qualité du lait, mammites…

La prévention, meilleur moyen de lutte

« À défaut de vaccin et de traitements efficaces, le meilleur moyen de lutte contre la leptospirose reste encore la prévention », résume Jocelyn Amiot. Une prévention qui commence par une bonne régulation des ragondins envahisseurs. Le ragondin est classé dans la catégorie 1 des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts (Esod). Ce classement autorise sa destruction toute l’année par tir, piégeage ou déterrage. Le piégeage peut être effectué par des piégeurs agréés ayant suivi deux jours de formation. Il est possible de capturer les ragondins sans être piégeur agréé, mais il faut user de pièges qui ne tuent pas (catégorie 1) et disposer d’un droit de destruction écrit. La régulation par tir ou déterrage est réservée aux détenteurs de permis de chasser muni d’un droit de chasser ou d’un droit de destruction écrit.

Marc Labille