FRUITS
La main-d’œuvre, le fer de lance de l’arboriculture

Amandine Priolet
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Le 14 décembre dernier, l’association Fruits Plus a organisé la neuvième édition des Rendez-vous de l’Arbo dans la Drôme à destination des professionnels de la filière arboricole. L’occasion de revenir sur les sujets d’actualité et d’aborder les défis à venir.

La main-d’œuvre, le fer de lance de l’arboriculture
En 2019, 187 278 postes de permanents et saisonniers étaient à pourvoir dans la filière arboricole fruitière (contre 216 885 en 2008). ©DR

« Notre profession a rarement été autant éprouvée ces dernières années par des problématiques nombreuses et complexes. Nous avons notamment connu en Auvergne Rhône-Alpes des aléas climatiques qui nous ont amenés à nous interroger sur le fonctionnement de nos entreprises. Nous avons essayé de faire en sorte de ne laisser personne au bord du chemin. Grâce à cela, nous n’avons pas perdu de producteurs, mais des surfaces lors de réajustements stratégiques sur les exploitations », a déclaré Régis Aubenas, président de l’association drômoise Fruits Plus, en ouverture de la 9e édition des Rendez-vous de l’Arbo en Auvergne Rhône-Alpes. Cet évènement, organisé à Portes-lès-Valence (Drôme), a permis de passer en revue les principales difficultés de la filière arboricole et d’aborder les défis de demain. « Il faut arriver à se projeter pour pouvoir assurer la pérennité de nos entreprises de production ou de mise en marché. Aujourd’hui, le moment est bien choisi pour faire des choix stratégiques. Ne laissons à personne le soin de penser notre métier pour demain. C’est à nous de le faire », a-t-il ajouté devant 170 professionnels et acteurs de la filière.

Attirer la main-d’œuvre

Parmi les enjeux pour la filière évoqués au fil de la journée, le sujet préoccupant de la main-d’oeuvre. Stéphanie Prat, directrice de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF), a dressé un état des lieux de l’emploi en arboriculture fruitière. « Le nombre des exploitations a chuté de 36 904 à 23 370 entre 2008 et 2019, soit une baisse de 37 %. On remarque également un vieillissement de la population agricole et un taux de renouvellement assez bas. Par ailleurs, en 2019, 187 278 postes de permanents et saisonniers étaient à pourvoir (contre 216 885 en 2008). On constate, également, une augmentation des heures supplémentaires qui pourrait attester d’une difficulté de recrutement. Il y a un vrai problème d’attractivité lié sans doute à la méconnaissance du métier et à une profession très technique et très diversifiée », a-t-elle indiqué. Pour créer du lien, Pauline Vialaret a fondé, il y a trois ans, l’association Terre 2 Cultures. La structure se mobilise pour l’intégration de personnes réfugiées, afghanes notamment, dans un milieu agricole en recherche de main-d’oeuvre. Ces personnes ont l’avantage de disposer déjà d’une connaissance du secteur. « Aujourd’hui, 86 % de la population afghane active travaille dans l’agriculture », a expliqué Pauline Vialaret. Pas encore implantée en région Auvergne Rhône-Alpes, l’association intervient principalement dans le Gard et le Tarn-et-Garonne. La FDSEA de la Drôme s’est également penchée sur le sujet avec la mise en place d’un groupe de travail, ont indiqué Marc Fauriel, responsable professionnel de la main-d’oeuvre étrangère, et sa chargée de mission, Laure Midonnet. Un projet politique a été élaboré en partenariat avec de nombreux acteurs locaux comme Agri Emploi, l’Adefa, la Chambre d’agriculture et les employeurs. Cette réflexion a fait émerger deux autres difficultés : le logement et la mobilité. Aujourd’hui, la cible est portée sur un public large et varié : les contrats OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) saisonniers, les réfugiés, les étudiants, les détenus, les militaires et les permanents.

Une formation pour les productions fruitières

« La main-d’oeuvre est le fer de lance de notre filière », a indiqué Marc Fauriel. « Nous sommes face à un défi important et il n’y a pas de solution unique, alors que 30 000 saisonniers (en année normale) travaillent dans la Drôme. Aussi, le lancement du certificat de qualification professionnelle (CQP) « salarié qualifié en production fruitière » apporte une réponse à ce besoin de main-d’oeuvre compétente. Ce CQP a pour objectif de répondre aux besoins des entreprises et des exploitations arboricoles sur des postes spécifiques, de favoriser le salariat et de renforcer l’adaptation des compétences des salariés en activité. » Olivier Mevel, consultant en stratégie des filières alimentaires et grand témoin de cette journée, a parlé « du besoin, en France, de redonner de la noblesse aux métiers agricoles, une noblesse qui a disparu au fil des années, en parallèle de la montée en puissance de l’emploi logistique. L’espoir vient des jeunes générations qui cherchent à retrouver le lien à la terre. Il y a vrai intérêt aujourd’hui de lever l’anonymat sur l’origine des productions, sur ce qu’est l’agriculture », a-t-il conclu.

