FILIÈRES
Les impacts de la crise du Covid-19 sur les filières ardéchoises

FILIÈRES / Retour sur les problématiques rencontrées par les exploitants agricoles en Ardèche depuis le début de la crise liée au Covid-19.

Les impacts de la crise du Covid-19 sur les filières ardéchoises

Filières animales

Agneau

En élevage ovin, les éleveurs ont frôlé la catastrophe : « Nous avons pu vendre nos agneaux mais les prix sont bien inférieurs que ce que nous espérions. Les perspectives de vente ne sont pas bonnes », constate Alain Crozier, président du syndicat départemental ovin. Aujourd'hui, le marché de la viande d'agneau revient progressivement à la normale mais il a été complètement déstructuré par la crise liée au Covid-19 ce qui ne laisse que peu de visibilité aux éleveurs ovins. Pendant quatre semaines entre mars et avril, les éleveurs ont subi une baisse des prix de vente de 0,5 à 0,8 € / kg de carcasse et des volumes. Les pertes économiques sont estimées entre 100 000 et 140 000 €. L’abatage de certains lots d'agneaux ont été reportés, limité par la baisse d'activité des marchés d'importation de l'Union européenne. Les ventes en grande et moyenne surface ont connu une baisse significative, bien que très variable. La profession interpelle sur le besoin de développer le travail mené avec les bouchers, qu'ils soient traditionnels ou de grande et moyenne surface afin de rééquilibrer le marché de la viande d'agneau.

Chevreaux

En plein pic de production, les ventes de chevreaux ont chuté en avril, engendrant des stocks de viande importants dans les exploitations et en congelé. Les éleveurs caprins s'inquiètent des perspectives de vente de ces stocks face au frais l'an prochain. Engraisseurs et abatteurs ont aussi connu de grandes difficultés pour poursuivre leurs activités. La profession est unanime sur le besoin de soutenir les engraisseurs et abattoirs, même en dehors de la région Auvergne Rhône-Alpes, sans quoi « cela pourrait affaiblir toute la filière caprine », a prévenu Vincent Vallet, représentant de la section caprine à la FDSEA. La profession réclame aussi des mesures d'incitation à la consommation de viande de chevreau en restauration hors-domicile pour relancer les ventes.

Caprin lait

Le marché des petites laiteries a été grandement impacté, engendrant des arrêts de collecte pour de nombreuses structures et des volumes importants de lait jetés pour les éleveurs. « Le lait ne s'est pas toujours jeté, il s'est aussi vendu à perte », a rappelé Vincent Vallet, représentant de la section caprine à la FDSEA. Avec l'arrêt de la restauration hors domicile et les achats de produits de première nécessité qui ont été privilégiés par les consommateurs durant le confinement et plus largement la crise sanitaire, le marché des produits à forte valeur ajoutée a été totalement perturbé, notamment celui du Picodon.

Bovin viande

« Selon les productions, les impacts économiques varient », a constaté Dominique Laffont, responsable de la section bovin viande à la FDSEA. Avec la réouverture des restaurants, la filière bovin viande a l'espoir de voir son marché reprendre ses couleurs habituelles. Bien qu'il ait globalement bien tenu sur les produits bas de gamme, les pièces nobles ont été plus difficiles à vendre. En veau label, les ventes se sont maintenues mais le marché des broutards reste instable, celui du Fin Gras du Mézenc est en légère reprise mais n'a pas été épargné.

Bovin lait

Les pertes économiques des éleveurs ardéchois sont estimées entre 120 000 et 180 000 € et les stocks de fromages importants. En cause ? Une baisse de production de 10 % demandée par les opérateurs de la filière depuis fin mars. Les PME ardéchoises ont réussi à maitriser la baisse de leur chiffre d'affaires grâce au développement de produits de grande consommation comme le lait UHT. Leurs bénéfices restent grandement impactés. Carrier, Rissoan, Gérentes et la Fromagerie du Vivarais estiment leur perte de chiffre d'affaires entre 5 et 15 %, soit 350 000 et 450 000 €. « La situation est moins catastrophique qu'en élevage caprin lait mais les pertes sont grandes et nous ne savons pas si nous arriverons à écouler nos stocks », a indiqué Hervé Morfin, président des producteurs de lait et représentant de la section bovin lait à la FDSEA.

Équins

Les structures des professionnels de la filière équine ont fait l'objet d'une obligation de fermeture administrative dès le 15 mars. Ils n'ont donc rentré aucune recette jusqu'à la reprise de leurs activités. Aujourd'hui, ils craignent une baisse de fréquentation durant la période estivale. En élevage, aucune vente d'animaux n'a été enregistrée depuis mars en Ardèche.

Équarrissage

Le délai de collecte des équarrisseurs s'est rallongé depuis fin mars, passant de deux à trois jours francs selon les structures.

Filières végétales

Viticulture

Vignerons indépendants et caves coopératives ont subi des pertes économiques importantes depuis mi-mars et espèrent une reprise rapide des ventes. La profession demande de prendre des mesures permettant de dynamiser l'export, une aide à la reprise de l'activité touristique, des aides au stockage, une baisse des charges sociales et des mesures de distillation (70 € / hl) même si elle ne sera utilisée qu'en dernier cours. « Nous attendons que le commerce redémarre et nous comptons sur le soutien de l'État. Il faut soutenir le plan de soutien de la filière viticole », a insisté le président des Vignerons indépendants de l'Ardèche Ludovic Walbaum.

