GESTION DES RISQUES
Assurances climatiques : FDSEA et JA appellent à « changer de logiciel »

Marin du Couëdic
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Un conseil fédéral FDSEA/JA s’est tenu le 4 janvier sur le thème de la gestion des risques climatiques et sanitaires en agriculture. En déplacement à Bozas et à Valvignères, les responsables syndicaux ont appelé à une refonte complète du système assurantiel pour « protéger l’ensemble des producteurs ardéchois et préparer l’avenir ».

Assurances climatiques : FDSEA et JA appellent à « changer de logiciel »
Cette journée auprès des adhérents a permis aux élus FNSEA de présenter le projet de loi sur l'assurance récolte et de s'imprégner des retours du terrain.

Bâtir un système d’assurance récolte plus performant et accessible à tous les agriculteurs face à des aléas climatiques de plus en plus fréquents. Voilà, en substance, le message porté par la FDSEA et Jeunes agriculteurs (JA) Ardèche lors d’un conseil fédéral organisé le 4 janvier 2022 à Bozas puis à Valvignères. Au nord comme au sud du département, sur un territoire marqué par des épisodes récurrents de sécheresse, de gel et de grêle, les responsables syndicaux ont plaidé pour une réforme en profondeur des outils de gestion des risques climatiques. En ligne de mire, un dispositif national des calamités agricoles perçu comme « à bout de souffle » et une offre assurantielle « inadaptée » à certaines productions, notamment l’arboriculture.

« L’épisode de gel de l’année dernière nous a fait prendre conscience des manquements qui peuvent exister face aux risques climatiques. En Ardèche, nos petites productions diversifiées ont trop souvent été exclues des dispositifs d’aides. Il est urgent de protéger les agriculteurs alors que les projections pour les décennies à venir montrent une accélération de ces phénomènes », a déclaré Christel Cesana, présidente de la FDSEA. « Nous avons le devoir d’avancer rapidement face à un changement climatique qui va plus vite que nous », a abondé Joël Limouzin, vice-président FNSEA invité à expliquer le projet de loi en compagnie de David Ailhaud, administrateur JA National. « Notre rôle de syndicalistes, c’est de maintenir la production partout sur le territoire en nous battant pour une offre assurantielle équilibrée et un engagement fort de l’État », a-t-il poursuivi. 

« Augmenter le nombre d’assurés »

Tout au long de la journée, les élus se sont ainsi attachés à présenter les contours de ce projet de loi examiné depuis la semaine dernière à l’Assemblée nationale. Prévu pour une application au 1er janvier 2023, le texte repose sur une articulation entre des fonds publics (solidarité nationale) et un dispositif assurantiel privé. Il fixe un cadre global en établissant le principe du guichet unique, avec la désignation d’un interlocuteur agréé, l’assureur.

Dans le détail et à ce stade, ce nouveau système considère que la situation est gérable pour l’agriculteur jusqu’à 20 % de pertes de récolte sans menacer la survie de l’entreprise. Au-delà, c’est l’assurance qui prendrait le relais. Le dispositif de solidarité nationale se déclencherait quant à lui à partir de 30 % de pertes en arboriculture et prairie et de 50 % de pertes en viticulture et grandes cultures. La règle de calcul serait basée sur une moyenne dite olympique sur les cinq dernières années.

Pour que ce modèle soit viable, il suppose l’augmentation massive du nombre d’agriculteurs assurés, en vertu d’une « solidarité professionnelle » qui permettrait de faire baisser les prix des souscriptions. « L’idée est de se donner une règle commune d’assurance accompagné d'une complémentaire selon les capacités financières et les besoins de chaque exploitation », précise Joël Limouzin. Particulièrement visée, l’arboriculture, où le taux de couverture ne dépasse pas les 3 % à l’échelle nationale, alors qu’il avoisine les 30 % d’assurés en grandes cultures et en viticulture.

« Un syndicalisme de solutions »

Appliqué à l’Ardèche, l’ambition est de proposer une formule adaptée à tous les agriculteurs, indépendamment de leur type de production et prenant en compte les différents ateliers au sein d’une même exploitation.

Ces explications ont donné lieu à de nombreuses questions des agriculteurs adhérents. « Après huit années d’aléas climatiques sur notre secteur, les assurances vont-elles continuer à nous assurer et à quel prix ? », se sont inquiétés plusieurs producteurs du canton de Bourg-Saint-Andéol. Réponse rassurante des responsables syndicaux, qui ont rappelé leur combat pour un coût équilibré. Ils ont également indiqué que le financement des protections végétales comme les filet antigrêle est une priorité pour 2022 et dans le cadre du prochain programme régional de la PAC.