Amandine Priolet

SOUTIEN / Rappel des dispositifs d’aides

par la filière arboricole, d’importants investissements sont réalisés. Pour accompagner les producteurs, il existe divers dispositifs régionaux de soutien aux investissements, notamment le Plan fruits. « L’idée de ce plan est de pouvoir accompagner la transition et la montée en gamme du verger mais aussi de l’outil qui va derrière pour la mise en marché », a expliqué Régis Aubenas. La mesure 4.12 V (disponible jusqu’au 6 mai 2022) concerne la rénovation des vergers (taux d’intervention de 40 à 60 %). « Tout producteur qui s’inscrit dans une dynamique territoriale peut accéder à ce dispositif », précise-t-il. La mesure 5.10 (date butoir au 29 avril 2022, taux de 60 à 80 %) permet d’investir dans du matériel de protection des productions fruitières (gel, grêle, vent, pluie, soleil, ravageurs). « Plus d’1,5 million d’euros est engagé chaque année sur la protection climatique. » La mesure 4.21 F (taux de 10 à 40 % selon le montant des dépenses) concerne, quant à elle, les outils de transformation et de stockage des stations fruitières dans les exploitations agricoles. Par ailleurs, le plan de relance a permis aux arboriculteurs ayant atteint le plafond des aides régionales de bénéficier de nouvelles subventions pour l’achat de matériel de protection.

A.P.

VERGERS / Des surfaces régionales en déclin
©DR

VERGERS / Des surfaces régionales en déclin

Invitée aux Rendez-vous de l’Arbo, Muriel Millan, responsable technique de l’AOP pêches et abricots de France, a dressé un état des lieux du verger régional et de son évolution. Elle a d’abord indiqué qu’en abricots français, les surfaces de production étaient en nette diminution (- 20 % en 15 ans), avec 12 200 hectares. « La baisse des plantations se poursuit avec seulement 1,1 % de renouvellement de l’AOP », a-t-elle souligné. La région Aura détient le verger principal d’abricots (51 %, avec une surface de 6 693 ha). La majorité des surfaces se trouve en Drôme (76 %) et en Ardèche (18 %). Majoritairement, les vergers d’Aura sont vieillissants (20 ans et plus) et axés sur la production de la variété bergeron (738 ha).

Pour les pêches, la surface régionale est de 2 073 ha (données Fredon 2021), soit 22 % du verger français (9 300 ha). Là encore, la majorité des surfaces régionales se trouve en Drôme (73 %), avec 55 % des vergers de moins de 10 ans. « Il y a eu très peu de plantations en 2021 (3 %, soit 11 ha) », a rappelé Muriel Millan. Les vergers ont une dominante nectarines (43 %) et une spécificité sanguine (21 %). Enfin, 48 % des variétés sont de saison, contre 29 % en précoce. Au total, 304 variétés ont été recensées en Aura.

A.P.

PÊCHES ET NECTARINES / Une production française historiquement basse
©DR

PÊCHES ET NECTARINES / Une production française historiquement basse

Les producteurs de pêches et abricots ont connu une année noire. Le bilan de la campagne 2021 fait apparaître un volume de récolte d’abricots le plus faible depuis trente ans, avec 45 000 tonnes (t), au même titre que la récolte de pêches et nectarines avec 120 000 t. En moyenne sur les cinq dernières années, la production européenne a baissé de 36 à 40 %. Malgré tout, les prix ont été élevés avec une hausse de 20 % par rapport à 2020 pour les pêches et nectarines et de + 10 % pour les abricots. Toutefois, aujourd’hui, les marchés à l’exportation ne permettent plus de faire la variable d’ajustement. « Le marché français peut absorber la majeure partie de la production française à condition d’organiser une promotion efficace, en particulier en juin et juillet, de consolider la valorisation de l’origine France et de poursuivre l’adaptation du verger », a prévenu Raphaël Martinez, directeur de l’AOP de pêches et abricots de France.

A.P.