AGRONOMIE
La conduite du sorgho en 2021

Face à l’évolution du climat, aux éventuelles restrictions d’eau, le sorgho connaît un regain d’intérêt ces dernières années. Cette culture offre, en effet, aux agriculteurs une alternative tout à fait intéressante pour consolider les assolements régionaux. Arvalis-Institut du végétal revient sur les éléments fondamentaux de la conduite d’un itinéraire technique du sorgho grain.

La conduite du sorgho en 2021
Le sorgho grain offre une alternative intéressante aux agriculteurs de la région pour consolider leurs assolements. © Cemagro

Le sorgho est une culture exigeante à l’implantation. La taille de sa graine et ses besoins en température nécessitent donc une préparation soignée (lit de semence fin) et un sol réchauffé (la température du sol doit être supérieure à 12 °C). De fait, la période optimale de semis se situe autour de fin avril pour les zones du Sud de la Drôme jusqu’à mi-mai pour les situations où les sols se réchauffent plus lentement (tableau 1).

Densité de semis

La densité de semis est un élément primordial pour la réussite de la culture. Les semoirs monograine sont à privilégier mais les distributions électriques des semoirs à céréales récents offrent des performances équivalentes.
Les essais sur le sujet ont montré qu’il n’y a pas plus de pertes à la levée avec les semoirs à céréales à paille. Mais il faut avoir des roulettes de rappui pour être certain que le contact sol et grain soit assuré. Semer à 12 cm d’écartement n’impacte pas le rendement mais limite l’utilisation des outils de désherbage mécanique. L’utilisation d’un semoir monograine ou à céréales à paille se réfléchit donc en fonction de l’organisation du matériel sur l’exploitation et de la pression adventice. La densité de semis dépend de la précocité à l’épiaison et de la réserve hydrique.

La précocité à l’épiaison de la variété conditionne fortement le nombre de grains à semer. Plus une variété est précoce, plus faible est l’indice foliaire et le nombre de grains sur sa panicule. En conséquence, pour maximiser les composantes du rendement, les plus précoces nécessitent des densités de culture plus élevées que des variétés plus tardives. Le fort développement d’une variété tardive et son fort potentiel de grains par panicule permettent de viser de faibles peuplements (200 000 plantes/ha).

La réserve hydrique dépend à la fois du type de sol et de la capacité d’enracinement de la culture. En conditions séchantes, les peuplements élevés favorisent une forte production de biomasse précoce (tiges et feuilles) et exacerbent la concurrence entre plantes. Des évapotranspirations et compétition excessives accélèrent l’épuisement de la réserve en eau pénalisant souvent la formation des grains dès l’épiaison.

En situation irriguée ou dans les milieux à forte réserve en eau, la densité de peuplement est valorisée. Des peuplements plus élevés permettent de maximiser les composantes de rendement. Dans tous les cas, il faut tenir compte aussi d’un taux de perte à la levée de 15 à 20 %.

Le tableau 2 résume les objectifs de densité de semis à respecter selon les conditions hydriques, les types de sol rencontrés et le choix de la variété semée.

La capacité d’adaptation du sorgho au stress hydrique est bien connue. Cependant, elle a des limites qui ont été bien mises en évidence ces dernières années. Des différences de l’ordre de 40 q/ha ont été obtenues entre des cultures irriguées et des conduites en sec. L’autre élément de réussite de l’implantation est la localisation d’un engrais starter à base de phosphore au semis, efficace pour améliorer la vigueur au départ. Une protection au semis peut également s’avérer nécessaire dans les parcelles à risque taupins avec un insecticide micro-granulé. Pour assurer une répartition optimale de l’insecticide dans la ligne de semis, il est nécessaire d’utiliser des diffuseurs.

Les variétés de sorgho grain

Les variétés de sorgho grain sont réparties en trois groupes de précocité établis selon des exigences en somme de températures calculées en base 6-34 que vous retrouvez dans le tableau 3.

Choisir ses variétés en fonction de la précocité et de la zone de production

Les calculs d’offre climatique permettent de positionner les précocités des variétés sur le territoire (figure 1). Dans notre région, dans les zones traditionnelles de production céréalières, les variétés précoces et ½ précoces représentent la plus grande partie des situations, les variétés ½ tardives et tardives étant réservées pour le Sud de la région (Drôme).

