CASTANÉICULTURE
La Châtaigne d’Ardèche maintient sa dynamique

Le syndicat de défense (SDCA) et le comité interprofessionnel (Cica) de la Châtaigne d’Ardèche ont réuni leurs adhérents, jeudi 4 avril à Rocles. La filière poursuit ses efforts de reconquête et d’adaptation de la châtaigneraie ardéchoise au niveau départemental et se voit également fraîchement soutenue par un plan national.

La Châtaigne d’Ardèche maintient sa dynamique
Une soixantaine de personnes ont assisté à l'assemblée générale de la Châtaigne d'Ardèche. ©AAA_AL

Dépérissement d’arbres, déficit de récolte, qualité sanitaire des fruits dégradée par des attaques de champignons et de chenilles foreuses… La filière castanéicole a de nouveau fait face à l’impact du changement climatique en 2023, que ce soit sur la santé des vergers ou la qualité des fruits. Les châtaigneraies avaient pourtant bien résisté à la sécheresse estivale globalement. La pollinisation et la germination ont été correctes, les pluies de fin août bienvenues et le début de campagne un peu plus tardif qu’en 2022, mais la forte pluviométrie au moment de la récolte a entraîné des difficultés d’aspiration et une qualité de fruits dégradée. Un comportement plus satisfaisant étant observé sur les variétés Garinche et Bouche rouge. Dans le sud du département néanmoins, « la rouille précoce et les coups de chaud ont dégradé le développement des arbres et la qualité des châtaignes, à des niveaux très différents, parfois très importants, selon les secteurs », indique Sébastien Debellut, animateur du Cica.

Des résultats globalement satisfaisants

Malgré ce contexte difficile, le volume de production de châtaignes en Ardèche s’inscrit dans la lignée des précédentes campagnes (4 350 tonnes), pour 50% vendues à des entreprises de transformation et 30% à des metteurs en marché, mais le revenu moyen à la production est légèrement à la baisse (1,85€/kg) pour la seconde année consécutive. « Nous devons nous questionner, d’autant plus que nous avons des coûts de production, sur la mécanisation et la main-d’œuvre, qui évoluent pour aller plus vite car la période de récolte se réduit ces dernières années », interpelle Mickaël Giraud, vice-président du SDCA.

Les problématiques de vente en frais, quant à elle, s’accroissent d’année en année. Elles sont liées au contexte économique compliqué du marché des fruits et légumes, au cours de vente à la baisse (-0,50€/kg), à une saisonnalité de production précoce, une demande quasi inexistante de la GMS, des difficultés de conservation dégradant la qualité des fruits… « Nous avons un réel besoin d’adaptation des variétés mises au marché du frais. C’est un marché pouvant être considéré comme un marché de niche mais il faut maintenir ce potentiel de vente intéressant », souligne le président du SDCA Michel Grange.

Face aux difficultés rencontrées par les entreprises de mise en marché, les petites entreprises spécialisées étant les plus touchées, « les gros et moyens calibres sont tous à la baisse, les plus petits en légère hausse », informe Sébastien Debellut. L’arrêt précoce de la collecte chez les opérateurs de l’aval a entraîné aussi une perte de débouchés pour certains producteurs, malgré la qualité de la production.

Le marché de la transformation maintient sa croissance pour sa part. En 2023, près de 145 producteurs ont bénéficié d’une prestation de service avec le SDCA pour la transformation de 70 tonnes de châtaignes. « Il pourrait y avoir d’autres besoins à couvrir, il y a encore beaucoup de producteurs obligés de s’exporter pour transformer leur production, et nous avons du mal à monter des projets d’atelier collectif », poursuit Sébastien Debellut. La création d’un atelier pour filières végétales, viandes et châtaigne est à pied d’œuvre à Chomérac, a informé le président du Cica, César Marze : « Il pourrait ouvrir fin 2025, en étant optimiste, et accueillir à son ouverture 40 tonnes de châtaignes par an pour l’épluchage et la transformation, pas pour le séchage ou le moulinage ».

La demande d'extension de l’AOP à l’étude

Pour l’AOP, le nombre de nouvelles habilitations (+22) et les volumes de production (2 050 tonnes) sont en hausse, la part de châtaignes déclassées marginale. L’an passé, plus de 60 ha et 2 000 arbres supplémentaires l’ont rejoint. Une dynamique qui attire des producteurs et opérateurs situés sur une petite dizaine de communes contiguës à la zone de l’appellation. Mais avant de se lancer dans une démarche d’extension de l’AOP, les procédures à engager auprès de l’Inao et le potentiel de volumes hors zone vont être évalués. « L’aire géographique est ancienne, ça peut avoir du sens de la faire évoluer, mais s’il faut revoir tout le cahier des charges et l’aire, ça engage à des procédures fastidieuses », indique Michel Grange. Il est difficile également de savoir si l’Inao pourrait accepter l’intégration de quelques communes. « Vous avez une aire géographique excessivement grande, 10 000 ha de châtaigniers sont estimés récupérables voire moins, et le potentiel est loin d’être rempli, donc pour demander une évolution de l’aire géographique, ça peut être un frein », explique Gilles Vaudelin, ingénieur Terroirs et délimitations à l’Inao Valence.

