AGRITOURISME
Un début de saison en demi-teinte

De nombreuses exploitations font le choix de se diversifier dans le tourisme. Après une année 2022 marquée par la sècheresse, rencontre avec des exploitants pour un bilan mi-saison.

Un début de saison en demi-teinte
Le labyrinthe végétal à Charmes-sur-Rhône. ©AAA_PLéorat

Au Labyrinthe végétal de Charmes-sur-Rhône, Philippe Léorat a diversifié son exploitation depuis une vingtaine d’années. « J’ai eu un déclic à la quarantaine. J’étais dans la production de tomates, de fruits, de semences, j’ai eu envie de changement, c’est un projet familial. » Le volet touristique de son activité représente désormais environ 40 % de son chiffre d’affaires.

Des champs de maïs, transformés en un labyrinthe géant sur trois hectares, ont vu le jour il y a 22 ans. « Chaque année, nous changeons de thèmes et de parcours, pour le jeu. On a tenu à garder l’image agricole. On fait tout nous-même, du semis à l’accueil, aux jus de fruits. J’ai adapté ma production pour avoir du temps afin d’accueillir les clients et nous avons embauché une salariée », explique l’exploitant.

Un début de saison en demi-teinte

« L’an dernier, il y a eu une baisse de la fréquentation à cause de la chaleur, les nocturnes ont bien fonctionné, mais il y a eu peu de consommation », se rappelle Philippe Léorat. « Cette année, le début de la saison a été calme. » Même son de cloche du côté de l’exploitation de Spiruline des Monts d’Ardèche qui organise des visites sur l’exploitation. « En 2023, sur le mois de juillet, il y a eu moins de monde en comparaison avec l’an dernier. Mais depuis le changement de mois, cela nous semble plus actif avec l’arrivée des aoûtiens », expose Pascal Possety, producteur de la Spiruline des Monts d’Ardèche.

L’inflation serait l’hypothèse principale selon les deux exploitants. « Peut-être qu’il y a du monde, mais les visiteurs hésitent à faire des activités payantes et restreignent leur budget », avance, Pascal Possety, dont la fréquentation lors de visites et les déplacements sur les foires locales comprend environ 25 % du chiffre d’affaires de l’exploitation.

« Grâce au réseau Bienvenue à la ferme, nous rencontrons d’autres agriculteurs qui reçoivent également du public, ça permet de se donner des idées, de s’entraider pour la clientèle », ajoute l’exploitant de Charmes.

Une diversification d’activité pour sensibiliser le public

Sur les hauteurs des Monts d’Ardèche, au cœur du massif forestier, l’exploitation de Pascal Bossety et son épouse, Évelyne, est peu commune : ils produisent de la spiruline depuis 2018. « C’est un organisme très rustique, un aliment traditionnel ancestral qui existe depuis 3 milliards d’années. J’en suis tombé sous le charme lors de ma formation agricole en 1999 », explique le Lyonnais d’origine. « Nous avons 650 m2 de bassin, sur une année, nous consommons 250 m3 d’eau par an, c’est un cycle vertueux en circuit fermé. Nous produisons dans notre laboratoire environ 600 kg de produit sec, en brindille et comprimé. »

La diversification de leur activité agricole est impulsée par la fédération des Spiruliniers de France : « L’objectif est d’ouvrir nos exploitations, d’organiser des visites sur rendez-vous afin de démystifier la spiruline. Faire comprendre que ce n’est pas une consommation magique, ni destinée uniquement aux véganes, c’est un complément alimentaire. C’est important d’afficher la transparence et de démocratiser le produit, car la spiruline, c’est à 90 % de l’importation de l’autre bout du monde ».

Plus au sud de l’Ardèche, les Ruchers de l’Ibie se sont également posé la question de la diversification de leur exploitation, face notamment au changement climatique. « Nous avons 450 ruches en production pour 7 à 8 miels différents », avance Élodie Leullier, qui a créé son exploitation en 2010 à Lagorce et a depuis été rejointe par son époux. « Nous nous sommes d’abord diversifiés dans la vente d’essaims. On en vend environ 300 à l’année, cela compense les années où il y a moins de miel. Car être dépendant de sa production de miel est stressant, avec le changement climatique. »

Un avis partagé par Philippe Léorat, dont le labyrinthe composé d’épis de maïs sera entièrement remplacé d’ici deux ans par du miscanthus (herbe à éléphant), moins vorace en eau, qu’il commercialise pour le paillage. « Avec la sécheresse de l’an dernier, le maïs est devenu jaune le 20 août. »

Élodie Leullier ajoute de son côté : « Nous avons compensé également avec la diversification tournée vers le tourisme pour faire découvrir notre métier. En embauchant une personne pour nous dégager du temps afin de faire des visites, depuis trois ans ». S’ils n’ont pas encore assez de recul pour comparer le flux de visiteurs sur l’exploitation, ils ont mis en place depuis cette année des baptêmes en apiculture. « En plus des visites, on propose une exposition photo et nous avons comme projet de créer quatre films documentaires avec des thèmes différents. L’important pour nous est de montrer aux gens le travail derrière le pot de miel, mais aussi de sensibiliser le public aux fraudes qui touchent les producteurs. Car il y a énormément de mauvaises pratiques. Le public ne s’imagine pas le travail derrière et tout le matériel nécessaire. Nous souhaitons casser cette image de vol du travail des abeilles et expliquer qu’on les aime et qu’on en prend soin », conclut vigoureusement l’exploitante.

Tous ont en commun l’envie de partager leur métier avec un public qui ne connaît que très peu l’envers des exploitations agricoles.

Marine Martin

Zoom sur le réseau Bienvenue à la ferme

Bienvenue à la ferme est un réseau d’exploitations diversifiées dans l’accueil à la ferme, gîtes et camping ou encore fermes équestres. Elles ouvrent leurs portes afin de faire découvrir les savoir-faire agricoles et les produits locaux divers et variés du territoire ardéchois.