Pastoralisme
Un Plan pastoral territorial est étudié en Nord Ardèche

La Chambre d'agriculture de l'Ardèche étudie la mise en place d'un Plan pastoral territorial (PPT) en Nord Ardèche. Objectifs : reconquérir et renforcer les capacités des espaces pastoraux. Un comité de pilotage était organisé, le 2 mars, avec les collectivités territoriales porteuses du PPT, afin de présenter les axes stratégiques de ce projet.

Un Plan pastoral territorial est étudié en Nord Ardèche
Plus de 4 000 hectares de surfaces pastorales, 78 communes et 380 éleveurs sont concernés par ce projet de PPT en Nord Ardèche.

Bien qu’il n’y ait pas d’alpage en Nord Ardèche, les surfaces pastorales y sont présentes sur de nombreuses exploitations. Ces espaces naturels pâturés (voir ci-contre) sont souvent délaissées car difficiles à entretenir et pauvres en ressource fourragère. Ils représentent pourtant un véritable enjeu d’autonomie alimentaire pour les élevages sensibles au changement climatique. « Il y a tout intérêt à remettre en valeur ces zones pastorales, encourager leur reconquête et leur aménagement. » À la demande des élus de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche et de nombreux éleveurs du nord du département, c’est le message qu’a porté Raphaël Rochigneux, chargé de mission Territoire Collectivités en Nord Ardèche à la Chambre, auprès des collectivités territoriales de ce secteur. « Les intérêts de cette reconquête sont nombreux. Au-delà des apports que les surfaces pastorales peuvent avoir sur l’agriculture de leur territoire (vente de produits de qualité et création d'emplois), elles contribuent aussi au maintien des milieux ouverts propices à la biodiversité, aux activités de chasse ou de randonnée pédestre, et à la réduction des incendies », explique-t-il. 

Améliorer les conditions de l’activité pastorale

Depuis plusieurs mois, la Chambre mobilise les communautés de communes Arche Agglo, Annonay Rhône Agglo, Val d'Ay, Rhône Crussol et Porte de DrômArdèche, pour participer à la reconquête de ces espaces pastoraux dans le cadre d’un Plan pastoral territorial (PPT). Mené sur 5 ans et porté par les collectivités territoriales, ce dispositif est proposé par la Région Auvergne Rhône-Alpes (Aura) depuis 2006. Il permet de bénéficier d’une aide financière couvrant 70 % des investissements destinés à améliorer les conditions de l’activité pastorale. Ces investissements concernent des travaux de clôtures, de débroussaillage, de pistes d'accès, d'aménagements de points d'eau, ainsi que du matériel de contention, des équipements de multi-usage (passage canadiens, portillons, etc.) et l'acquisition de terrains pastoraux par les collectivités. La force d’un PPT tient également à sa dimension collective. Il permet de mobiliser collectivement les acteurs agricoles, environnementaux et du multi-usage afin d’initier une véritable dynamique autour du pastoralisme.

Première étape du dispositif : mobiliser 

Un premier comité de pilotage (Copil) était organisé, le 2 mars en visioconférence, par la Chambre avec les intercommunalités afin de présenter l'outil, le périmètre et le portage du PPT. « Il était important de rallier toutes les collectivités du Nord Ardèche et éviter les disparités. C’est chose faite ! Elles se sont rapidement emparées du sujet et ont pris conscience des enjeux, sensibles aux intérêts d’un PPT pour leur territoire », indique Raphaël Rochigneux. La communauté de communes Arche Agglo sera porteuse du projet de PPT. Le dépôt du dossier de candidature auprès de la Région Aura est programmé pour le mois de novembre 2021. « L’objectif est que le PPT entre en “service“ en 2022. »

Pour l'heure, ce PPT s'étendrait sur une superficie globale de 1 581 km2 en Ardèche et en Drôme. Plus de 4 000 hectares de surfaces pastorales, 78 communes et 380 éleveurs sont concernés en Ardèche. La filière bovine y tient une place centrale dans 81 % des exploitations (environ 9 % en caprin ; 5,5 % en ovin et 4,4 % en polyculture-élevage). L'inclusion des parties drômoises de Porte DrômArdèche et d'Arche Agglo dans ce PPT est encore en réflexion. Elle dépendra des surfaces pastorales présentes sur ces territoires, du nombre d'éleveurs et de leur répartition en fonction de leur spécialisation.

Diagnostiquer les besoins 

Conventionnée par les communautés de communes lors de ce Copil, la Chambre va réaliser un diagnostic du pastoralisme en Nord Ardèche afin de les accompagner dans l’élaboration d’un programme d’actions. « Nous allons relever les besoins concrets des agriculteurs en matière de pastoralisme et évaluer les enjeux du territoire sur les aspects agricole, environnemental et de multi-usage. Nous chercherons aussi à comprendre les conflits de chaque partie prenante au PPT pour voir comment les résoudre par la coopération. Il faut recueillir toutes les opinions », annonce Camille Renaud, stagiaire à la Chambre en charge de la phase de diagnostic. Une trentaine d’exploitations du Nord Ardèche seront questionnées sur leurs pratiques et l’utilisation ou non de leurs surfaces pastorales. Les besoins des associations environnementales seront aussi relevés, notamment pour les zones sensibles et pelouses sèches qui peuvent être entretenues par le pastoralisme. Sur les espaces partagés, les soucis rencontrés seront évalués : présence de chiens de troupeau, fermeture de portails, etc.