Pour les vignerons indépendants, les pertes économiques sont immenses (70 à 80 % de chiffre d'affaires annuel) suite à la fermeture de la restauration traditionnelle, à la baisse des ventes en direct en raison de l'arrêt des activités d'œnotourisme et l'absence d'événementiel de saison (mariage, festivals, etc.). Tous les produits sont concernés par des baisses de vente.

Les Vignerons Ardéchois, quant à eux, ont perdu 20 à 30 % de leur chiffre d'affaires mais estiment pouvoir se relever de cette crise si les ventes reprennent leur cours habituel. « Nous avons retrouvé dans cette crise la résilience et les outils de la coopérative, avec une clientèle plus large, des ventes axées en GMS et à l'export », a indiqué Jean-François Laville, coopérateur à la Cave d'Alba et responsable de la section viticole à la FDSEA. Volontaires dans la lutte contre le Covid-19, les Vignerons Ardéchois avaient décidé de fermer leurs caveaux. Les ventes de bouteilles et produits à valeur ajoutée ont chuté. Malgré quelques tensions sur la chaîne de conditionnement des BIB par manque de personnel, les ventes en BIB pour la grande distribution ont augmenté.

Les autres caves coopératives qui ne commercialisent pas leurs vins en GMS ont vu, quant à elles, leurs ventes s'arrêter brutalement. Certaines d'entre elles ont eu recours à l'emprunt pour assurer le paiement des acomptes des coopérateurs.

Arboriculture

Le confinement, la fermeture des frontières et les mesures sanitaires ont fortement perturbé l'organisation des travaux dans les vergers et la récolte, notamment sur le recrutement des saisonniers. La main-d'œuvre plus locale, mais souvent non qualifiée, et les protocoles sanitaires à respecter sur les chantiers ont engendré une augmentation des coûts de production. Pour le logement des saisonniers, un partenariat entre la Chambre d'agriculture de l'Ardèche et Gîtes de France ainsi que l'autorisation d'ouverture des campings ont permis de répondre aux besoins. « Les coûts de production sont plus élevés, sur la récolte et les chaines de conditionnement, et les maturités de cueillette sont très resserrées cette année, mais nous préférons rester très vigilants sur le respect des consignes sanitaires », a annoncé Christel Cesana, vice-présidente de la FDSEA. « Les ventes sont au rendez-vous », malgré des débuts compliqués sur le marché de la fraise, et un manque criant de production en abricot à la suite des épisodes de gel. En grande et moyenne surface, les ventes restent importantes mais les arboriculteurs font face à une demande grandissante en circuits courts. Les grossistes et opérateurs économiques, quant à eux, cherchent de nouveaux débouchés car la demande en restauration hors domicile ne connaît pas une vive reprise. La profession espère que le coût des emballages pourra être répercuté sur le prix payé au producteur.

Maraîchage

Pour les maraîchers, il y a encore bien trop de marchés restreints sur le nombre d'exposants ce qui réduit la diversité des produits proposés mais aussi la clientèle, et pourrait poser des problèmes de saturation et d'attente excessive des touristes cet été.

Pépiniéristes et horticulture

D'abord soumis à des fermetures administratives, les pépiniéristes et horticulteurs ont subi des retards d'activité à une période de l'année où ils réalisent l'essentiel de leur chiffre d'affaires annuel. Depuis mi-avril, ils retrouvent progressivement leur équilibre.

Fourrage

Les pluies étaient les bienvenues mais les premières coupes de fourrage ont été très faibles, avec des sols secs en profondeur. « Les premières récoltes de fourrages sont terminées en Nord Ardèche et elles sont catastrophiques, il y a jusqu'à 70 % de pertes », a indiqué Benoit Claret, président de la FDSEA.

Marchés, commerces de proximité, produits à forte valeur ajoutée

Isolés des habitudes de consommation depuis le 15 mars, les produits à forte valeur ajoutée n'ont toujours pas retrouvé leurs niveaux de vente aujourd’hui, impactant sévèrement les exploitations concernées. Les débouchés de proximité, boostés par le développement des drives et les annonces actives des producteurs ardéchois sur Facebook, fonctionnent toujours aussi bien.

Restauration hors domicile et GMS

À la suite de l'arrêt des commandes de la restauration collective et commerciale, D'Ardèche & De Saison a poursuivi son activité pour vendre des produits frais et locaux en grande et moyenne surface principalement. Le redémarrage des acteurs de la restauration collective est actuellement très lent, ne permettant pas aux producteurs de retrouver leurs niveaux de vente.

Accueil à la ferme

Ils gardent tous espoir avec l'arrivée de la période estivale et des touristes ! Accueil, loisirs, fermes auberges, goûter à la ferme, centres et fermes équestres, gîtes et chambres d'hôtes, étaient soumis à une fermeture administrative dès le 15 mars. Toutes ces structures d'activité sont en grande difficulté financière car elles n'ont eu aucune entrée d'argent. Les professionnels concernés craignent de rester exclus des dispositifs d'aide spécifiques au tourisme. En Ardèche, trois exploitations ont connu une très forte perte de chiffre d'affaires et s'estiment en danger. « Nous espérons que l'activité reprendra en juillet et août, ¼ à 1/3 des exploitations vivent de l'agritourisme en Ardèche », a avancé Jacques Talagrand, président de Bienvenue à la Ferme. « Les gestes barrières et protocoles sanitaires sont parfois très contraignants dans nos activités, nous espérons qu'ils seront bientôt assouplis pour remettre la machine en route ! »