PROTECTION
Le blanchiment des abris : pour le confort des plantes et des travailleurs

PROTECTION / Avec les périodes de canicule et la durée de la chaleur, ces derniers étés ont rendu incontournable le blanchiment des abris. Une façon de protéger les plants et les personnes qui travaillent sous les serres.

Le blanchiment des abris : pour le confort des plantes et des travailleurs
Un tunnel blanchi à l’argile.

Coups de soleil, pertes de vigueur, attaques d’acariens, feuilles enroulées, coulures de bouquets, culs noirs (nécrose apicale) ou marbrure physiologique (blotchy ripening) : tous ces problèmes peuvent être provoqués, et sont au minimum aggravés, par un excès de rayonnement et une perte d’hygrométrie dans la serre. Le blanchiment peut aider à contrebalancer en partie l’effet des fortes chaleurs d’été en coupant le rayonnement de 30 à 50 % avec pour effet direct une baisse de température et une hausse d’hygrométrie, conditions favorables au développement des plantes, tout en étant limitantes pour le développement de certains ravageurs, tout particulièrement des acariens. De plus, blanchir ses abris permet d’augmenter la durabilité des plastiques et rend le travail beaucoup plus agréable, donc productif.

Quelles cultures blanchir ?

• Les tomates : en plus d’être une culture à fort potentiel économique, les tomates sont très sensibles au blanchiment. Celui-ci permet de réduire la perte de vigueur entraînée par les fortes chaleurs estivales, de rendre le pollen plus fécond (donc limiter les coulures de bouquet), de réduire les microfissures, les collets verts, les culs noirs, et les enroulements de feuilles ainsi que les coups de soleil directement sur les fruits des rangs de bordures Sud et Ouest. En revanche, un blanchiment trop précoce ou trop intensif réduira le potentiel de production.

• Les poivrons : ils poussent doucement, possèdent un faible développement racinaire et un feuillage limité. En plus d’un tuteurage à jour, le blanchiment permet de limiter les risques de coups de soleil et de culs noirs, ce qui aura pour conséquence une plus grande probabilité de réussir des poivrons de couleur.

• Les concombres : la forte luminosité et les fortes chaleurs entraînent une baisse d’hygrométrie qui a pour impact une baisse de surface foliaire, des brûlures de tête et une coulure des fleurs. Le blanchiment permet d’obtenir une lumière diffuse, plus adaptée à la croissance des concombres. Comme pour les poivrons, le blanchiment peut être effectué dès la plantation en période estivale.

• Les aubergines : l’ombrage permet de garder une meilleure vigueur et donc de diminuer les coulures de fleurs en été, surtout dans les exploitations qui n’utilisent que le goutte-à-goutte et non l’aspersion. Il est surtout capital dans la
lutte contre l’acarien tétranyque dont l’activité sera réduite par la réduction de la température et l’augmentation de l’hygrométrie.

• Les fraises : l’ombrage peut être effectué lors des fortes chaleurs. Il permettra d’augmenter la fermeté des fruits et de rendre la cueillette plus confortable. Il impacte également le comportement des acariens et des thrips.

Quand blanchir ?

La date du blanchiment dépend des conditions climatiques et des cultures à protéger. Dès les premières chaleurs, les serres contenant des concombres, poivrons ou aubergines peuvent être blanchies. En effet, ces cultures seront protégées par la peinture sans en pâtir au niveau de la production de fruits. Le blanchiment permettra alors de favoriser la vigueur et d’éviter les brûlures en tête ou les coulures de bouquet. Dans les serres contenant des tomates, un blanchiment trop précoce pourrait retarder la maturation des premiers fruits. Idéalement, et au regard des conditions climatiques de ces dernières années, il est conseillé de blanchir en deux fois. Une première application en mai, à faible dose sur l’ensemble de la surface ou seulement sur les côtés Sud et Ouest, une seconde application en juin sur la totalité de l’abri.

Comment blanchir ?

Le mode d’application est très important dans la réussite du blanchiment. Le moment de la journée et la météo des jours suivants sont à prendre en compte. En effet, la peinture ne sera totalement fixée qu’après une période de 12 heures, ce qui implique une absence de pluie durant cette période. De la même façon, l’application devra être organisée dans la journée pour qu’elle se fasse en matinée après le séchage de la rosée et en l’absence de vent. De plus, la qualité du plastique et surtout sa propreté seront des facteurs de qualité de fixation. L’application doit être répartie de manière uniforme et se faire jusqu’au faîtage. Pour atteindre cet objectif, l’utilisation d’une lance est préconisée. Pour les producteurs diversifiés, l’application peut également se faire avec des atomiseurs/pulvérisateurs de verger. Attention à trouver le bon compromis entre blanchiment et ouverture car, si l’ouverture permet de ventiler donc de réguler la température, la circulation de l’air aura également pour conséquence de baisser l’hygrométrie de la serre et donc de créer des conditions de stress pour la croissance végétale.

