Au cœur des préoccupations agricoles, la gestion de l'eau est l'un des défis majeurs, particulièrement dans le secteur de l'élevage. Rhône terre d'éleveurs a organisé une formation sur la gestion de l'eau en élevage.
Pour la quinzaine d'éleveurs du Rhône et de la Loire présents à la journée sur la gestion de l'eau, les préoccupations sont similaires : pouvoir récupérer l'eau de pluie, des forages qui s'appauvrissent et ne coulent plus. Ancien éleveur, Jérôme Crouzoulon est aujourd'hui formateur en santé animale et géobiologue : « l'eau est un sujet sur lequel il faut se pencher, aujourd'hui j'espère vous apporter des éléments pour que vous gagniez en autonomie et en qualité de l'eau ».
Récupérer ses eaux de pluie
Avec 1 mm d'eau de pluie tombé, la possibilité de récupération est d'1 l/ m2 de toiture. « Le plus important est de connaître sa surface de toit en amont, de se renseigner également sur la pluviométrie annuelle, sa répartition mensuelle et le nombre de jours de pluie par mois mais aussi de calculer les pertes avec l'évaporation, explique Jérôme Crouzoulon. On prend le plus souvent un coefficient de 0,8 pour les calculer. » Par exemple, pour une toiture ondulée de 500 m2, avec une pluviométrie de 500 mm/an, ce ne sera pas moins de 200 000 litres d'eau de pluie récupérés, soit 200 m3.
Avant le stockage de l'eau de pluie, le formateur conseille fortement d'anticiper et de prévoir un système de déviation des premières eaux de lavage du toit. « Le toit peut parfois être sali par des fientes d'oiseaux, des feuilles, etc. Il faut pouvoir les enlever avant le stockage définitif. » Attention tout de même à ne pas sous-dimensionner les filtres pour cette étape, le formateur conseille un filtre d'1 mm : « il faut prévoir large car avec un système de filtre trop petit, le système ne sera pas efficace ». La récupération d'eau de pluie sur toitures en amiante-ciment ou en plomb est interdite, « l'eau de pluie ne respecte pas la norme pour l'eau destinée à la consommation humaine (EDCH), elle peut être utilisée pour l'irrigation, une réserve de défense incendie, le lavage des sols et de matériel non alimentaire ou l'abreuvement des animaux, avec des précautions ».
Et pour le forage ?
« Plus on va profond, plus l'eau est chargée en minéraux du sous-sol. On peut retrouver du fer et du manganèse, qui sont des oligo-éléments. Mais s'il y en a trop, cela provoque des carences induites et bloque l'absorption du cuivre et du zinc, pourtant importants pour l'immunité du troupeau », prévient Jérôme Crouzoulon. Il faut donc faire attention à une charge minérale trop importante, « cela coûtera toujours moins cher d'enlever des bactéries présentes en eau de surface dans une mare que d'enlever du fer et du manganèse ». Côté porte-monnaie, il faut compter entre 100 et 150 € par mètre de profondeur. De plus, quelques recommandations sur le lieu de faisabilité de l'ouvrage sont à prendre en compte : situer le forage à 200 m de décharges, point de stockage de déchets ménagers ou industriels, et à 35 m des stations d'épurations, canalisations d'eaux usées, stockages d'hydrocarbures, des produits chimiques ou phytosanitaires, des bâtiments d'élevage et leurs annexes et des parcelles d'épandages d'effluents agricoles.
Pour ce qui est de la construction du forage, le formateur donne des clés pour ne pas se tromper sur les prestataires : « le joint d'étanchéité évite l'invasion de l'aquifère et du gravier par le ciment, si le prestataire ne vous parle pas du bouchon d'étanchéité, passez votre chemin ». Rachid Oualif, technicien à Farago Rhône, filiale du GDS qui propose des prestations, interpelle également les éleveurs sur le respect du cahier des charges des prestataires pour le forage : « Il faut être présent pour la réalisation et s'assurer du respect du devis et de toutes les étapes de la réalisation ». La tête de forage doit être placée au minimum à 50 cm du sol, « il faut protéger vos captages et éviter le passage d'animaux. Le citerneau doit être fermé et sécurisé et une clôture de 5 m autour doit pouvoir signaler votre réalisation, cela évitera malveillance et accidents ». Côté réglementation, « si votre forage est supérieur à 10 m de profondeur, il doit faire l'objet d'une déclaration à la Dreal ou la DDT », notifie le formateur. Concernant le prélèvement, plusieurs règles s'appliquent : pour un prélèvement inférieur à 1000 m3 par an, le forage doit être déclaré en mairie. Si les puits ou forages permettent de prélever au-delà de 1000 m3 annuel « il faut demander une autorisation à la Dreal ou la DDT. Pensez également que vous êtes obligé d'avoir un compteur d'eau et un carnet d'enregistrement des prélèvements », prévient l'ancien éleveur.
