DIVERSIFICATION
Des chênes truffiers prennent racine dans leur vignoble

Viticulteurs à Alba-la-Romaine, Jérôme Poutrel et Christine Sevenier ont choisi d’intégrer des chênes truffiers sur leur exploitation. Une voie de diversification qui présente des intérêts agroforestiers, témoignent les vignerons.

Des chênes truffiers prennent racine dans leur vignoble
Près de 500 tilleuls, charmes, chênes verts et chênes blancs ont été plantés sur un hectare aux abords du vignoble, en alternant les espèces. ©AAA_AL

Installés sur 13 hectares d’un seul tenant, Jérôme Poutrel et Christine Sevenier (Gaec de La Levée) ont planté des chênes truffiers avec l’envie d’implanter des haies sur leur vignoble et de se diversifier. « Quitte à planter des haies, autant planter des arbres qui produisent », estiment-ils. « On cherchait aussi quelque chose qui puisse s’adapter aux pointes de travail. Il y a moins de rigueur à avoir sur la truffe que sur une autre production de diversification puis je trouve que ça se marie bien avec la vigne », précise Jérôme Poutrel. La truffe séduit également ces viticulteurs qui travaillent avec la cave coopérative d'Alba-le-Romaine et produisent en moyenne 70 hl/an, car en tant qu’irriguants de l’Escoutay et équipés au goutte à goutte sur une dizaine d’hectares, ils peuvent facilement irriguer leurs cultures.

500 arbres truffiers plantés entre 2020 et 2021

L’adhésion au syndicat des trufficulteurs d’Ardèche leur permet de recueillir de nombreuses informations utiles sur l'implantation de cette culture et d’accéder aux aides mises en place par le Département et la Région Auvergne Rhône-Alpes dans le cadre d’un plan de filière. « Après avoir suivi des visites dans des truffières, nous avons fait le choix de nous orienter vers la production de truffes noires (Tuber Melanosporum) et d’irriguer les arbres par aspersion et non par micro-aspersion comme cela peut se faire habituellement pour des truffières, car nous sommes déjà équipés par un système d’aspersion intégral sur l’exploitation », poursuit Jérôme Poutrel.

Aux abords du vignoble, ils ont planté près de 500 tilleuls, charmes, chênes verts et chênes blancs sur un hectare, pour moitié en 2020 puis en 2021. Alternant les espèces entre chaque arbre, ils ont été plantés à intervalle régulier tous les 4 mètres sur des rangées espacées de 5,50 mètres. Un demi-hectare de vigne a été planté en association avec des arbres truffiers, le reste essentiellement en truffière. « J’ai fait du drainage sur les rangées hautes, là où ça craignait le plus au niveau de l’eau, et suivi les méthodes classiques de plantation, en m’appuyant sur les expériences recueillies auprès du syndicat des trufficulteurs », ajoute le vigneron, qui espère obtenir une première production de truffes noires en fin d’année 2024.

Créer des abris et une réserve d’insectes auxiliaires

L’objectif de cette nouvelle plantation est aussi de créer des abris pour les oiseaux et une réserve d’insectes auxiliaires qui participeraient à la lutte contre les ravageurs de la vigne. Jérôme Poutrel et Christine Sevenier sont d’ailleurs engagés dans diverses techniques culturales qui favorisent la biodiversité dans leur vignoble, dont celle des couverts végétaux depuis cinq ans. Ils viennent tout juste aussi de finaliser la conversion de leur vignoble en agriculture biologique. « C’était important pour nous de le faire d’un point de vue éthique. C’est un travail de longue haleine ces techniques culturales, mais c’est une manière d’accroître la résilience des sols face au changement climatique donc de préserver nos outils d’exploitation, de réduire les sources de contamination et de pérenniser le vignoble qui sera plus facile à transmettre à terme », explique le vigneron, ancien éleveur bovin viande et lait en Bretagne.

Il s’est équipé notamment de pulvérisateurs anti dérive et de panneaux récupérateurs pour les premiers traitements des vignes, afin de réduire la dérive des fongiques vers les arbres truffiers. « Les arbres et les vignes sont assez éloignés aussi pour le passage d’engins car je tenais à ce que ça reste mécanisable. » Il s’est doté également d’un broyeur décalé pour ne pas empiéter sur les sols argileux.

1,2 ha de plantation supplémentaire d’ici fin 2024

Leur projet ne s’arrête pas là car Jérôme Poutrel et Christine Sevenier prévoient d’installer une plantation supplémentaire d’1,2 hectare en fin d’année 2024. Cette fois-ci, elle sera composée uniquement de chênes verts et de chênes blancs. « La trufficulture n’est pas une science exacte mais si cela ne marche pas, nous aurons planté des arbres, puis avec les aides du plan de filière cela ne représente pas un investissement démesuré », analyse Jérôme Poutrel.

À raison d’un coût moyen de 12 € par plant, une aide de 9 € était en effet accordée dans le cadre d’un plan de filière régional accompagné financièrement par les Départements de l’Ardèche et de la Drôme entre 2019 et 2022. Dans le département, il a soutenu l’achat de plus de 8 000 plants, majoritairement par des agriculteurs pour de la diversification.

Un second plan de filière régional, dont la signature officielle aura lieu le 15 février prochain à Châteaubourg, a été conclu pour la période 2023-2027, avec des aides à la plantation amplifiées.

A.L.

Jérôme Poutrel est installé en Gaec avec sa femme Christine Sevenier, à Alba-la-Romaine. ©AAA_AL