NORD-ARDÈCHE
« Un millésime 2022 qui fera date »

En Nord-Ardèche, les vendanges ont réservé bien des surprises aux vignerons. Bilan.

« Un millésime 2022 qui fera date »
En Nord-Ardèche, les promesses d'un bon millésime semblent tenues. Ici, les vignes du Domaine de Lorient, sur les coteaux de Saint-Péray.

 En Nord-Ardèche, tous s’accordent à le dire : la récolte en raisin est inattendue. « Mi-juillet, on redoutait une catastrophe », se souvient Claude Laÿs, président de la cave coopérative de Tain l’Hermitage. Arrivées à point nommé, les pluies de la mi-août ont sauvé la saison. En côtes du Rhône septentrionales, on annonce déjà « un millésime qui fera date ». Si les rendements sont en baisse de 10 à 20 %, la qualité, elle, semble supérieure aux années précédentes.

Nicolas Ravel, technicien vignoble à la cave de Tain, explique ce bon résultat par une maturité phénolique dissociée du niveau de sucre. « À la fin du mois d’août, les raisins étaient sucrés, mais manquaient encore de maturation, peau et pépins, explique-t-il. Les pluies de septembre et l’écart de température entre le jour et la nuit ont favorisé un meilleur équilibre. »

En Syrah, les vendanges ont débuté au mois de septembre. Un risque non-négligeable, alors que les raisins étaient mûrs et la météo parfois capricieuse, mais il aura finalement payé. « Les rouges feront des vins colorés, avec des tanins mûrs ; sur le fruit, mais tout en douceur », détaille Xavier Frouin, œnologue maître de chai à la cave de Tain. Même logique chez leurs homologues de Saint-Désirat. « Même si c'est une période tendue, avec les risques d'orage, les viticulteurs ont préféré attendre pour avoir une bonne qualité », témoigne Michaël Séguier, technicien viticole à la cave. Président du syndicat de l'AOC Saint-Joseph, Joël Durand souligne : « Malgré l'été que l'on a eu, ce n'est pas un vin solaire, on est dans des degrés normaux : 12,5 ou 13,5 ». La syrah s'est bien comportée, mais il y a un déficit de rendement sur les cépages blancs.

Plus au sud, le syndicat des vignerons de l'AOC Cornas s'attend aussi à un bon millésime, malgré le déficit pluviométrique. « Sur les coteaux la situation est parfois plus hétérogène mais aux pieds on attend un bon rendement », assure la présidente, Anne Colombo.

En blanc, l'AOC Saint-Péray n'est pas en reste. « Le rendement n'est pas exceptionnel mais le degré est bien et le raisin équilibré... Il y aura de belles choses », annonce Benoit Nodin, président du syndicat.

Technicien viticole à la cave de Saint-Désirat, Michaël Séguier, réfléchit avec les viticulteurs à l'adaptation à mener, un travail d'observation, de surveillance de la météo et de réactivité.
Technicien viticole à la cave de Saint-Désirat, Michaël Séguier, réfléchit avec les viticulteurs à l'adaptation à mener, un travail d'observation, de surveillance de la météo et de réactivité.
Les 260 adhérents de la cave de Tain ont été formé à la dégustation afin de déterminer la maturité phénolique du raisin.
Les 260 adhérents de la cave de Tain ont été formé à la dégustation afin de déterminer la maturité phénolique du raisin.

Bichonner la vigne face au changement climatique

Un millésime 2022 sous le signe de la qualité, mais aussi de l’adaptation. Car si la météo a finalement été favorable, c’est aussi le travail sur les parcelles qui a permis de limiter la casse. Face au changement climatique de plus en plus visible, tous modifient leurs pratiques : densification, contrôle de la charge de grappe, du niveau d’enherbement, travail de la vigne au cas par cas… Chez les viticulteurs, l’heure est à l’expérimentation.

Dès leur installation en 2014 à Saint-Péray, Laure Colombo et Dimitri Roulleau-Gallais ont opté pour l’agroforesterie. Un choix qui semble porter ses fruits, car à plus de 500 m d’altitude leurs vignobles de coteaux ont bien résisté au manque d’eau et à la chaleur. « Le couvert végétal a permis de retenir l’eau et il a aussi rafraichi tout l’environnement », analysent-ils. Pour renforcer la vie microbienne du sol et permettre à la vigne de mieux résister, ils misent aussi sur l’apport de matières organiques. « On amende beaucoup et on cherche à le faire en autonomie avec des animaux d’élevage sur le domaine », explique Laura Colombo.

Autre avantage des animaux d’élevage dans les vignobles : l’éco-pâturage. C’est la méthode testée par Rémi Nodin, depuis deux ans. Sur son domaine, pas de travail du sol, mais un entretien réalisé par une quarantaine de brebis. Cette technique permettrait notamment de réduire l’humidité et le risque de gel au printemps avec un plus faible enherbement. « Ce n’est pas une expérimentation dans les règles de l’art, tempère-t-il. Mais on est toujours dans l’observation… C’est ce que fait l’agriculteur depuis la nuit des temps. » Pour l’avenir, ce vigneron se refuse au pessimisme : « On est capable de s’adapter techniquement ! »

Au domaine de Lorient, Laura et Dimitri ont opté pour la Roussanne. Moins productif que la Marsanne, ce cépage a l'avantage de contrebalancer le manque d'acidité grâce à son amertume.
Au domaine de Lorient, Laura et Dimitri ont opté pour la Roussanne. Moins productif que la Marsanne, ce cépage a l'avantage de contrebalancer le manque d'acidité grâce à son amertume.
Au domaine La Beylesse, à Saint-Péray, Rémi Nodin produit des vins rouges et blancs. Cette année, en revanche, le raisin était trop sucré pour les bulles.