Après la mise en ligne d’un outil de calcul provisoire par l’Ademe, les acteurs du monde agricole restent prudents sur l’affichage environnemental. Selon eux, la méthode ne valoriserait toujours pas assez l’origine ou les modes de production.
L’alerte a été donnée par l’interprofession de l’élevage : l’outil de calcul récemment dévoilé par l’Ademe en vue d’établir un affichage environnemental au niveau national ne répondrait toujours pas aux critiques répétées depuis plusieurs mois. Même s’il s’agit d’une méthode destinée à évoluer, s’agace Interbev, le poulet brésilien conventionnel obtiendrait d’après les premières simulations une meilleure note que le bœuf français bio. « La méthode, même complétée avec ces indicateurs complémentaires, n’est pas satisfaisante pour la filière élevage et viande », conclut l’interprofession. Les critiques visent encore sur le fond l’analyse du cycle de vie (ACV), prépondérante dans les calculs. Les indicateurs complémentaires sur la diversité, les infrastructures agroécologiques ou les méthodes d’élevage, ne seraient toujours pas assez forts pour compenser l’ACV et le poids accordé au climat, à hauteur de 21 % contre 12,5 % pour la biodiversité. Or, il s’agissait là d’un enjeu central pour cette nouvelle méthode : corriger les défauts de l’analyse de cycle de vie jugée trop centrée sur le carbone, pour valoriser les autres bénéfices environnementaux des produits agricoles, notamment la protection des prairies par le pâturage. « Nous avons conscience des effets de la viande sur le climat, mais notre problématique est de pouvoir accompagner les progrès dans les filières, et de valoriser les produits français », détaille Interbev. Pour éviter que tous les produits carnés aient systématiquement la pire note, l’une des pistes pourrait consister, selon Interbev, à « réfléchir aux catégories ». Les produits seraient comparés au sein d’une même catégorie, avec par exemple des échelles de notes différentes pour la viande et les légumes.
La FNSEA demande un affichage européen
Dans l’avis du Conseil national de l’alimentation dédiée à la future stratégie nutrition climat (SNANC), les acteurs du syndicalisme agricole majoritaire renouvellent plus largement leurs critiques. Pour la FNSEA, l’affichage ne doit ainsi pas être rendu obligatoire avant d’avoir été « harmonisé à l’échelle européenne ». Et de rappeler que « l’étiquetage des modes d’élevage n’entre pas dans les objectifs de l’affichage environnemental ». La coopération agricole, en écho aux reproches d’Interbev, estime de même que l’affichage qui s’appuie sur une unité fonctionnelle massique, c’est-à-dire un bilan par kilo de produit, doit évoluer « vers l’utilisation d’une unité fonctionnelle nutritionnelle ». Nicole Darmon, directrice de recherche à l’Inrae, prévient même que l’affichage pourrait induire des effets pervers », puisque « les aliments ayant le plus faible impact environnemental ne sont pas les plus vertueux sur le plan de la santé ».
I.L