Le rôle clé des associations pastorales

La création d'associations pastorales est une étape clé pour lancer un PPT, ont rappelé les représentants de la Chambre. Ces associations réunissent les éleveurs d’un territoire, toutes productions d'herbivores confondues, et assurent le fonctionnement des aides à l'investissement. Travaillant en lien avec le Copil, elles permettent de recueillir localement les demandes d'aides des éleveurs, de garantir l'intérêt de l'investissement réalisé et le respect des règles d'éligibilité, puis de redistribuer les subventions accordées. Elles impulsent aussi l'organisation de formations, de journées techniques ou de commandes groupées, et favorisent ainsi les échanges entre éleveurs.

Les collectivités territoriales décideront si elles animent elles-mêmes ces associations pastorales ou si elles préfèrent missionner la Chambre. La création de quatre associations ardéchoises est envisagéee. Reste à savoir comment les éleveurs adhéreront au projet : « Le système des associations pastorales peut être un peu lourd et contraignant, mais les élus sont confiants car les éleveurs ont l’habitude de travailler en Cuma et de manière collective en Nord Ardèche », indique Gaëlle Grivel, animatrice et accompagnatrice de projets pastoralisme à la Chambre.

Anaïs Lévêque

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Le PPT permet de bénéficier d’une aide financière couvrant 70 % des investissements destinés à améliorer les conditions de l’activité pastorale, notamment des travaux de clôtures et de pistes d'accès.

À NOTER / Qu’entend-on par surfaces pastorales ?

Les surfaces pastorales ne concernent pas uniquement les « grands espaces » de transhumance. Elles se définissent comme des espaces valorisés uniquement par le pâturage où la ressource pousse naturellement et spontanément, sans apports de fumier, d’engrais ou d’eau. Ces surfaces peuvent se composer de prairies permanentes, d’estives, de landes, de parcours et de sous-bois. Elles apportent une ressource alimentaire et des abris ombragés aux troupeaux en période de sécheresse, mais aussi une bonne valorisation de leur production.

« Se fédérer autour d’une vision commune du pastoralisme »
Vincent Vallet.

« Se fédérer autour d’une vision commune du pastoralisme »

Questions à / Vincent Vallet, élu à la Chambre d'agriculture de l’Ardèche délégué du territoire Haut et Moyen Vivarais.

Comment se caractérise actuellement l’activité pastorale en Nord Ardèche ?

Vincent Vallet : « Le pastoralisme existe en Nord Ardèche et concerne les zones de pentes qui ne sont pas fauchables ou très mal mécanisables, les fonds de vallée, les terrains situés près des crêtes. Tous les exploitants possèdent ce type de surfaces pastorales. Il y a toujours eu une pratique de maintenir ces espaces ouverts mais nous nous rendons compte depuis 20 ans que ces surfaces sont les premières à être abandonnées par les agriculteurs. Ce sont des surfaces difficiles à entretenir et à travailler. Elles ont également un faible potentiel agronomique donc beaucoup d’agriculteurs les abandonnent pour des raisons de rentabilité économique. »

Quels intérêts apporterait le maintien de ces surfaces ?

V.V. : « Aujourd’hui, nous nous rendons compte que ce foncier pastoral peut apporter une ressource fourragère indispensable face aux épisodes de sécheresse récurrents. Malgré leur faible potentiel, elles permettent de compléter l’alimentation des troupeaux durant une à deux semaines sur l’année. Il y a aussi un intérêt de territoire, afin de le maintenir lui aussi ouvert et accessible, notamment pour lutter contre les feux de forêts. Plus nous aurons de zones de pente travaillées et cultivées par l’élevage, moins nous aurons de risque d’incendie important. »

Quelle dynamique pourrait impulser un Plan pastoral territorial dans le nord du département ?

V.V. : « L’enjeu majeur de ce dispositif est de créer de l’investissement dans le but d’élever le seuil de rentabilité des surfaces pastorales, et ainsi de permettre aux éleveurs de trouver de l’intérêt à rouvrir et cultiver ces parcelles. Un PPT permet aussi de renouer du lien entre éleveurs car ils doivent s’approprier le projet, s’organiser en association, et se fédérer autour d’une vision commune du pastoralisme sur leur secteur pour ouvrir leurs droits de subventions. Toutes les exploitations d’élevage sont concernées. Sur ces bases, ce dispositif apporte de nombreux intérêts sur la lutte contre les incendies et le multi-usage. »

Propos recueillis par A.L.