Concernant le plan de contrôle de l’AOP, les orientations visent à maîtriser les coûts pour les opérateurs habilités en AOP et ne pas freiner l’engagement, en internalisant un certain nombre de missions, dont la réalisation des habilitations en interne. Le recrutement de Julien Massias mi-mars, comme animateur et chef de projet AOP au SDCA, pourrait répondre à ces objectifs, ont indiqué les élus.

Une filière soutenue

Les dispositifs déployés pour soutenir la filière ont été évoqués en assemblée. La nouvelle programmation Pac (2023-2027), tout d’abord, qui subventionne les investissements de matériel de récolte, d’entretien des vergers, de post-récolte et d’entreprise agroalimentaire. Le plan châtaigneraies traditionnelles (2023-2027) également, fortement axé sur les investissements liés au développement de la filière, à la reconquête de la châtaigneraie et son adaptation au changement climatique. Pour la première année de démarrage, le volume de dossiers n’a pas permis de consommer intégralement les enveloppes publiques disponibles.

Cette assemblée a été l’occasion de faire un point aussi sur la mise en œuvre du plan de soutien à la castanéiculture française doté d’une enveloppe de 5 millions d’euros par le ministère de l’Agriculture. Dans le cadre d’un accord de partenariat pluriannuel, signé entre le SNPC et le ministère, de premières orientations sont actées. Elles concernent une dotation financière aux organisations professionnelles du SNPC, en charge du soutien des producteurs et de la châtaigneraie française, du renforcement des moyens dédiés à la recherche pour résoudre les difficultés liées au changement climatique et aux maladies qui impactent fortement la production. Les actions liées à ce plan sont en cours d’élaboration, avec les services du ministère de l’Agriculture et les organismes techniques et de recherche (Inrae, CTIFL, CNRS, chambres d'agriculture, Invenio, etc.) pour une mise en œuvre dès cette année.

A.L.

Tribune
De gauche à droite : le député Fabrice Brun, le vice-président de la chambre d'agriculture Mickaël Giraud, les présidents du SDCA et du Cica, Michel Grange et César Marze, le vice-président du Département Matthieu Salel. ©AAA_AL

Chiffres

479. C’est le nombre d’adhérents que réunissent le SDCA et le Cica, dont 450 castanéiculteurs, 12 entreprises de mise en marché, 9 entreprises de transformation, 5 entreprises de seconde transformation et 3 associations et pépiniéristes. 

Visite d'exploitation
À la suite de l'assemblée, une visite de chantiers de reconquête a été organisée à l’Earl Marron Châtaigne, de Patrice Galiane et Véronique Dupuis, à Laboule. L'occasion également de découvrir leur sentier d’interprétation dans les châtaigniers et leur atelier de transformation. ©Cica

Protéger et adapter les châtaigneraies

Soutenu par le plan châtaigneraies traditionnelles et réalisé en partenariat avec le SDCA, la chambre d’agriculture et le PNR des Monts d’Ardèche, le travail mené autour du matériel végétal, notamment dans le parc à greffons et la pépinière du syndicat, présente de bons résultats. Parmi eux, il est à noter une reprise efficace des échecs de greffe et plus de 300 plants greffés supplémentaires par rapport aux années précédentes. La production de greffons est en légère augmentation (2 265). La lutte contre le dépérissement des arbres se concentre sur la thématique du changement climatique. Pour la recherche de porte-greffes résistants à l’encre, des tests sont menés sur des plants sativa et de nouveaux hybrides résistants. Quant aux pratiques culturales favorisant la résilience des arbres, les travaux sur l’impact de l’élagage sur la tolérance à la sécheresse montrent qu’il réduit la consommation en eau des arbres. D’autres tests sont réalisés sur l’irrigation ponctuelle des vieux châtaigniers.

La création de vergers conservatoires est à pied d’œuvre également, à Vernoux-en-Vivarais et à Jaujac. « L’objectif est de conserver les variétés ardéchoises et mieux les caractériser, expérimenter leur potentiel sur d’autres secteurs en fonction de l’évolution du climat, et d’introduire des variétés venant d’autres régions castanéicoles pour les évaluer dans un contexte d’adaptation », souligne Michel Grange, président du SDCA. Des vergers conservatoires qui pourraient également avoir une visée grand public, en proposant des visites pédagogiques.

A.L.

À NOTER / Michel Grange passe la main à Jean-Roland Lavergne

Les représentants des syndicats départementaux et régionaux des différentes régions castanéicoles françaises1, réunis au sein du syndicat national des producteurs de châtaignes (SNPC), ont élu un nouveau président lors de leur assemblée générale, les 26 et 27 mars à Montpellier. Il s’agit de Jean Roland Lavergne, producteur et président du syndicat de Dordogne (Sud-Ouest), qui succède à Michel Grange, engagé dans cette fonction depuis 2022.

1. Ardèche, Cévennes, Occitanie, Nouvelle-Aquitaine, Var et Corse.