Si le forage peut s'avérer avantageux, il faut cependant tenir en compte de plusieurs points aléatoires qui subsistent : « on ne sait jamais s'il va y avoir de l'eau, à quelle qualité et si nous allons tomber sur des veines, des nappes ou des lentilles, qui sont fermées et ne donnent qu'une certaine quantité limitée ».
L'importance d'un stockage bien pensé
Cuve enterrée, cuve de surface, poche polyester enduite PVC, réservoir extérieur et le béton, de nombreuses solutions de stockage existent, mais certaines se révèlent plus avantageuses que d'autres. « La cuve enterrée présente un avantage majeur : garder l'eau tempérée, entre 10 °C et 15 °C. Plus la température augmente, plus on constate le développement de bactéries. Le fait que ce soit à l'abri de la lumière permet également le non-développement des cyanobactéries. Le seul inconvénient, c'est son coût. » La poche sert surtout pour la protection incendie, on ne l'utilise pas pour l'abreuvement. « Parfois sur des gros volumes, on peut se demander si une ancienne fosse à lisier ne pourrait pas être lieu de stockage car souvent, leur disposition avec les toits coïncident, mais il faut pouvoir la couvrir. Avec le béton, il y a une certaine inertie et nous n'avons pas de développement bactérien comme avec le plastique », remarque le formateur. Pour éviter tous remous, préférer une arrivée d'eau dans le bas de la cuve avec un raccord anti-remous. Au niveau des matériaux des contenants, ici aussi, plusieurs choix s'offrent aux exploitants : acier, polyéthylène (PEHD), béton ou polyester avec fibres de verre, « il faut penser à limiter la hausse de température et la lumière ». Pour les cuves en acier, Jérôme Crouzoulon insiste sur le fait d'en demander l'origine, « souvent c'est du recyclage de cuves de viticulteurs, mais il faut quand même demander quel est le revêtement intérieur, si c'étaient des hydrocarbures, laissez tomber ». Il attire également les agriculteurs sur le polytéréphtalate d'éthylène (PET), utilisé pour les bouteilles d'eau en plastique : « Ne réutilisez pas vos bouteilles, sous l'effet de la chaleur, elles deviennent cancérigènes ». Élément obligatoire pour le stockage : le disconnecteur à zones de pression réduites contrôlables. « Si vous êtes connecté au réseau d'eau potable, il faut pouvoir prouver dans votre installation qu'il n'y a aucun risque que votre eau récupérée n'interfère pas avec le réseau. Pensez également à signaler la potabilité de votre eau sur votre exploitation. »
Charlotte Favarel
Pour une distribution optimale
La distribution de l'eau est primordiale au sein des exploitations, « il faut penser au débit et au risque que les abreuvoirs ne se remplissent pas assez vite. Préférez des abreuvoirs peu profonds pour éviter la souillure et qui sont faciles à nettoyer. Je rappelle qu'une vache boit 15 l en une minute, le mieux, ce sont des abreuvoirs avec immersion du museau », rappelle le formateur. Pour les implantations extérieures, « il faudrait préférer des abreuvoirs à moins de 200 m du bâtiment sinon les vaches risquent de ne pas revenir à la pâture. L'idéal, c'est que 10 % du lot puisse boire en même temps avec un débit assez fort pour respecter les 15 l/minute/UGB ».
Concernant des problématiques de santé, Jérôme Crouzoulon met en garde sur les biofilms dans les canalisations : « lors de vos analyses, il faut faire un prélèvement à la source, si bactérie il y a, je sais que ça vient de la source ou de mon stockage d'eau de pluie par exemple. Et si la bactériologie est différente avec l'eau en bout de chaîne, ce sont sûrement les canalisations et le biofilm qui interfèrent ». Pour y remédier, un nettoyage en trois temps est recommandé : trempage des canalisations avec une eau pH 4 pendant 12 à 24 h, rinçage sous pression, trempage avec peroxyde d'hydrogène de 1 à 3 % pendant 24 à 72 h, rinçage sous pression, puis trempage avec un détergent alcalin pendant 24 à 48 h, rinçage sous pression.