VITICULTURE
Irrigation des vignes : faut-il ouvrir les vannes ?

Avec les sécheresses à répétition, le monde viticole s'interroge : l'irrigation peut-elle être une solution pour sauver les récoltes ? Le débat est ouvert.

Irrigation des vignes : faut-il ouvrir les vannes ?
L'irrigation est interdite l'été dans les cahiers des charges des AOC

Pour certains vignerons, la question ne se pose plus : l’irrigation va devenir vitale pour le maintien de la viticulture dans le département. C’est le cas de François Guigon, président de Vignerons Ardéchois : « On ne parle pas d’irriguer pour augmenter les rendements, mais pour maintenir l’existant. La vigne est résiliente, il faudrait parfois peu d’eau pour sauver une récolte. Mais sans un minimum d’eau, on ne pourra plus continuer à cultiver la vigne en Sud Ardèche. » Toutefois, les projets individuels se heurtent souvent à des difficultés administratives : « C’est pourquoi on essaie de recenser les besoins pour monter des projets collectifs, explique François Guigon, qui est aussi coopérateur à la cave d'Alba. En Sud-Ardèche, certaines vallées ont déjà des réseaux ; du côté d’Alba et Valvignères, moins de 10 % des surfaces viticoles sont irriguées. On est en train de réfléchir à un projet d’acheminement de l’eau du Rhône, via l’ancien chemin de fer, et qui serve aux agriculteurs mais aussi aux particuliers et entreprises locales. »

L'appellation Saint-Péray franchit le pas

Le cahier des charges des appellations interdit l'irrigation de la vigne en été. Pourtant, cette année, plusieurs appellations viticoles ont fait des demandes de dérogation. En Ardèche, c'est notamment le cas de l'AOC Saint-Péray. Toutefois, malgré l'accord de l'Inao, aucune parcelle n'a finalement fait l'objet d'une déclaration d'irrigation. Car les terrains particulièrement menacés par la sécheresse, tels que les coteaux pentus, sont aussi ceux où les infrastructures pour irriguer sont inexistantes. En attendant d'engager une réflexion sur ces moyens techniques, le syndicat souhaite modifier le cahier des charges de son AOC pour que l'irrigation puisse être autorisée dans certains cas.

Les solutions agronomiques privilégiées

L'AOC Cornas syndicat a fait le choix inverse. En raison du manque d'infrastructure, mais aussi de ressource en eau, « le consensus est de travailler sur l'image et la technique », annonce Anne Colombo, présidente de l'appellation. Des solutions agronomiques qui, elle l'espère, permettront à la vigne de s'adapter aux chaleurs et sécheresses à venir. « On l'a vu cette année, elle a bien résisté », se réjouit la présidente.

Pour les très jeunes vignes, en revanche, c'est une autre histoire. « Elles ont souffert », reconnaît Michaël Séguier, technicien viticole à la cave coopérative de Saint-Désirat. Si des solutions techniques existent également (par exemple réduire le nombre de grappes pour éviter l'épuisement), l'irrigation apparaît comme une solution pour sauver les pieds. « Si la première année on n'arrose pas, on peut avoir 90 % de pertes », reconnaît Anne Colombo, présidente du syndicat de l'AOC Cornas.

Des défis qui vont au-delà de l'irrigation

Du côté de l'appellation Saint-Joseph, l'irrigation semble « inenvisageable économiquement », souligne Joël Durand. « Avec le changement climatique, ce n'est pas uniquement un problème d'alimentation hydrique. C'est aussi le rayonnement solaire, la sécheresse de l'air et la température. » Pour l'avenir, l'AOC Saint-Joseph mise, elle-aussi, sur la technique. Mais pour l'heure tous attendent la pluie avec impatience afin que la vigne fasse ses réserves pour l'année prochaine.