RÈGLEMENTATION
Agrément atelier fromager : « pas de révolution majeure »

Propos recueillis par Amandine Priolet
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Le nouveau dossier-type d’agrément fermier pour les producteurs laitiers fermiers et artisanaux est entré en vigueur le 28 octobre dernier. Explications avec Sylvie Morge, technicienne spécialisée au sein des chambres d’agriculture de l’Ardèche et de la Drôme.

Agrément atelier fromager : « pas de révolution majeure »

Dans quel contexte la révision du dossier-type d’agrément a-t-elle été effectuée ?

Sylvie Morge : « Rédigé comme outil de référence en 2008 par l’administration et la Fédération nationale des éleveurs de chèvres (Fnec), le dossier de demande d’agrément sanitaire pour les ateliers laitiers fermiers se devait d’être remis à jour, face à l’évolution réglementaire du guide de bonnes pratiques d’hygiène (GBPH) français vers le GBPH européen en décembre 2016. Ce guide constitue la référence pour tous les points du plan de maîtrise sanitaire, à la fois sur les critères microbiologiques, les dangers chimiques et les dangers physiques. Dans ce cadre, le dossier-type d’agrément français devait donc être revu et calqué sur la réglementation européenne. »

Quels acteurs ont travaillé à la révision de ce dossier-type ?

S.M. : « La direction générale de l’alimentation (DGAL) a demandé à la Fnec et à la FNPL (Fédération nationale des producteurs laitiers, ndlr), en lien avec l’Institut de l’élevage et le groupe de réflexion composé de techniciens du réseau « Produits laitiers fermiers », de travailler sur cette révision. Techniciens et professionnels de la filière ont pu être force de propositions dans cette concertation avec l’administration, afin d’être vraiment en relation avec le GBPH européen. Ce travail a pu se faire grâce à l’obtention d’un financement Anicap, l’interprofession du lait de chèvre collecté et transformé à la ferme.

Quelles différences notables peut-on remarquer dans ce nouveau dossier-type ?

S.M. : « Il n’y a pas eu de changement particulier, ni de révolution majeure, dans le contenu. Les modifications se sont plutôt portées dans le déroulé du dossier. C’était une manière plus claire d’avoir un outil de référence pour écrire ce plan de maîtrise sanitaire en cohérence avec le GBPH européen. Toutefois, ce dossier d’agrément prend en compte la note de service flexibilité mise en place par la DGAL, qui apporte quelques aménagements possibles pour les producteurs français. Ceux-ci concernent les locaux, équipements et opérations de maintenance, le nettoyage et la désinfection, la lutte contre les nuisibles, les matières premières, les contrôles à réception et à expédition, la gestion de l’eau et des déchets, la gestion des températures de stockage, la maîtrise des procédés de fabrication, la conformité des produits finis, la traçabilité, la santé du personnel, la connaissance des process... »

De quels types de dérogations un producteur français peut-il bénéficier ?

S.M. : « Contrairement à la réglementation européenne, la note de service flexibilité instruite par la DGAL autorise par exemple les producteurs à combiner la fonction du sas d’entrée avec une autre activité (salle de vente ou d’emballage, salle de lavage). Autre exemple avec les analyses sur la matière première, le lait. Il est possible de rechercher les micro-organismes traceurs d’hygiène (staphylocoque, E.Coli) plutôt que les germes dans le lait que l’on va transformer. Cette analyse s’avère plus utile puisqu’elle aide à anticiper la maîtrise sanitaire des futurs fromages. Si une présence de ces traceurs est relevée, il sera alors nécessaire d’agir en amont, sur la traite ou les animaux ».

L’évolution de ce dossier-type remet-elle en question les agréments déjà validés ?

S.M. : « Cette nouvelle version du dossier-type d’agrément ne remet pas en cause les agréments accordés sur la base du modèle de 2008 et ne requiert pas de réécriture complète. Toutefois, les exploitants ont l’obligation de tenir à jour leur dossier, notamment en cas d’évolutions majeures au sein de leur activité (nouveaux produits, problème sanitaire, etc.), et d’en informer les services de contrôle de la direction départementale de la protection des populations (DDPP ou DDCSPP) de leur département. En revanche, toute demande d’agrément formulée après le 28 octobre 2021 doit être réalisée à partir de la nouvelle version, au même titre que les nouvelles démarches entreprises par un atelier déjà existant. »

Aujourd’hui, la totalité des producteurs laitiers fermiers et artisanaux sont-ils soumis à cet agrément ?

S.M. : « Tous les producteurs de produits laitiers fermiers sont soumis au GBPH européen* mais le dossier d’agrément doit être uniquement rempli – et validé par l’administration – par les fromagers qui ont des canaux de commercialisation avec des intermédiaires éloignés de leur exploitation. Tous les producteurs qui vendent leurs produits en vente directe (magasins de producteurs, tournées, marchés, salons) n’ont pas besoin d’avoir un statut d’agrément communautaire. Enfin, certains doivent simplement demander une dérogation à l’agrément pour obtenir l’autorisation de commercialiser jusqu’à 30 % de leurs produits annuels dans un rayon de 80 à 200 km à des intermédiaires. Au-delà, l’agrément communautaire sera nécessaire. »

Avez-vous un conseil pour la rédaction de ce dossier d’agrément ?

S.M. : « La Fnec et la FNPL ont travaillé sur un outil complémentaire intitulé « notice d’accompagnement » visant à aider les producteurs à remplir ce nouveau dossier type. De plus, la démarche peut être accompagnée par des techniciens de terrain des chambres d’agriculture ou autres structures pour guider au mieux les professionnels parfois démunis face à ces quarante-quatre pages. D’autre part, il est toujours intéressant d’avoir un regard extérieur avant l’envoi à la DDPP, afin d’éviter tout manquement au dossier. »

*Chaque producteur devra avoir mis à jour son plan de maîtrise sanitaire avec le GBPH européen avant 2025.
Sylvie Morge, conseillère spécialisée produits laitiers fermiers au sein des chambres d’agriculture de l’Ardèche et de la Drôme. ©DR