Quel produit utiliser ?

De nombreux produits à base de carbonate de calcium et de résines acryliques (usage autorisé en AB) sont disponibles, et présentent a priori peu de différences. On trouve les marques Ombraflex, Climalux, Redusol, Parasoline, EclipseLD, Medit’sol Evolution, et le choix se situera plus au niveau du fournisseur qu’au niveau technique. Deux types de produits sont disponibles. Des versions horticoles plus opaques et avec une adhérence renforcée par davantage de résines acryliques seront réservées à la première application. Le deuxième passage sera réalisé avec un produit standard qui occultera un peu moins et qui sera dégradé plus rapidement par la lumière et lessivé plus facilement par les pluies de fin d’été. Attention à bien vérifier l’état de la couverture en cas de gros orage d’été et réappliquer une couche si besoin.

Pour les producteurs qui veulent blanchir à l’aide de produits non pétrosourcés, diverses options existent. La chaux aérienne éteinte (disponible chez les fournisseurs de matériaux de construction) qui est mélangée à du lait (dose d’utilisation : 10 kg de chaux / hl + 1 litre de lait / hl), mais qui résiste très mal au lessivage et qui doit donc être réappliquée après chaque pluie. Un mélange d’argile calcinée (kaolin) dilué à 5-8 % (type Sokalciarbo) qui peut être éventuellement mélangé avec du blanc d’oeuf ou du fromage blanc pour uniformiser le mélange et augmenter la résistance au lessivage. Bien veiller à diluer préalablement l’argile dans un bac puis de verser le mélange dans le pulvérisateur où aura lieu une dernière dilution qui doit bien être homogénéisée. Il est alors impératif de maintenir l’agitation dans la cuve pendant l’application pour éviter la précipitation. De plus, l’argile étant abrasive, il est fortement recommandé d’utiliser un pulvérisateur équipé d’une pompe à piston-membrane (éviter les pompes à piston).

Quelle dose et à quel prix ?

Pour les peintures acryliques, les doses seront de 25 kg pour 200 litres pour un ombrage léger (si l’ombrage se fait en deux temps ou si l’on est après des orages de mi-août) et de 25 kg pour 100 litres pour un ombrage plus intensif (blanchiment en une fois). En règle générale, on appliquera un mélange de 80 litres pour 1 000 m2. Ceci permettra une bonne homogénéisation de l’application. Les peintures valant entre 2 et 4 € / kg, le coût du blanchiment sera de 20 à 80 € / 1 000 m2.

Les blanchiments à base d’argile seront moins coûteux. On partira sur une base de dilution de 5 à 8 % avec un mélange de 200 litres pour 1 000 m2. Ce type de blanchiment reviendra à 15 à 24 € / 1 000 m2. À noter que sont actuellement testées des applications par drone, en prestation de service (démonstration à l’atelier Tech&Bio maraîchage prévu le 15 septembre 2020 à la Serail, dans le Rhône). Dans tous les cas, le coût de l’ombrage reste relativement faible par rapport au bénéfice que les cultures peuvent en tirer, en particulier dans le contexte actuel de canicules à répétition.

Benoît Aymoz, Chambre d’agriculture
de Savoie Mont Blanc, et Dominique Berry,
Chambre d’agriculture du Rhône

Les filets d’ombrage

Une autre façon de couper le rayonnement vient d’Espagne et commence à être utilisée dans certaines exploitations en France : les filets d’ombrage. Le principe est de fixer des filets d’ombrage par-dessus les tunnels. L’avantage principal est que l’on couvre le tunnel dès les premières chaleurs mais les filets peuvent être retirés et remis pour s’adapter aux changements de climat. Le filet est posé au faîtage du tunnel et couvre les deux tiers du tunnel, laissant les bas de tunnel libres. Les filets sont installés avec des cordes ou des sandows et ancrés dans le sol ou avec des crochets selon les cas. Le coût de ce mode de protection est en revanche supérieur au blanchiment, à hauteur de 1,25 € / m2 pour une durée de vie des filets de trois années.