CONSEILS
Créer un point de vente fermier : mode d’emploi

Nicolas Bernard
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Entre l’idée d’un magasin fermier et sa concrétisation, le chemin peut être long et parfois complexe. Aude Forget, conseillère en circuits courts à la chambre d’agriculture d’Alsace, dresse les points essentiels à avoir à l’esprit.

Créer un point de vente fermier : mode d’emploi
Dans un point de vente fermier, comme dans une grande surface, la circulation des clients et la disposition des îlots de produits doivent être soigneusement étudiés. ©Laura Kling - Paysan du Haut-Rhin

Un magasin de vente de produits fermiers ne s’improvise pas. Comme tout établissement recevant du public, il y a certaines obligations à respecter, mais aussi du bon sens à mettre en œuvre. Il y a, en préambule, la nature de l’activité à déterminer : est-ce uniquement de la vente de produits de sa propre exploitation, ou est-ce un magasin d’achat-revente ? « Dans le premier cas, c’est considéré comme une activité agricole, dans le second, c’est une activité commerciale. On ne peut donc pas implanter son bâtiment de vente où l’on veut », indique Aude Forget, conseillère en circuits courts à la chambre d’agriculture de l’Alsace. Viennent ensuite les questions inhérentes à la réglementation. En tant qu’établissement recevant du public jusqu’à deux-cents personnes, les normes d’accessibilité et de sécurité incendie sont très encadrées. Du parking à la circulation dans le magasin, le parcours doit être soigneusement réfléchi pour permettre aux personnes à mobilité réduite de se déplacer sans encombre. Pour la sécurité incendie, outre le respect des normes comme les écarts minimums au feu, un plan d’évacuation est obligatoire. Pour la partie extérieure, si le secteur est classé par les Bâtiments de France, il peut y avoir des règles à respecter sur les couleurs et le dimensionnement de l’enseigne. « Mais même dans un secteur non classé, la commune a le pouvoir d’imposer certaines conditions », indique Aude Forget. Concernant le stationnement, si celui-ci n’est pas sur la voie publique, il doit forcément intégrer au moins une place, signalée au sol, pour les personnes à mobilité réduite.

Bien connaître les normes en vigueur

Une fois que les aspects réglementaires de base sont bien intégrés, on peut passer à la phase concrète de la construction ou de l’aménagement. En fonction des compétences, de son budget, de son temps disponible et de son envie, l’agriculteur peut très bien décider de tout faire lui-même ou de faire appel à un professionnel. « Dans les projets que l’on accompagne, il y a un peu de tout. Certains font le choix de l’auto-construction, d’autres non. Il n’y a pas de contrainte par rapport à ça. L’essentiel, c’est de bien connaître la réglementation et les normes à appliquer. D’où la nécessité de se faire accompagner par des conseillers avisés », pointe Aude Forget. Avec ce regard extérieur, et essentiel, l’agriculteur se rend vite compte si son projet est viable ou non, notamment dans le cadre de l’aménagement d’un local existant. « Il arrive ainsi que certains projets soient retoqués car les locaux sont trop petits pour respecter les normes d’accessibilité. Parfois, la forme du lieu n’est pas idéale, alors il faut s’adapter en conséquence. » Parmi les prérequis à avoir en tête dans l’aménagement de son point de vente, une largeur d’au moins 1,40 m au sol dans les allées pour permettre une circulation fluide, ainsi qu’une largeur de 90 cm minimum pour les portes. Autre point essentiel : le respect de la chaîne du froid, du stockage à la vente. Pour la température du magasin, pas de contrainte particulière. « Là, c’est plus une question de confort pour la clientèle, mais aussi de maîtrise de la qualité du produit. Si on est dans un endroit fortement exposé au soleil, la température peut vite grimper. Les produits peuvent alors se dégrader plus rapidement. C’est un point que l’on demande d’anticiper aux porteurs de projet. On peut étudier la nécessité d’investir ou non dans un climatiseur ou un brumisateur. »

Créer une identité, susciter l’envie

L’autre paramètre à prendre en compte lorsque l’on veut créer un point de vente fermier, c’est celui de l’ambiance générale du lieu, ses couleurs, ses matériaux, et l’implantation des différents îlots de produits et de la caisse. « Sur ce point, il n’y a rien d’obligatoire, mais plutôt du bon sens à mettre en œuvre. Il faut essayer d’avoir le meilleur sens de circulation possible, alterner les zones froides et chaudes, et les produits d’appel avec les autres produits », développe la conseillère de la chambre d’agriculture. Il est par exemple conseillé de positionner les produits de base dans une partie un peu éloignée, ce qui va accentuer la fréquentation des îlots plus « secondaires ». On peut également disposer les produits lourds - sacs de pommes de terre, de pommes, boissons - en fin de parcours afin de ne pas être chargé depuis l’entrée. Celle-ci, dans la mesure du possible, doit être positionnée à droite du parcours, et la sortie à gauche. Une disposition « naturelle » que l’on retrouve dans les grandes surfaces et qui a fait ses preuves jusqu’à aujourd’hui. « Évidemment, ce n’est pas toujours possible ou souhaité par l’agriculteur. Des exceptions existent, mais on ne sent pas pareil quand on déambule dans ces magasins », témoigne-t-elle encore. L’emplacement de la caisse est également stratégique, à la sortie du parcours, tout en offrant une vision panoramique sur le magasin. « Cela permet d’accueillir facilement les clients, mais aussi d’encaisser facilement, sans gêner la circulation. » Il est enfin conseillé de réfléchir à l’évolutivité et à la modularité de son point de vente de fermier. Celui-ci doit être en mesure de s’adapter facilement aux saisons et aux moments festifs de l’année, avec des meubles sur roulette par exemple. Et puis il y a la touche finale, propre à l’agriculteur, à savoir la décoration qui va créer l’ambiance du lieu. « C’est vraiment très important que le magasin ait un bel aspect visuel, qu’il ait sa propre identité, qu’il soit chaleureux. C’est ce qui va donner envie aux clients de rentrer dans le point de vente, et surtout de s’y attarder. »