« Nous devons trouver un équilibre pour continuer nos métiers respectifs », a estimé Claire Merland, présidente de la fédération départementale de Groupama Méditerranée, après avoir rappelé que les assurances sont parties prenantes de cette réforme gouvernementale soutenue par la FNSEA.

Défendant une vision « réaliste » de la gestion des risques agricoles, les élus syndicaux ont rappelé leur souhait de « prendre en compte la réalité de chaque situation » et de « ne pas tout demander à l’État ». « Nous devons continuer à sonder les agriculteurs et trouver des solutions collectives pour construire l’avenir », ont-ils conclu.

PHYTOS / La cerise au centre des inquiétudes

PHYTOS / La cerise au centre des inquiétudes

Confrontés aux phénomènes climatiques, les producteurs de cerise font également face à des restrictions sur l’usage de produits phytosanitaires. Ils ont manifesté leur vive inquiétude lors de ce conseil fédéral.

« On ne veut pas lâcher la cerise. » En Ardèche, les arboriculteurs sont vent debout contre la probable interdiction de l’insecticide phosmet par la Commission européenne. Réunis à Bozas, le 4 janvier, à l’occasion du conseil fédéral de la FDSEA/JA, ils l’ont fait savoir lors d’un échange amer avec les élus syndicaux. « Nous produisons toujours mais dans quelles conditions ? Nos vergers sont implantés en terrasses où aucune autre culture n’est possible et les produits de substitution ne sont pas efficaces. Nous n’avons pas de solutions », ont regretté ces producteurs nord-ardéchois. Très inquiets, leurs homologues du sud Ardèche ont carrément émis l’idée d’ « arracher leurs arbres et de passer à autre chose ».

« Cette problématique phytosanitaire en arboriculture, c’est l’inquiétude majeure du secteur. Les producteurs sont dans une impasse technique dans la lutte contre les maladies et les ravageurs après les retraits successifs des solutions de protection des vergers », a exposé Sylvain Bertrand, président JA du canton de Lamastre.

« Maintenir la pression sur les fabricants »

« Les phytos, c’est un sujet qui nous occupe toutes les semaines sur le bureau de la FNSEA, a répondu Joël Limouzin, vice-président du syndicat en déplacement en Ardèche. Nous maintenons la pression sur les associations spécialisées et les entreprises fabricantes pour qu’elles redemandent les homologations dans notre pays ». Les élus syndicaux ont aussi rappelé leurs attentes sur la présidence française du Conseil de l’Union européenne, alors que certaines molécules sont interdites en France mais autorisée dans d’autres pays du continent.

« Nous n’en sommes pas à jeter l’éponge mais à trouver des solutions pour protéger les vergers, a réagi Christel Cesana, présidente de la FDSEA. À court terme, limiter l’interdiction et prolonger l’homologation des produits avant d’avoir accès à des solutions de luttes biologiques ».

Ils l'ont dit

Jérôme Volle, vice-président FNSEA et viticulteur à Valvignères : « L’État a compris que l’agriculture ne pourra pas tenir seule face aux aléas climatiques. Avec ce projet de loi, nous sommes dans un schéma d’accompagnement fort pour l’avenir et vers la souveraineté alimentaire. Nous mettons tout en œuvre pour que ce dossier soit voté et les ordonnances écrites avant les élections présidentielles. »

Benoit Claret, président de la Chambre d’agriculture de l’Ardèche : « Le dispositif des calamités agricoles est à bout de souffle. Face aux situations climatiques exceptionnelles qui se répètent, il faut le réformer pour s’adapter aux enjeux actuels. Aujourd’hui, nous devons accéder à une assurance équilibrée pour tous et une solidarité nationale prête à se déclencher en cas de coup dur. »

Christel Cesana, présidente de la FDSEA de l’Ardèche : « Notre volonté à l’échelle ardéchoise est d’apporter une solution à toutes les productions. Assurer la pérennité de nos exploitations, c’est s’assurer qu’ils ne se retrouveront pas à genoux si un gros problème survient. »

Benoît Breysse, président des JA Ardèche : « L’assurance récolte est un outil indispensable. Il nous faut trouver un système assurantiel cohérent pour assurer des revenus et une stabilité à tous, et notamment pour les jeunes afin d’assurer le renouvellement des générations. »

Bozas
Joël Limouzin, vice-président FNSEA, et David Ailhaud, administrateur JA National, sont venus à la rencontre des agriculteurs adhérents lors de ce conseil fédéral.