Résultats essais variétés sorgho grain

Variétés précoces et ½ précoces : dans le groupe de précocité des variétés précoces et ½ précoces, la relation entre le rendement et la précocité est assez claire même si quelques variétés comme ES Monsoon ou ES Shamal se distinguent par un bon rapport rendement/humidité. Pour faire un choix variétal raisonné, il faut toujours observer les résultats sur plusieurs années d’essai. Les variétés ES Foehn, RGT Huggo, Armax, ES Shamal, ES Monsoon présentent des résultats régulièrement au-dessus de la moyenne. Il faut noter l’apparition de deux variétés en première année de post-inscription qui semblent donner de bons résultats : Ariane et RGT Alligator, à suivre pour les années futures.

Les variétés tardives et très tardives : elles ont un niveau productivité supérieure. Elles expriment d’autant plus ce potentiel lorsque l’accès à l’eau et à l’azote est non limitant. Pour faire un choix variétal raisonné il faut toujours observer les résultats sur plusieurs années d’essai. Les références techniques sont les suivantes : RGT Gabby, ES Boreas, RGT Ggustav, Arsenal, Anggy qui se situent régulièrement au-dessus de la moyenne. Dans cette série, on note la variété Armelia en première année de post-inscription qui apporte de la productivité, à confirmer dans le réseau d’essai 2021.

La fertilisation azotée

Grâce à son aptitude à puiser l’eau dans le sol, le sorgho a également une grande capacité à y prélever l’azote minéral. De ce fait, les apports d’azote par les engrais peuvent être modérés. L’azote contribue essentiellement à la détermination du nombre de grains par panicule, il faudra donc l’apporter impérativement avant le stade gonflement (formation des gamètes – stade 12 feuilles).

En sol filtrant ou superficiel, pour limiter les pertes, éviter des apports précoces avant 6 feuilles. Dans les autres situations, en sec, un seul apport au semis est suffisant ; en irrigué, un premier apport au semis suivi d’un deuxième avant la première irrigation (au plus tard 10-12 feuilles).

Pour calculer la dose d’azote à apporter (besoins - fournitures) :
Estimer les besoins en azote de la culture : le calcul de la dose optimale d’engrais azoté à apporter sur sorgho nécessite d’adopter une démarche qui passe par plusieurs étapes dont la première vise à déterminer le besoin d’azote de la culture. Il est fonction du niveau de production visé (tableau 4).
Estimer les fournitures totales d’azote : une fois les besoins en azote de la culture calculés, il faut estimer les fournitures totales d’azote. Elles sont constituées a minima de l’azote présent dans le sol au moment du semis, et de la minéralisation de l’humus.
Estimer la quantité d’azote présent dans le sol au moment du semis : il est nécessaire de connaître la quantité d’azote présent au moment du semis dans le sol, notamment pour calculer la dose d’azote à apporter au semis. Il existe plusieurs moyens d’y accéder : la mesure du reliquat d’azote minéral sur la profondeur d’enracinement, les
synthèses des campagnes de mesure du reliquat diffusées annuellement dans certaines régions, ou alors par modélisation comme dans le Sud-Ouest de la France.
Calculer la quantité d’azote issue de la minéralisation de l’humus : le sorgho étant une culture d’été, la minéralisation de l’humus du sol est intense à cette période, surtout si la culture est irriguée. Il convient donc d’intégrer au plan de fumure la quantité d’azote issue de la minéralisation de l’humus entre le semis et le stade maturité physiologique. Cette quantité dépend du type de sol, de l’irrigation ou non de la parcelle, et de la longueur du cycle. Il existe un référentiel de ces valeurs par région.
Calculer les effets directs des apports organiques récents : dans le cas d’apports organiques avant sorgho, il est impératif de calculer leur contribution à la fourniture d’azote. La valeur fertilisante d’un apport organique dépend
de la quantité de matière épandue, de sa teneur en azote et du coefficient d’équivalence d’un engrais minéral (Keq).

Le désherbage : objectif propreté en un passage !

