EGALIM
Prix abusivement bas : les coopératives entendues

Le mécanisme des prix abusivement bas issu de la loi Egalim ne peut pas s'appliquer aux coopératives, a décidé le Conseil d'État le 24 février. Un « soulagement » pour la Coopération agricole, qui avait attaqué l'ordonnance gouvernementale sur ce sujet en 2019.

Prix abusivement bas : les coopératives entendues
Le mécanisme des prix abusivement bas issu de la loi Egalim ne peut pas s'appliquer aux coopératives, a décidé le Conseil d'État le 24 février. ©LPLT - Wikimedia Commons

Dans une décision du 24 février, le Conseil d'État a annulé les dispositions de l'ordonnance du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole engageant la « responsabilité de la coopérative [pour] le fait de fixer une rémunération des apports abusivement basse ». Saisie en 2019 sur la question des prix abusivement bas par la Coopération agricole, la plus haute juridiction administrative française estime que le gouvernement n'était pas autorisé par le législateur dans le cadre de la loi Egalim ni à créer « une action en responsabilité sur le modèle de celle qui existe en droit commercial » ni à étendre l'application du dispositif de cession à un prix abusivement bas aux sociétés coopératives. Une décision prise sur la forme, alors que la Coopération agricole la contestait sur le fond et sur la forme.

« La capacité de s'autodéterminer »
Le président de la Coopération agricole Dominique Chargé. ©Coopération agricole

« La capacité de s'autodéterminer »

Le président de la Coopération agricole Dominique Chargé s'est dit « soulagé que les associés coopérateurs puissent garder la capacité de s'autodéterminer ». Se gardant de tout « triomphalisme », il estime que la disposition contestée était « inapplicable et contraire au fonctionnement coopératif ». Elle revenait à « insérer du droit commercial dans le modèle coopératif » et à « permettre la judiciarisation » dans les relations entre les coopératives et leurs adhérents, d'après cet éleveur de Loire-Atlantique. « Par nature, une coopérative ne peut pas pratiquer des prix abusivement bas, car elle a l'obligation d'assurer la meilleure valorisation aux produits de ses adhérents. »

Pour M. Chargé, le fonctionnement d'une coopérative est par essence démocratique, car « son organe suprême est l'assemblée générale, qui est souveraine, y compris pour déterminer les prix ». Et pour ce qui est des relations entre les coopératives et leurs adhérents, « il y a des outils que sont le médiateur de la coopération agricole et le Haut conseil de la coopération agricole (HCCA, NDLR), il faut les faire fonctionner », exhorte Dominique Chargé.

« Le problème de la création de valeur reste entier »

Dans sa décision du 24 février, le Conseil d'État a écarté les demandes de la Coopération agricole portant sur ces outils. Les coopératives visaient une annulation pour excès de pouvoir de deux dispositions de la même ordonnance. La première disposition attaquée confie à la HCCA la mission d'élaborer un guide des bonnes pratiques de gouvernance des coopératives et de leur union. La seconde disposition renvoie à un décret la définition des attributions et des modalités d'exécution de la mission du médiateur de la coopération agricole. « Nous avons eu des réassurances » via une clarification réglementaire de ces deux sujets, affirme Dominique Chargé.

Toutefois, la décision des Sages « n'exonère en rien les coopératives de leur obligation d'assurer la meilleure valorisation possible aux produits de leurs adhérents, et d'appliquer la loi Egalim », rappelle le président de la Coopération agricole. « Le problème de la création de valeur reste entier », insiste-t-il. Les négociations commerciales annuelles se sont achevées au 1er mars pour les entreprises qui n'ont pas fait appel au médiateur des relations commerciales agricoles. Cette année aura été marquée par des discussions « extrêmement difficiles », selon Dominique Chargé, avec « des demandes de déflation quasi systématiques » des distributeurs. Alors que les distributeurs ont « fait un exercice exceptionnel en 2020, entre + 6 et + 8 %, rappelle-t-il, la guerre des prix est revenue comme argument principal de la concurrence entre enseignes pour se répartir les parts de marché gagnées en 2020 ». Et de conclure : « On ne peut plus demander aux agriculteurs de restituer leurs gains de productivité pour abonder la baisse des prix alimentaires ».

A.J., Y.G.