Le sorgho est extrêmement sensible à la concurrence des adventices. Les solutions de désherbage chimiques peuvent se réveler insuffisantes, c’est pourquoi il faut bien veiller à : semer sur une parcelle propre (ne pas hésiter
à faire des faux semis) ; s’assurer de la bonne homogénéité de la levée et du recouvrement rapide de l’inter-rang ; et ne pas hésiter à mettre en oeuvre des techniques de désherbage mécanique. Les évolutions récentes du catalogue des usages ouvrent désormais l’usage d’un certain nombre de produits qui n’étaient jusqu’alors restreints qu’au maïs. Toutefois, il faut bien veiller à ce que les doses et le(s) stade(s) d’application soient bien sélectifs de la culture (pour plus d’information sur les restrictions d’usage et les recommandations, vous pouvez vous reporter au dépliant sorgho Arvalis 2016).

Herbicides et positionnement

Pour les restrictions et recommandations des herbicides, reportez-vous au dépliant sorgho lutte contre les adventices (nouvelle édition en mars 2021). Trois possibilités d’intervention pour le désherbage du sorgho (figure 2) :
- en post-semis prélevée : intervention destinée à lutter essentiellement contre les graminées,
- en post-levée à 3 feuilles du sorgho pour lutter à la fois contre les graminées et les dicotylédones.
- en post-levée entre 4 et 8 feuilles du sorgho pour lutter contre les dicotylédones.

Une culture adaptée au désherbage mécanique

Les solutions de désherbage mécanique permettent de compléter et de sécuriser la maîtrise des mauvaises herbes dans la culture. Il est possible de positionner un passage de herse étrille ou de houe rotative quelques jours après le semis (technique du passage « à l’aveugle ») en ayant pris soin de semer un peu plus profondément. Un (ou plusieurs) binage(s) (avec buttage) peuvent être réalisés vers le stade 5-6 feuilles du sorgho (figure 3).

L’irrigation

Le sorgho est une des plantes cultivéesles moins exigeantes en eau. Ses besoins totaux (réserve du sol + pluie + irrigation) sont de l’ordre de 400 à 500 mm. De plus, grâce à son système racinaire performant, il est capable d’extraire et d’utiliser avec plus d’efficience l’eau du sol. La capacité d’adaptation du sorgho au stress hydrique est bien connue. Cependant, elle a des limites qui ont été bien mises en évidence ces dernières années. Des différences de l’ordre de 40 q/ha ont été obtenues entre des cultures irriguées et des conduites en sec. L’irrigation est donc nécessaire si l’on veut régulariser les rendements et atteindre le potentiel des variétés.

Les périodes sensibles

La période la plus sensible au manque d’eau se situe à partir du gonflement jusqu’à la floraison. En cas de stress pendant cette période, la fertilité des panicules est systématiquement affectée. Avant cette période, c’est-à-dire du stade 8 feuilles jusqu’au gonflement, un besoin en eau non satisfait risque de perturber l’épiaison de certaines variétés et affectera la fertilité des panicules. La période de remplissage des grains est peu sensible.

Comment irriguer

La stratégie d’irrigation sera fonction de la disponibilité de l’eau et du matériel d’irrigation. Nous distinguerons donc le sorgho non prioritaire et le sorgho prioritaire par rapport aux cultures irriguées.

Sorgho non prioritaire : le principe est de satisfaire les besoins en eau des autres cultures irriguées (maïs,
soja, cultures spéciales) avant ceux du sorgho. Les apports d’eau sur sorgho seront limités entre 1 et 4 apports de 30-40 mm. L’objectif recherché est une efficacité maximale de l’eau d’irrigation par un bon positionnement.

Sorgho prioritaire : l’objectif est d’atteindre le potentiel des variétés de sorgho.
La stratégie est la suivante :
- au stade 10 feuilles du sorgho, s’il n’y a pas eu de pluie significative (>20 mm) effectuer la première irrigation. En sol très profond, on pourra attendre le stade
gonflement,
- apporter 35 mm tous les 10 à 12 jours ou 40 mm tous les 10 jours en climat séchant (Sud-Est, Drôme), - pour une pluie supérieure à 10 mm interrompre le tour d’eau pendant une durée de 1 jour par tranche de 5 mm. Le dernier tour d’eau débutera 15 à 20 jours après l’épiaison.

Yves Pousset, Arvalis-Institut du végétal

Tableau 1

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Tableau 2

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Tableau 3

Tableau 3

Tableau 4

Tableau 4

Figure 1

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Figure 2

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Figure 3

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Figure 4

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